Cinq des groupes représentés au parlement ukrainien issu des récentes élections législatives se sont mis d’accord le 21 novembre sur un pacte de coalition. Bien que cette coalition gouvernementale doive encore s’accorder sur la répartition des ministères, elle a déjà annoncé qu’elle allait intensifier sa campagne militaire à l’Est du pays et sa confrontation avec la Russie.
Elle a choisi la date du premier anniversaire des manifestations de la Place Maidan à Kiev pour annoncer son programme. Ces manifestations avaient été soutenues par les gouvernements occidentaux et ont abouti à un coup d’Etat sanglant amenant au pouvoir des forces droitières pro occidentales. Cela a, à son tour, mené à l’apparition de mouvements séparatistes dans l’Est de l’Ukraine.
A présent, une année après ces événements, cinq fractions parlementaires de partis ayant tous soutenu les manifestations du Maidan ont constitué une coalition qui prévoit d’intensifier la politique de guerre et d’imposer des coupes brutales dans les dépenses sociales.
Les cinq partenaires de la coalition se sont mis d’accord pour augmenter les dépenses militaires et les porter à trois pour cent du PIB. Ils préparent de nouveaux moyens de mobilisation militaire et un renouveau de la stratégie de sécurité du pays. La « tâche la plus urgente » est, selon eux, l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN.
Jusqu’à présent, la constitution ukrainienne garantissait au pays un statut de non-alignement. La nouvelle coalition qui dispose de 285 sièges sur les 423 que compte le parlement, a donc la majorité des deux-tiers nécessaire pour réaliser ce changement de la constitution, qui permettrait l’intégration du pays à l’alliance militaire occidentale.
Lundi, le président ukrainien, Petro Perechenko a concrétisé ces plans et annoncé un referendum sur une adhésion à l’OTAN dans les six ans à venir. D’ici-là tous les critères d’une inclusion à l’alliance militaire doivent être satisfaits.
Quelques jours auparavant Perechenko avait décidé de couper tous les financements et les retraites versés aux régions de l’Est de l’Ukraine contrôlées par les séparatistes pro-russes. Cela signifie que les écoles, les hôpitaux, et les services d’urgences ne seront plus financés et que les retraites et les prestations sociales ne seront plus versées.
Arseniy Yatsenyuk, qui restera probablement premier ministre, a rejeté toute négociation avec les séparatistes. « Nous ne conduirons pas de négociations directes avec des terroristes russes » a-t-il dit.
Le programme implacable du nouveau gouvernement est aussi incarné par son personnel. Les groupes constituant la coalition sont des forces droitières et ultra-nationalistes. Le Block Petro Perechenko, qui compte 127 député, est la plus grande fraction dans la nouvelle coalition.
De nombreux extrémistes de droite ont été candidats sur les listes des autres partis de la coalition: le Front populaire (76 sièges), le parti Samopomitch (34 sièges) dirigé par le maire de Lviv Andriy Sadovyj et le Parti de la patrie (23 sièges) dirigé par l’ancienne premier ministre Yulia Tymoshenko.
Ne serait-ce que parmi les dix députés figurant en tête de la liste du Front populaire, il y avait déjà trois commandants de milices d’extrême droite – Andrij Teteruk, Arsen Avakov et Yuri Beresa – qui ont lutté avec l’armée ukrainienne contre les séparatistes et qu’on tient responsables de graves violations des droits de l’homme.
Outre ces trois figures, est encore entré à la Rada (parlement) ukrainienne comme candidat du Front populaire Andrij Bilezkij. Bilezkij a fondé le notoire ‘Bataillon Azov’ et fut longtemps membre de la formation d‘extrême-droite Patriotes de l’Ukraine. Selon l’historien allemand vivant à Kiev Andreas Umland, Bilezkij est un « raciste biologique explicite » qui « propage ouvertement le mythe arien. »
Le cinquième partenaire de la nouvelle coalition est le Parti radical d’Oleh Lyashko qui dispose de vingt cinq sièges au parlement. Avant l’élection, Lyashko avait kidnappé et torturé dans diverses parties du pays des personnes suspectées de séparatisme. L’organisation des droits de l’homme Amnesty International l’a accusé de violer le droit international. Durant la campagne électorale, son parti a appelé à ce que l’Ukraine possède ses propres armes nucléaires.
Bien que le nouveau gouvernement dispose d’une large majorité en fait de sièges, il ne reflète d’aucune façon la volonté de la population. Lors des élections d’octobre on a empêché de larges couches de la population de voter. Les partis d’opposition ont été réprimés et interdits. Seuls 53 pour cent de l’électorat sont allés voter.
L’intégration de nervis d’extrême-droite au gouvernement montre clairement que le nouveau régime ne peut faire passer son programme réactionnaire contre la population qu’en faisant usage de la force. A cet égard, il peut s’appuyer sur les puissances du Pacte atlantique.
Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a salué l’annonce du nouveau gouvernement qu’il rechercherait une adhésion à l’alliance militaire. « La porte est toujours ouverte » a-t-il dit. « Je rappelle que nous avions décidé au sommet de Bucarest [en 2008] que l’Ukraine devait devenir membre de l’OTAN. Cette décision était toujours valide, si l’Ukraine remplissait tous les critères d’une adhésion, a-t-il suggéré.
Lundi, la présidente lithuanienne Dalia Grybauskaite a promis de fournir des armes au régime pendant une visite d’Etat à Kiev. « Nous somme tombés d’accord sur l’entraînement des officiers, la participation à des manoeuvres sur le territoire lithuanien, une coopération technique militaire et sur la fourniture de certains types d’armes à l’armée ukrainienne, » a dit Grybauskaite.
Les discussions entre Grybauskaite et Poroshenko concernaient apparemment une alliance militaire tripartite entre l’Ukraine et deux membres de l’OTAN, la Pologne et la Lituanie.
Dans une déclaration gouvernementale faite mercredi, la chancelière allemande Angela Merkel a une fois de plus vivement critiqué la Russie. « Rien ne justifie ou excuse l’annexion de la Crimée par la Russie, » a-t-elle dit. Elle répéta sa récente affirmation selon laquelle la Russie avait violé le droit international. Mardi, la chancelière s’est adressée à une conférence patronale à Berlin et y appela à la poursuite des sanctions contre la Russie.
Selon le lieutenant général Ben Hodges, un responsable militaire américain, le Pentagone se prépare à stationner 100 véhicules blindés en permanence en Europe de l’Est. Ces véhicules de combat pourraient être stationnés « dans les Etats baltes et en Pologne, en Roumanie et en Hongrie, » a-t-il expliqué.
Vu la politique agressive de l’OTAN et l’intégration de forces d’extrême-droite dans le gouvernement ukrainien, un vote dans un comité de l’assemblée générale des Nations Unies, vendredi de la semaine dernière, prend une signification particulière.
La Russie avait proposé une résolution s’opposant à la glorification du nazisme et d’autres pratiques incitant au racisme, à la discrimination raciale, à la xénophobie et à d’autres formes d’intolérance.
La résolution condamnait en particulier les pratiques « qui dénigrent la mémoire des innombrables victimes de crimes contre l’humanité commises pendant la Seconde Guerre mondiale » Outre les crimes perpétrés par les SS, la résolution nommait les crimes commis par ceux qui luttaient contre la coalition anti-Hitler et collaboraient avec le mouvement nazi ».
Si cent quinze pays ont voté en faveur de cette résolution, cinquante-cinq pays, dont l’Allemagne, se sont eux, abstenus. Trois pays ont voté contre, le Canada, les Etats-Unis et l’Ukraine.
(Article original publié le 27 November 2014)
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