Lors du congrès régional des Verts à Tuttlingen, qui s’est tenu le 10 novembre 2014, le ministre président du Bade Wurtemberg Winfried Kretschmann a déclaré que les Verts devaient devenir le nouveau parti classique du patronat allemand. Il aurait encore pu dire : le nouveau parti de la guerre.
Au cours de la période ayant précédé le congrès national du parti, qui eut lieu du 21 au 23 novembre à Hambourg, l’ancien parti écologiste a cherché à marcher dans les traces du parti libéral FDP, en grande difficulté. Le Land de Bade Wurtemberg sert de projet pilote à cet égard; Kretschmann est le premier ministre président Vert d’un Land allemand.
L’ex-maoïste Kretschmann a accusé la CDU (Parti chrétien-démocrate, au pouvoir à Berlin), longtemps au pouvoir dans ce Land du Sud-Ouest de l’Allemagne, d’ignorer les nouveaux défis auxquels est confrontée l’économie, comme les avancées dans la technologie digitale. Il a affirmé que c’était là la clé pour garantir au Land sa première position en matière de technologie et sa capacité d’être compétitif au niveau mondial.
Kretschmann a dénoncé le gouvernement fédéral pour avoir dépensé de l’argent à la hausse des retraites au lieu d’investir dans le développement du réseau de fibres optiques. « Nous voulons préserver notre formidable partie » a-t-il dit. Mais nous voulons aussi continuer d’être un Land industriel de haute technologie et cela veut dire que nous avons besoin d’un réseau de communications à haute vitesse. Alors, Patrie, Haute technologie, Grande vitesse. »
Cela rappelle le slogan: « Des ordinateurs portables et des Lederhosen (culottes de cuir) » utilisé comme réclame par l’archi-conservatrice CSU dans le Land voisin de Bavière.
Kretschmann a décrit la proposition du ministre fédéral des Transports, Alexander Dobrindt (CSU), de mettre en oeuvre le système de péage d’autoroute pour voiture de tourisme en collant des vignettes spéciales sur les pare-brise des voitures comme « [une pensée] tout simplement ossifiée ». Ce qu’il envisage, c’est l’enregistrement électronique de tous les véhicules sur la route, qui est rejeté même par les défenseurs conservateurs du maintien de la sphère privée. Mais les 220 délégués Verts ont eux, salué l’idée par un tonnerre d’applaudissements.
Le député Vert au Bundestag, Cem Özdemir, lui aussi du Bade Wurtemberg, a souligné que son parti « [devait se] rapprocher du monde des affaires et inviter régulièrement des représentant du patronat à [son] congrès. » Il a demandé que, suite à la « disparition » du FDP de la scène politique, les Verts déploient plus d’efforts dans le monde des affaires, en particulier celui de la moyenne entreprise. « Les jeunes entrepreneurs ne veulent pas retourner dans le passé, » a-t-il dit.
Boris Palmer, le maire Vert de Tübingen, a dit qu’un « Cable [de communication] avec le monde des affaires » était la recette d’un bon résultat aux prochaines élections. Il a loué Kretschmann comme « quelqu’un qui compren[ait] le monde des affaires. »
Hanns-Peter Knaebel, le président du producteur d’instruments médicaux Aesculap, représentait les intérêts patronaux à la conférence du parti. Il a appelé à une extension à six voies de l’autoroute A81 en direction de Singen et à une rénovation de la ligne de chemin de fer à destination de Zurich.
Tandis que les Verts du Bade Wurtemberg s’orientent vers un parti plus droitier et pro-patronal dans le but de dépasser la CDU, le Parti Vert au niveau fédéral fait la même chose pour la question de la guerre. Il a soutenu le coup d’Etat mené contre le président élu en Ukraine, critiqué le gouvernement fédéral pour son attitude « trop molle » et appelé à une intervention plus robuste de la part de l’UE et des Etats-Unis pour isoler et affaiblir Moscou.
Interviewé par le magazine d’information Der Spiegel, le porte-parole des Verts pour la politique étrangère au Bundestag, Omid Nouri Pour, insista pour dire que l’armée allemande (Bundeswehr) devait soutenir les frappes aériennes américaines en Irak et en Syrie à l’aide d’avions de chasse de la Luftwaffe (armée de l’air). Katrin Göring-Eckardt, la présidente de la fraction parlementaire des Verts a demandé dans le quotidien Süddeutsche Zeitung que l’armée de terre allemande soit déployée en Syrie.
Dans de telles circonstances, la récente et controversée approbation par Kretschmann de la dégradation des droits des réfugiés a été largement ignorée à cette conférence du parti, bien qu’elle contredise le programme de son parti. Le ministre président de Bade Wurtemberg avait rassemblé la majorité nécessaire au Bundesrat (Sénat) pour que la Serbie, la Macédoine et la Bosnie-Herzégovine soient classés comme des Etats de provenance sûrs. Les réfugiés de ces pays peuvent être à présent immédiatement déportés. Ce qui affecte en particulier les Roms qui sont confrontés à des attaques racistes dans ces pays.
Kretschmann n’a été obligé de plaider en faveur de sa position sur cette question que parce que l’organisation de jeunesse des Verts avait déposé une motion le critiquant. Lorsqu’il a défendu cette position cependant, personne n’a protesté. Son assertion selon laquelle le « compromis » obtenu signifiait une forte amélioration » de la situation des demandeurs d’asile, fut saluée par des applaudissement prolongés. Parmi les nombreux délégués ayant défendu la position de Kretschmann, il y avait Fritz Kuhn, le maire Vert de Stuttgart, la capitale du Land.
Le président du Land, Oliver Hildenbrand, a dit cyniquement à ce sujet: « La politique par rapport aux réfugiés est un sujet qui nous tient à coeur. Et grâce à notre ministre président Vert, c’est également une de nos grandes priorités en Bade Wurtemberg. »
La convention de Tuttlingen a donné le ton pour la convention nationale des Verts à Hambourg où le dirigeant du parti, Özdemir, attendait un « large soutien » en faveur de Kretschmann. Le tournant du parti vers la droite ces dernières années devait être inscrit dans son programme de Hambourg.
La résolution présentée par la direction du parti s’intitulait « Construisez la liberté verte – émancipatrice et participative, responsable et unie. » Elle mettait l’accent sur la « liberté » comme « valeur fondamentale » des Verts et la définissait exclusivement dans le sens du marché libre. L’« esprit d’innovation, d’entreprise et de compétition pour de nouvelles solutions et de nouveaux produits sont une façon d’exprimer la liberté économique que nous voulons renforcer, » déclare la résolution.
Au nom de la « liberté » et de l’« autodétermination », la résolution appelle à la rigueur et à des coupes dans les services sociaux – une « politique budgétaire saine » et « la libération des futures générations de la montagne de la dette ». Elle souligne que « la responsabilisation est le mot clé: l’Etat devrait permettre l’autodétermination et aider les gens dans leur quête de liberté. »
La vice-présidente du groupe parlementaire des Verts, Kerstin Andreae et son collègue député Strengmann-Kuhn ont dit dans le débat sur la résolution: « Notre principe directeur est un Etat dégraissé mais fort qui créera des espaces ouverts au lieu de les fermer. Les réglementations étatiques devraient toujours être prises avec un degré de scepticisme. »
La résolution principale est destinée aux couches de la classe moyenne supérieure qui aspirent à la réussite sociale et à l’accomplissement individuel dans le cadre du capitalisme. Les termes « ouvrier », « employé », « chômeur » ou même Hartz IV (l’aide sociale de misère en Allemagne) ne figurent pas dans le document.
Dieter Janecek et Gerhard Schick, respectivement porte-parole des Verts pour l’économie et pour la politique financière dans le groupe parlementaire, sont intervenus dans le débat en caractérisant « les entrepreneurs et les start-up, les gens créatifs et les artistes, les libres penseurs scientifiques et ceux qui ont un engagement social et environnemental » comme les « entrepreneurs du changement ».
A cela s’ajoute la demande d’oasis vertes où l’entrepreneur vert fuyant la populace peut se reposer du stress causé par le capitalisme au quotidien. « Nous voyons un fort besoin social pour de vastes espaces ouverts et des zones protégées pour des retraites paisibles », dit la résolution principale, qui ajoute que cela est une nécessité pour une « société qui n’aspire pas seulement à des choses de plus en plus rapides, de plus en plus grandes et de plus en plus loin; et un style de vie qui nous laisse le temps de respirer. »
(Article original publié le 22 novembre 2014)