Au moins trois manifestants ont été tués mercredi dernier quand la police est intervenue avec des matraques et du gaz lacrymogène afin de disperser des centaines de manifestants derrière des barricades près de la place de l'Indépendance de Kiev.
L'une des victimes était un homme de 30 ans qui aurait été atteint de quatre balles par la police. Les médecins ont déclaré qu'il y avait deux autres morts.
Après l'annonce des décès, le premier ministre de l'Ukraine Mykola Azarov a traité les manifestants de terroristes et de provocateurs dont les actes «criminels» seraient punis.
Un groupe particulièrement actif dans les combats de rue autour de la place de l'Indépendance est le groupe d'extrême-droite nationaliste «Secteur droit», une coalition d'organisations de droite et de partisans d'équipes de foot locales.
Dans une déclaration faite la semaine dernière, le groupe disait être responsable des violentes confrontations avec la police du 19 janvier dernier et promettait de continuer ses activités jusqu'à ce que le président Yanukovych démissionne.
L'offensive policière contre les manifestants a eu lieu après des manifestations de masse le week-end précédent contre de nouvelles lois qui imposent des restrictions sévères contre le droit de manifester, et des peines de prison pouvant aller jusqu'à 15 ans pour «participation à des émeutes de masse».
Mercredi matin, la police a répété aux manifestants à travers des hauts-parleurs que leurs actes constituaient une «grave infraction de la loi» et leur a demandé de se disperser. Des utilisateurs de téléphones cellulaires qui étaient dans la zone où la manifestation avait lieu ont reçu des messages menaçants disant: «Cher utilisateur, vous êtes enregistré en tant que participant à un rassemblement illégal.»
Ce sont les premiers décès depuis le début des manifestations il y a deux mois contre le gouvernement ukrainien. Ils ont eu lieu seulement une journée après l'avertissement du ministre des Affaires étrangères russe Sergei Lavrov que l'intervention de la part de gouvernements européens avait aggravé les tensions en Ukraine et que la situation devenait «hors de contrôle».
Lavrov a dit, «Nous avons des informations qui indiquent qu'une grande partie des provocations viennent de l'étranger», ajoutant que des «membres de plusieurs gouvernements européens se sont précipités place de l'Indépendance sans aucune invitation et ont pris part à des manifestations antigouvernementales». Un tel comportement, a dit Lavrov, est «tout simplement indécent».
Lavrov faisait référence aux interventions en décembre de la part de la chef de la politique étrangère de l'UE, Catherine Ashton, et de l'ex-ministre des Affaires étrangères allemand, Gudio Westerwelle, qui ont ouvertement exprimé leur solidarité envers les manifestants. Les interventions de l'UE au nom de l'opposition ont été appuyées par Washington. Le sénateur des États-Unis John McCain s'est adressé à un rassemblement de masse à la place de l'Indépendance et a soupé avec des dirigeants des partis de l'opposition, incluant Oleh Tyahnybok, le chef du parti antisémite d'extrême-droite Svoboda.
Washington et Berlin mobilisent les forces les plus à droite et réactionnaires dans leur campagne pour renverser Yanukovych et le remplacer par un régime qui couperait les liens de longue date avec la Russie et mettrait en place un programme d'austérité de l'UE.
Début décembre, des partisans de Svoboda ont abattu la statue de Vladimir Lénine dans le centre-ville en scandant «Pendez le communiste!»
Svoboda organise régulièrement des commémorations de l'infâme collaborateur ukrainien des nazis, Stepan Bandera. Le parti est membre du groupe qui se nomme l'Alliance de mouvements nationaux européens, qui inclut le British National Party, National Demokraterna de Suède, le Front national en France, Fiamma Tricolore en Italie, le Front national belge, et Jobbik en Hongrie.
Tirant ses forces des mêmes couches sociales réactionnaires que Secteur droit, Svoboda joue un rôle majeur dans les manifestations de Kiev depuis leurs débuts en novembre. Le dirigeant du parti Tyahnybok commence régulièrement ses discours démagogiques par le cri de ralliement «Gloire à l'Ukraine!»
Les mêmes chants nationalistes ont été adoptés aux manifestations de masse par les dirigeants des deux autres partis d'opposition, l'Alliance démocratique ukrainienne menée par le boxeur Vitali Klitschko et le parti Patrie nationaliste d'Arseniy Yatsenyuk, qui est allié à l'oligarque et ex-première ministre Yulia Tymoschenko, qui est maintenant en prison.
Dans une entrevue avec le Guardian mercredi dernier, Klitschko défendait sa collaboration avec le néo-fasciste Tyhanybok, déclarant que: «Afin qu'un coup touche sa cible, il faut d'abord former un poing avec les doigts. Nous devons joindre toutes nos forces. C'est la seule façon de vaincre.»
L'ADU de Klitschko est financé par la Fondation Konrad Adenauer de l'Union chrétienne-démocrate d'Allemagne et appuyé par la faction conservatrice du parlement européen.
En plus d'obtenir l'appui de la bureaucratie de l'UE, de la Maison-Blanche, et du gouvernement allemand, l'opposition ukrainienne a également reçu le plein appui d'intellectuels à travers le globe. Leur éloge des forces ukrainiennes d'extrême-droite en dit long sur le caractère corrompu et réactionnaire des tendances sociales qui dominent actuellement la vie intellectuelle et universitaire.
Début janvier, des universitaires et des journalistes, incluant Andrew Arato, Zygmunt Bauman, Seyla Benhabib, Richard J. Bernstein, Claus Offe et Slavoj iek ont publié une déclaration affirmant que, «La place de l'Indépendance ukrainienne représente l'Europe à son meilleur – ce que beaucoup de penseurs dans le passé et dans le présent considèrent être des valeurs européennes fondamentales.»
Ils demandent à «nos gouvernements et organisations internationales d'appuyer les Ukrainiens pour qu'ils puissent mettre fin à un régime brutal et corrompu».
(Article original publié le 23 janvier 2014)