Les licenciements de masse et les mesures d'austérité sévères décrétées par le régime non élu que soutient l'Occident à Kiev soulignent les risques mortels qui pèsent sur les travailleurs ukrainiens, dans l'ouest comme dans l'est majoritairement russophone du pays. Le caractère réactionnaire du putsch du mois dernier, financé et dirigé par les États-Unis et l'Allemagne, est de plus en plus clair.
En s'appuyant sur des discussions avec le Fonds monétaire international (FMI), le premier ministre Arseniy Yatseniuk a déclaré jeudi qu'il licencierait 10 pour cent des fonctionnaires ukrainiens (24 000 travailleurs) et imposerait une augmentation de 50 pour cent du prix du gaz naturel. Cette augmentation, qui supprime des aides sociales qui avaient survécu à la restauration du capitalisme en URSS, aura un effet dévastateur sur les conditions de vie de millions d'Ukrainiens.
Ces mesures ne sont qu'un avant-goût de l'offensive préparée par le capital financier européen et américain. Après les élections, le gouvernement fantoche à Kiev appliquera des mesures d'austérité encore plus coûteuses pour la classe ouvrière.
L'UE et en particulier l'impérialisme allemand considèrent l'Ukraine non seulement comme un tremplin essentiel pour leurs opérations futures contre la Russie, mais aussi comme une source importante de travail à bon marché. Dans des commentaires révélateurs, le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble a déclaré jeudi: «Si nous devions parvenir à une situation dans laquelle nous aurions à stabiliser l'Ukraine, nous aurions de nombreuses expériences en Grèce [sur lesquelles nous appuyer].»
Les travailleurs sont mis face à face avec les conséquences sociales et géostratégiques désastreuses de la dissolution de l'URSS en 1991. La politique des puissances impérialistes est de transformer l'Ukraine et les autres ex-républiques soviétiques en des avant-postes appauvris et néo-coloniaux de provocations diplomatiques et militaires agressives contre la Russie, qui risquent de déclencher une guerre.
La résolution de l'Assemblée générale de l'ONU de jeudi, rédigée par le nouveau gouvernement ukrainien, qui condamne le référendum en Crimée qui a voté pour la sécession d'avec l'Ukraine pour rejoindre la Russie, est un chef-d'oeuvre de cynisme et d'hypocrisie. Dénonçant le référendum et son absence de «validité», elle appelle toutes les parties à poursuivre un dialogue pacifique et à éviter d'utiliser «une rhétorique incendiaire qui pourrait augmenter les tensions».
Quelles bêtises hypocrites! Le régime de Kiev est arrivé au pouvoir grâce aux bâtons et aux cocktails Molotov des groupes fascistes comme Secteur droit, et soutenu par l'UE et les États-Unis – lesquels se réservent le droit dans leur politique étrangère d'attaquer n'importe quel pays, de l'Irak à la Libye, qu'ils déclarent constituer une menace.
Les puissances occidentales continuent à soutenir le régime de Kiev après qu'il a nommé six ministres du parti fasciste Svoboda, dont la rhétorique incendiaire comprend des appels sur Internet à «liquider physiquement» tous les intellectuels russophones et les personnes que Svoboda considère comme des «ukrainophobes».
L'ex-première ministre ukrainienne Yulia Timoshenko, une des principales oligarques soutenues par l'Occident, a annoncée jeudi sa candidature à la présidence. Dans une conversation téléphonique qui a fait l'objet d'une fuite, Timoshenko a demandé l'annihilation des Russes en Ukraine. «J'utiliserai tous les moyens à ma disposition pour soulever le monde entier, pour qu'il ne reste même plus une terre brûlée de la Russie», déclare-t-elle.
Le régime du président russe Vladimir Poutine, quant à lui, a réagi en menaçant de cesser d'exporter le gaz russe ou d'en augmenter le prix pour l'Ukraine – une mesure qui ne ferait qu'augmenter le fardeau financier qui pèse sur les travailleurs ukrainiens.
La classe ouvrière en Ukraine est prise entre les politiques réactionnaires du régime fantoche pro-occidental à Kiev avec ses hommes de main fascistes, d'un côté, et les politiques nationalistes russes et corrompues de Poutine, qui ne représentent que les intérêts des oligarques capitalistes de la Russie, de l'autre.
Ce résultat confirme la justesse de la perspective et de l'analyse faite par le Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI) à la veille de la dissolution de l'URSS. La seule voie progressiste pour les travailleurs de l'ex-URSS, comme en Europe occidentale ou aux États-Unis, est une lutte commune contre le capital financier et contre la classe dirigeante capitaliste post-soviétique.
Le 3 octobre 1991, au cours d'une conférence qui s'est tenue moins de trois mois avant la dissolution de l'URSS, dans un club d'ouvriers de Kiev, David North, actuel président du Comité de rédaction international du World Socialist Web Site, avait prévenu des conséquences des politiques nationalistes de la bureaucratie soviétique et des nationalistes pro-capitalistes dans les républiques fédérées, dont l'Ukraine. «Le conflit entre les staliniens et les démocrates, affirmait-il, ressemble à celui entre des gangs mafieux rivaux.»
«Dans les républiques, les nationalistes ont proclamé que la solution à tous les problèmes tient à la création de nouveaux États “indépendants”. On peut se demander, indépendants de qui? Déclarant leur “indépendance” de Moscou, les nationalistes ne peuvent rien faire de plus que placer toutes les questions vitales liées au futur de leurs nouveaux États entre les mains de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne, de la France, du Japon et des États-Unis. [Leonid] Kravtchuk [alors président du parlement ukrainien, puis président de l'Ukraine] va à Washington et se fait tout petit comme un écolier sur son siège quand le président Bush lui fait la leçon», North a-t-il ajouté.
«La Quatrième Internationale a toujours défendu le droit des nations à l'auto-détermination, et Trotsky a parlé avec éloquence en 1939 du droit de l'Ukraine à faire sécession d'un État soviétique dominé par l'oligarchie du Kremlin. Cela reste la position de la Quatrième Internationale. Cependant, nous ne prétendons pas que la sécession peut, par elle-même, fournir une réponse aux graves problèmes auxquels sont confrontées l'Ukraine et les autres républiques. En fait, même après avoir obtenu une indépendance formelle, ces républiques indépendantes devraient affronter, d'une manière concentrée, tous les mêmes problèmes auxquels elles étaient confrontées dans le cadre de l'URSS – mais sans aucun des avantages conférés par l'existence d'un grand État et son “économie d'échelle” […]
«Quel chemin devraient alors prendre les travailleurs d'URSS? Quelle est l'alternative? La seule solution qui peut être trouvée est celle qui s’appuie sur le programme de l'internationalisme révolutionnaire. Le retour au capitalisme, dont l'agitation chauvine des nationalistes n'est qu'un des déguisements, ne peut entraîner qu'une nouvelle forme d'oppression. Au lieu de voir chaque nationalité soviétique approcher les impérialiste séparément la tête baissée et à genoux, implorant des aumônes ou des faveurs, les travailleurs soviétiques de toutes les nationalités devraient forger de nouvelles relations, en s'appuyant sur les principes de l'égalité sociale réelle et de la démocratie, et sur cette base prendre la défense révolutionnaire de tout ce qui mérite d'être préservé dans l'héritage de 1917.»
L'offensive sans vergogne de l'impérialisme dans les pays de l'ex-Union soviétique confère à ces remarques une importance renouvelée.
(Article original paru le 28 mars 2014)