Jean-Luc Mélenchon, ancien ministre du Parti socialiste (PS) et fondateur en 2009 du Parti de Gauche (PG), a fait savoir vendredi qu’il quittait la co-présidence du PG. Cette décision marque une nouvelle étape majeure dans la désintégration de la « gauche » bourgeoise en faillite.
Vendredi, lors d’une conférence de presse en marge de l’université d’été du PG à Grenoble, Mélenchon a dit vouloir se « mettre en pointe pour aider à la formation d’un mouvement pour la Sixième république, » c’est-à-dire, pour un changement juridique constitutionnel mineur de l’actuelle Cinquième république française. Il a affirmé de manière invraisemblable qu’il « n’y a ni crise, ni quoi que ce soit » motivant sa décision de quitter le parti qu’il a fondé il y a à peine cinq ans.
Comme on pouvait s’attendre de quelqu’un qui a le parcours de Mélenchon, sa déclaration est une escroquerie politique visant à nier la crise manifeste de la « gauche » bourgeoise française et que l’effondrement politique du PS a provoquée. Le président François Hollande est profondément discrédité en raison de ses mesures d’austérité et de ses guerres impérialistes incessantes. Un récent sondage d’opinion a révélé que plus 80 pour cent des électeurs ne lui font pas confiance et la colère monte contre le PS.
En dépit de l’effondrement économique provoqué par les mesures d’austérité et les dizaines de milliards d’euros de cadeaux fait au patronat et aux banques, Hollande a promis la semaine passée de poursuivre aveuglément et même d’intensifier ses mesures d’austérité.
Les groupes petits-bourgeois de pseudo-gauche comme le PG ou le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), qui pendant des décennies ont œuvré pour étouffer l’opposition de la classe ouvrière à l’égard du PS et qui ont soutenu Hollande lors des élections présidentielles de 2012, sont choqués et terrifiés par la colère massive qui enfle contre le PS. Face à cela, Mélenchon cherche à effacer ses traces et à préparer un changement de politique pour entrer dans le camp de la droite, si cela s’avérait nécessaire pour préserver sa carrière politique.
Minant son affirmation absurde qu’il n’y a pas de crise au sein de la « gauche » bourgeoise française, Mélenchon a poursuivi en disant : « Nous n’acceptons pas que la gauche et toute espérance soient enterrées en même temps que François Hollande, le fossoyeur de la gauche et de nos projets pour l’avenir. »
Déclarant que l’objectif du PS est de « ruiner » la France et « d’étrangler ceux qui ne peuvent pas se défendre », il a ajouté pour faire bonne mesure que Hollande est « pire » que son prédécesseur, le président droitier, Nicolas Sarkozy : « Monsieur Sarkozy, c’était la retraite à 62 ans, monsieur Hollande, c’est la retraite à 66 ans. Monsieur Sarkozy et Monsieur Fillon ont donné 35 milliards (d’euros) au patronat en deux plans d’austérité. Quand on fait le total des concessions qu’a fait ce gouvernement, c’est 90 milliards. »
La condamnation du PS constitue aussi un réquisitoire contre sa propre politique de pseudo-gauche. Il y a deux ans, le 6 mai de 2012, lors du second tour des élections présidentielles, Mélenchon avait inconditionnellement soutenu Hollande contre Sarkozy, tout en reconnaissant que Hollande appliquerait des mesures d’austérité. Hollande avait même remercié Mélenchon de n’avoir rien demandé au PS en échange de son soutien.
L’année dernière, alors que l’effondrement du PS dans les sondages avait commencé à sérieusement inquiéter les partis de pseudo-gauche, Mélenchon avait proposé de devenir le premier ministre de Hollande, dont il dit à présent qu'il est « pire » que Sarkozy.
Mélenchon incarne la faillite politique et la corruption de la petite bourgeoisie aisée, anti-marxiste qui domine depuis des décennies la politique officielle française de « gauche ». Leurs critiques vides de sens en paroles et leur défense continue en actes des gouvernements PS réactionnaires ont maintenant permis au Front national néofasciste de Marine Le Pen de se présenter comme l’unique adversaire efficace du programme d’austérité de Hollande. Le FN a remporté une victoire substantielle aux dernières élections municipales et européennes.
Il est significatif de noter que Mélenchon lui-même envisage à présent de s’orienter vers le FN et la politique d’extrême droite. Il a reconnu que Marine Le Pen « a une chance » lors des élections présidentielles de 2017 en ajoutant : « Elle va y arriver. [...] Parce que la société est en train de se vider de l’intérieur. Parce que la société est en train de se diriger vers le point ‘qu’ils s’en aillent tous’. Et quand le point ‘qu’ils s’en aillent tous’ est atteint, tout saute en même temps. »
En réclamant un « grand mouvement populaire », Mélenchon dit vouloir œuvrer à la construction d’un « collectif avec des gens qui ne travaillent pas ensemble. » Il ajoute, « C’est la règle du jeu qu’il faut changer. Il faut que les Français aillent au bout de leur dégoût, de leur rejet de la caste qui dirige. »
Sur la base de ce type d’appels populistes flous en faveur d’une unité politique contre des élites non définies, sans faire aucune référence ni aux luttes de la classe ouvrière ni au socialisme, Mélenchon pourrait aisément être amené à travailler non seulement avec toute la pseudo-gauche mais aussi avec le FN.
En effet, il existe déjà des forces gravitant autour du Front de Gauche, l’alliance formée entre le PG et le Parti communiste français (PCF) stalinien, et qui sont en train de mettre en place une collaboration politique avec des sections du FN. D’après le journal économique Les Echos, l’entourage de l’économiste Jacques Sapir du Front de Gauche comprend au moins un chercheur qui a rejoint le FN et qui utilise le travail de Sapir pour l’aider à concevoir une politique de sortie française de l’euro.
Le flirt de Mélenchon avec les néofascistes marque l’aboutissement de son évolution vers la droite depuis son entrée en politique après la grève générale de 1968.
Entré en politique lorsqu'il était étudiant, Mélenchon avait brièvement rejoint en 1972 l’Organisation communiste internationaliste (OCI). Un an plus tard l’OCI rompait avec le Comité international de la Quatrième Internationale et le trotskysme. A l’époque, l’OCI travaillait sur la fausse perspective de pouvoir construire un mouvement de masse révolutionnaire en faisant pression sur le Parti communiste français (PCF) stalinien et le PS nouvellement créé pour s’unir et former une « Union de la gauche. »
Mélenchon avait quitté l’OCI pour rejoindre le PS en 1977, devenant un partisan ardent de François Mitterrand, ancien responsable du régime de Vichy et futur président PS de France. Mélenchon devint sénateur après que Mitterrand appliqua en 1983, en tant que président, son « tournant de la rigueur » contre la classe ouvrière, puis il devint ministre dans le gouvernement de la Gauche plurielle dirigé de 1997 à 2002 par le premier ministre PS, Lionel Jospin, lui aussi un ancien membre de l’OCI au sein du PS.
Après le déclenchement de la crise économique mondiale en 2008, Mélenchon quitta le PS et fonda le PG dans le but d’empêcher que la classe ouvrière ne se tourne vers une politique révolutionnaire indépendante. Il forma le Front de Gauche, constitué par le PG et le Parti communiste français stalinien, pour servir de couverture de « gauche » au PS et de pont entre le PS et le NPA, qui fut fondé quelques jours après le PG en 2009.
Au fur et à mesure que l’accélération de l’effondrement du PS désagrège les fondements politiques de la politique de ces organisations de pseudo-gauche, celles-ci se tournent plus que jamais vers une alliance avec l’extrême-droite.
(Article original paru le 25 août 2014)
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