Quarante et un mille enseignants des écoles publiques de la Colombie-Britannique ont commencé leur deuxième semaine de grève à la grandeur de la province.
Les enseignants réclament une augmentation salariale de 8 % répartie sur cinq ans, une prime de 5000 $ convenue au moment de la signature de la convention collective, l’amélioration de l’ensemble des avantages sociaux et la mise en place d’un fonds 225 millions $ par année pour remédier au problème de la taille et de la composition des classes.
Le gouvernement libéral de la grande entreprise de la première ministre Christy Clark a répondu avec une offre salariale de 7 % répartie sur six ans (avec un gel des salaires pour les deux premières années), une prime à la signature de 1200$ et un maigre 375 millions $ réparti sur cinq ans pour améliorer les «conditions d’apprentissage» dans le système d’éducation publique fortement surpeuplé et sous-financé.
À la suite des programmes répétés de «retenue de salaire» du Nouveau Parti démocratique (NPD) et des libéraux, les salaires réels des enseignants de la C.-B. ont considérablement été érodés au cours des deux dernières décennies. Dans sept des 15 dernières années, les enseignants n’ont eu aucune augmentation de salaire que ce soit. Le dernier contrat des enseignants a expiré il y a plus d’un an.
En poste depuis 2001, les libéraux ont ravagé les budgets de l’éducation, augmenté la taille des classes, réduit les programmes de soutien des enseignants et à plusieurs reprises réduit les salaires et avantages sociaux des enseignants. Maintes et maintes fois, le gouvernement a utilisé contre les travailleurs des lois briseuses de grève pour imposer ces attaques et la Fédération des enseignantes et des enseignants de la Colombie-Britannique (FECB) et la BC Federation of Labour (BCFED) ont docilement obtempéré.
L’offre salariale dérisoire du gouvernement est conforme à son refus patent de discuter des revendications des enseignants pour des classes réduites, le plafonnement du nombre d’élèves ayant des besoins particuliers par classe et l’augmentation des ratios de bibliothécaires et autres personnes-ressources pour l’enseignement.
Depuis 2002, plus de 2500 emplois d’enseignants ont été éliminés et de nombreux enseignants qualifiés ne peuvent plus maintenant que trouver des emplois temporaires contractuels.
En plus de l’augmentation de la taille des classes, les enseignants sont de plus en plus confrontés à des demandes et à des défis en raison des changements dans la composition du corps étudiant. En effet, un quart de toutes les classes des écoles publiques de la Colombie-Britannique comptent quatre élèves ou plus ayant des «besoins spéciaux», c’est-à-dire ayant une déficience physique ou mentale. En outre, les enseignants doivent enseigner à un grand nombre d’étudiants pour qui l’anglais n’est pas la première langue, y compris dans les classes supérieures. Plus de 10 % des élèves inscrits dans les écoles du secteur public en Colombie-Britannique sont définis comme apprenants de langue anglaise.
La FECB a indiqué qu’elle était prête à faire preuve de «souplesse», c’est-à-dire reculer et abandonner les demandes des enseignants pour des garanties de retour à des classes de taille d’avant 2002 et de restauration des limites en matière de composition des classes. Le syndicat s’engage également à respecter une ordonnance du tribunal forçant les enseignants à surveiller les examens de fin d’année pour les finissants de 12e année et à remettre les notes finales avant la fin de l’année scolaire vendredi. La FECB n’a pas encore annoncé si la grève sera reportée à la session scolaire estivale.
La semaine dernière, la FECB a réduit à nouveau ses demandes salariales, mais le gouvernement a rejeté sèchement cette concession.
Selon le ministre de l’Éducation Peter Fassbender, la FECB «veut rester dans sa propre orbite. Elle ne veut pas reconnaître les réalités de notre économie ni les besoins des contribuables. Et ses demandes sont deux fois supérieures à ce que les autres syndicats ont accepté.»
Après l’échec des négociations en fin de semaine dernière, la FECB a affirmé qu’un compromis serait facilement trouvé si le gouvernement permettait au médiateur des relations de travail vétéran Vince Ready de participer aux pourparlers. Le gouvernement a en effet demandé à Ready de servir de médiateur, mais celui-ci a refusé dimanche, annonçant qu’il était trop occupé pour s’occuper du dossier. La plupart des observateurs pensent cependant qu’il a refusé d’agir en tant que médiateur parce qu’il jugeait infranchissable le fossé entre les deux parties.
Pendant les trois semaines qui ont précédé la grève générale, la FECB a mené une série de grèves tournantes. Le gouvernement a réagi en imposant un lock-out partiel à tous les enseignants provinciaux, limitant leur temps de préparation et annonçant une réduction de 10% de leurs salaires (en plus de déduire de l’argent pour avoir participer aux grèves tournantes d’une journée).
Il a été rapporté que des banques alimentaires spéciales ont été créées pour gérer les besoins des enseignants en difficulté qui ne reçoivent aucune indemnité de leur syndicat pour leurs fonctions de piquetage. La FECB a déjà épuisé son fond de grève pour payer toute une série de batailles judiciaires coûteuses pour lutter contre des lois adoptées par le gouvernement libéral s’en prenant au droit de négociation collective des enseignants et lui donnant l’autorité légale de réduire le financement de l’éducation publique.
En 2002, quand Clark était ministre de l’Éducation, le gouvernement libéral a adopté une loi interdisant aux enseignants de négocier la taille des classes et d’autres questions connexes dans leur convention collective. Après une longue procédure judiciaire, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a statué en 2011 que l’action du gouvernement était inconstitutionnelle, car elle violait l’article 2 de la Charte des droits garantissant la liberté d’association.
Cependant, plutôt que d’incriminer immédiatement la loi, le tribunal a donné au gouvernement 12 mois pour la remanier. Clark, qui était alors première ministre provinciale, a réagi en déposant un projet de loi à l’Assemblée législative presque identique à celle déjà déclarée inconstitutionnelle. En avril 2013, cette loi a été elle aussi jugée en violation des droits des travailleurs après une deuxième série de litiges. Le gouvernement s’est alors vu ordonner par le tribunal de payer 2 millions $ en dommages à la FECB. Les libéraux en appellent maintenant de la décision.
En février dernier, le chef du NPD Adrian Dix a révélé que des transcriptions de Cour décrivant les conversations entre le négociateur en chef du gouvernement Paul Straszak et un sous-ministre au sein du gouvernement montraient que la stratégie de négociation des libéraux tout au long avait été de provoquer une grève de la FECB pour lui imposer par la loi un contrat de concession.
Le NPD, qui est soutenu par les syndicats, a critiqué les libéraux pour la façon dont ils négocient dans le litige qui les oppose aux enseignants, tout en précisant toutefois à maintes reprises son accord de principe avec l’assaut du gouvernement sur l’éducation publique et contre les salaires et les conditions de travail des enseignants. Même dans ses manifestes électoraux, le NPD n’a jamais tout au plus qu’appelé à la restauration partielle des réductions massives du financement effectuées dans l’éducation par les libéraux, embrassant les énormes réductions d’impôt que les libéraux ont prodiguées aux grandes entreprises et aux riches, ces mêmes réductions qui font que le gouvernement n’a plus les moyens de financer des services publics décents.
Depuis le début de la grève, le NPD a limité son «soutien» aux enseignants à l’appel aux libéraux du critique de l’éducation Rob Fleming de «prendre au sérieux» les négociations. Pour sa part, la BC Federation of Labour a tout simplement demandé à ses membres de soutenir «les manifestations de solidarité» et de visiter les piquets de grève pour soutenir le moral des grévistes.
(Article original paru le 24 juin 2014)