Les négociations syriennes dans l'impasse, l'opposition soutenue par les États-Unis demandant un changement de régime

Les négociations de Genève II sur la Syrie ont été suspendues lundi en début de journée, après que la délégation du gouvernement syrien a présenté une « déclaration de principes » qui ne mentionne pas de transfert du pouvoir à une organisation comprenant l'opposition soutenue par les États-Unis.

Feignant l'indignation, le négociateur de l'opposition pro-occidentale, Hadi al Bahra, s'est plaint, « la déclaration est en dehors du cadre de Genève, lequel se concentre sur la création d'un gouvernement de transition. »

L'opposition syrienne, soutenue par les États-Unis, l'Europe, les monarchies du Golfe et la Turquie, a cité une motion des Nations unies de 2012 qui incitait la Syrie à former un gouvernement de transition et à organiser des élections libres et sans fraude. Mais cet ultimatum exigeant la démission de Bashar el Assad avait déjà été rejeté avant même le début des négociations la semaine dernière.

S'exprimant devant la conférence de Genève lors de son ouverture la semaine dernière, le ministre des affaires étrangères John Kerry a déclaré : « nous avons besoin ici de nous occuper de la réalité. Bashar Assad ne fera pas partie de ce gouvernement de transition. »

Le ministre des affaires étrangères syrien Walid al-Muallem a répondu, « personne au monde n'a le droit de conférer ou de retirer la légitimité à un président, une constitution ou une loi, sauf les Syriens eux-mêmes. »

Il fut soutenu par le ministre russe des affaires étrangères Sergey Lavrov.

Le ministre-adjoint des affaires étrangères, Faisal Mekad, a a jouté que l'insistance de l'opposition pour obtenir la démission d'Assad gênait les négociations. « Le problème est que ces gens ne veulent pas faire la paix, ils viennent ici avec des conditions déjà établies, » a-t-il dit.

Jusqu'à lundi, les négociations se concentraient sur la question des convois d'aide humanitaire vers la ville assiégée de Homs tenue par l'opposition et qui ont besoin d'une autorisation du régime baasiste d'Assad pour y accéder. Près de 800 familles y seraient piégées.

Un accord provisoire a été obtenu dimanche permettant aux femmes et aux enfants de quitter la ville, mais les forces de l'opposition ont insisté pour que des « corridors humanitaires » soient ouverts à la place – la même base utilisée pour justifier l'intervention occidentale en ex-Yougoslavie au départ.

Le porte-parole de l'opposition Monzer Akbik était soutenu dans sa demande par le porte-parole des affaires étrangères américaines, Edgar Vasquez. Mais Mekad a dit que c'était les groupes de l'opposition en fait qui empêchaient les femmes et les enfants de quitter Homs.

Il n'y a pas eu non plus d'accord sur les demandes de l'opposition de libérer les près de 50 000 détenus qu'ils affirment que le gouvernement détient. Mikad a dit que la liste des noms soumis par l'opposition était grandement exagérée, et que le gouvernement n'avait pas d'enfants en prison. L'opposition a également affirmé qu'elle n'avait aucun contrôle sur les militants islamistes qui ont kidnappé des centaines de gens.

Dimanche, Mekad avait déclaré, « nous sommes ici pour discuter du terrorisme, non d'un transfert de pouvoir... Le président de la République arabe syrienne reste en place jusqu'à ce que le peuple syrien en décide autrement. C'est une ligne rouge. Si certaines personnes pensent que nous venons ici pour leur donner les clefs de Damas, elles se trompent. »

La déclaration du gouvernement publiée lundi demandait que les Syriens choisissent un système politique sans « formules imposées » depuis l'extérieur.

Washington, qui savait très bien que son ultimatum à Assad serait rejeté, a cherché à s'en servir pour faire monter les tensions, déstabiliser encore plus le Moyen-Orient et appliquer une pression maximale sur l'Iran.

Sa duplicité dans l'organisation des négociations de paix était clairement apparente quand il a choisi de reprendre les livraisons d'aide « non létale » à l'opposition syrienne le même jour, juste un mois après que des forces liées à Al Qaïda se sont emparées d'entrepôts et ont contraint les puissances occidentales, dont les États-Unis et la Grande-Bretagne, à suspendre leurs envois d'armes à l'opposition.

Des représentants anonymes des États-Unis ont indiqué que l'aide était envoyée par la Turquie vers la Syrie, avec la coordination du Conseil suprême de l'Armée libre syrienne, dirigée par le général Salim Idris. Ils ont insisté sur le fait que l'interruption des approvisionnements le mois dernier n'était qu'une « mesure de précaution. »

Lors du sommet de Davos, la 44e rencontre annuelle du Forum économique mondial (FEM) en Suisse, qui coïncidait avec les négociations de Genève, Kerry a adopté une fois de plus une posture belliqueuse envers la Syrie, l'Iran et le Moyen-Orient. Il a dit dans un entretien que l'option militaire était toujours envisageable si l'Iran ne respectait pas ses engagements nucléaires et que Assad ne pouvait pas faire partie d'un quelconque arrangement futur en Syrie.

Le pays « est devenu le plus grand aimant à djihadistes et terroristes dans le monde, » et l'opposition ne cesserait jamais de se battre tant qu'il serait au pouvoir.

Vendredi, le président iranien Hassan Rouhani, arrivant à Davos, a dit que le futur de la Syrie devrait être décidé par la nation syrienne et non par des forces extérieures.

Dimanche, l'Iran – principal allié de la Syrie – et les partisans de l'opposition, la Turquie et l'Arabie saoudite, ont tous condamné l'afflux de combattants étrangers en Syrie, tout en niant que leurs pays avaient joué un rôle dans celui-ci. L'ambassadeur de Syrie aux Nations unies, Bashar Jaafri, a dit deux jours plus tôt que son gouvernement avait retracé le parcours de plus de 500 combattants d'Al Qaïda entrés en Syrie depuis la Turquie, accusant l'Arabie saoudite d'envoyer des combattants en Syrie depuis le Yémen.

Dimanche également, le ministre de l'information Omran al-Zoubi a explicitement accusé les États-Unis et leurs alliés, en particulier la Turquie et le Qatar, d'alimenter la guerre civile. « Les États-Unis sont impliqués par l'intermédiaire de leurs agences de renseignements pour une grande partie de ce qu'il s'est passé en Syrie, avec le soutien de la Turquie et du Qatar, » a-t-il dit.

Le ministre iranien du travail, des coopératives et de l'aide sociale, Ali Rabeiei, a déclaré que Téhéran continuerait à soutenir la Syrie et que le premier pas pour faire cesser le bain de sang serait « une décision collective sur la lutte contre le terrorisme. »

Le régime syrien semble placer ses espoirs dans un accord négocié sur deux choses : le fait qu'il soit clairement en train de gagner la guerre civile ; et les craintes des États-Unis et de l'Europe que l'opposition soit dominée par des islamistes liés à Al Qaïda.

Au début du mois, Mekad a déclaré à la BBC que diverses agences de renseignements occidentales non-nommées ont visitées Damas pour des discussions sur la manière de combattre les groupes de l'islamisme radical. Il y a eu une scission entre les responsables de la sécurité et les politiciens qui insistaient pour que Assad démissionne. « Je ne vais pas entrer dans les détails, mais beaucoup d'entre-eux ont visités Damas, » a-t-il dit.

De nombreux gouvernements occidentaux comprennent maintenant qu'il n'y avait aucun remplaçant au pouvoir d'Assad, a-t-il dit, et certains approchent la Syrie pour reprendre les relations diplomatiques. Le directeur des correspondants internationaux de la BBC Lyse Doucet a commenté le 16 janvier que « des sources informées disent qu'il y a eu des rencontres entre des responsables des renseignements occidentaux et syriens dont le chef de la sécurité, le général Ali Mamluk. »

« Alors que cette guerre dévastatrice continue, il y a une inquiétude de plus en plus forte dans de nombreuses capitales sur la manière d'y mettre fin. Comme l'a indiqué un responsable occidental : « c'est une situation où absolument tout le monde y perd, » a indiqué la BBC.

Dans le Daily Beast, Frank G. Wisner, un ex-ministre adjoint aux affaires étrangères et à la défense et président émérite du Conseil des relations étrangères, a soutenu une évolution vers un accord négocié.

« Regardons en face la réalité d'Assad en Syrie, » a-t-il déclaré. « La conférence sur la Syrie en cours à Genève pour réaliser une transition du pouvoir d'Assad va échouer, et l'équipe Obama le sait. Il n'y a aucune raison maintenant dans le camp Assad ou rebelle pour un compromis diplomatique, et les États-Unis le savent […] La réalité sur le terrain aujourd'hui c'est que les rebelles modérés aidés par les américains continuent à s'effondrer, pendant que les forces d'Assad et celles des extrémistes djihadistes prospèrent »

Le président Barack Obama a été contraint d'abandonner une intervention militaire en Syrie l'an dernier face à l'opposition populaire, la menace d'un conflit direct avec la Russie et le risque d'une guerre engouffrant toute la région. Mais le recours continuel de Kerry aux menaces montre que seul un imbécile écarterait la possibilité que Washington recoure une nouvelle fois à la guerre contre la Syrie, si les négociations échouent à faire avancer sensiblement les plans américains pour cette région.

(Article original paru le 28 janvier 2014)

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