Après que le président iranien Hassan Rouhani eut déclaré qu'il était prêt à négocier avec les États-Unis sur le programme nucléaire de son pays, la presse américaine discute d'un accord diplomatique général impliquant toute la région qui mettrait un terme aux préparatifs de guerre de Washington et ses alliés contre la Syrie, le principal allié de l'Iran au sein des pays arabes.
Accueillant le «changement rapide de la situation, de nouvelles options diplomatiques avec la Syrie et l'Iran se développant» le New York Times a cité un «diplomate américain de haut rang» affirmant cette évolution comme étant «étourdissante».
Les responsables américains préparent une rencontre probable entre Rouhani et le président Barack Obama à l'assemblée générale des Nations unies la semaine prochaine, après que Rouhani ait promis la semaine dernière que l'Iran ne chercherait jamais à construire des armes nucléaires. Les mêmes responsables supervisent également les premières étapes du démantèlement des armes chimiques en Syrie.
Jeudi, les responsables syriens ont soumis une liste de leurs armes chimiques à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques à La Haye, entamant leur opération de 1 milliard de dollars pour livrer et détruire le stock d'armes chimiques de la Syrie. Ils se préparent également à raviver les négociations entre la Syrie, les forces de l'opposition syrienne et les puissances occidentales à Genève.
Les enjeux énormes des négociations des États-Unis avec l'Iran et la Syrie montrent très clairement que les préparatifs de guerre américains contre la Syrie portaient sur beaucoup plus que l'attaque à l'arme chimique du 21 août à Ghouta. Les accusations sans fondement de Washington contre Damas étaient en fait un prétexte pour jeter les peuples américain et européens non seulement dans une guerre impérialiste contre la Syrie, mais en fin de compte aussi contre l'Iran et peut-être même la Russie, tout en cachant ces objectifs à long terme.
L'Iran a indiqué qu'il est prêt à offrir des garanties sur le fait qu'il ne construira pas d'armes nucléaires en échange d'un relâchement des sanctions américaines sur les exportations de pétrole iranien qui ont dévasté son économie. L'inflation est à 40 pour cent dans de nombreux endroits et le chômage s'est envolé avec les fermetures d'usines en Iran, ce pays se retrouvant coupé des marchés mondiaux après que Washington ait bloqué leur lien avec le système financier global SWIFT. La production d'automobiles en Iran a chuté de 30 pour cent.
Le régime bourgeois iranien montre clairement son désir de parvenir à un accord avec les États-Unis, en grande partie parce qu'il craint l'éclatement d'une opposition ouverte à ses politiques dans la classe ouvrière iranienne. En échange, Washington se prépare à exiger des concessions écrasantes visant le coeur de l'économie iranienne, son industrie pétrolière, qui transformeront la politique étrangère de l'État iranien et pousseront ses politiques économiques très à droite.
Les Iraniens ont désespérément besoin de reprendre leur souffle après les sanctions qui ont réduit leurs revenus pétroliers de plus de la moitié, fait s'effondrer leur monnaie et rendu les opérations bancaires internationales impossibles. Mais il se peut qu'ils ne comprennent pas quel sera le prix à payer. «Je suppose qu'ils vont avoir un sacré choc», a déclaré un responsable américain profondément impliqué dans l'établissement de la stratégie de négociation américaine au Times.
Les responsables des États-Unis et d'Europe ainsi que leurs compagnies pétrolières surveillent de près la nomination par Rouhani de Bijan Zanganeh au poste de ministre du Pétrole. Ce dernier est considéré comme une personnalité pro-occidentale. Zanganeh a signé des contrats importants avec les compagnies pétrolières européennes durant son précédent mandat de ministre du Pétrole de 1997 à 2005, et il a été démis de ses fonctions pour corruption par le président Mahmoud Ahmadinedjad quand ce dernier a pris ses fonctions en 2005.
Les analystes pétroliers iraniens cités dans The Economist ont déclaré que sous Zanganeh, la compagnie nationale pétrolière iranienne (NIOC) serait plus disposée à s’entendre sur le partage de la production avec les compagnies occidentales qui mettraient ainsi la main sur une part beaucoup plus importante des profits provenant du pétrole iranien. En plus de priver l’Iran d’une source importante de revenus qui allait aux dépenses sociales, le financement des Gardes révolutionnaires iraniens (IRGC) s’en trouverait également touché. Zanganeh serait engagé dans une lutte de factions acerbe avec l'IRGC au sein de l'industrie pétrolière iranienne.
L'IRGC, qui gère plusieurs compagnies d'ingénierie actives dans l'industrie pétrolière iranienne, supervise également l'aide militaire apportée par l'Iran à ses forces alliées au Moyen-Orient, comme la milice chiite du Hezbollah au Liban et les régimes pro-iraniens à tendance chiite en Syrie et en Irak.
Le chef des milices Al-Qods de l'IRGC, le major général Gassem Soleimani serait responsable de l'effort militaire iranien en Syrie en soutien au président Bashar el-Assad contre les forces d'opposition liées à al-Qaïda et soutenues par Washington. Il a publiquement affirmé que les forces Al-Qods soutiendront la Syrie «jusqu'à la fin».
Washington et ses alliés ont pour objectif de piller le pétrole iranien et, en faisant la guerre à la Syrie, ils veulent empêcher le développement d'un axe Iran-Irak-Syrie-Liban actuellement en formation. Ils considèrent cet axe comme un obstacle majeur à une domination impérialiste américaine incontestée sur le Moyen-Orient et comme une menace à l'État d'Israël.
Ces faits viennent établir qu’Obama mentait lorsqu’il a décrit ses plans de guerre comme simplement quelques petites frappes en réponse aux prétendues attaques chimiques syriennes. Les frappes contre la Syrie ne devaient être que les premiers coups d'une guerre régionale de grande ampleur, laquelle aurait pu impliquer la Russie, cette dernière maintenant actuellement des forces navales importantes au large de la Syrie.
Cette guerre n’a pas été annulée, mais seulement repoussée à une date indéterminée. Pendant qu'Obama et ses alliés font temporairement marche arrière face à l'opposition populaire massive et aux menaces de l'Iran et de la Russie, leurs négociations sont un moyen de poursuivre les mêmes objectifs militaires, mais par d'autres moyens.
Les responsables du gouvernement Obama affirment ouvertement qu'ils considèrent que de continuer à menacer une guerre est essentielle pour imposer leurs exigences. «On n’accomplit aucun progrès diplomatique au Moyen-Orient sans une pression importante. En Syrie, ce fut la menace sérieuse d'une action militaire, en Iran, ce fut un régime de sanctions qui est devenu de plus en plus important sur une période de cinq ans» a déclaré l'adjoint au conseiller à la sécurité nationale américaine, Benjamin Rhodes.
Les analystes américains les plus informés, dont Patrick Clawson du Washington Institute for Near-East Policy (WINEP), affirment que de nouvelles négociations avec l'Iran, menées sous la menace de la guerre, sont la dernière chance d'obtenir un accord négocié.
«Le moment de vérité arrive. Toutes les informations en provenance d'Iran, y compris celles concernant le guide suprême Al Khamenei, indiquent que l'Iran se prépare à passer un nouvel accord sur le nucléaire. Si l'on ne peut arriver à un accord dans les quelques mois qui viennent, il est difficile d'imaginer une autre occasion où les chances seraient aussi bonnes» a écrit Clawson dans Foreign Policy.
Le gouvernement Obama a à maintes reprises indiqué que s’il ne pouvait parvenir à un accord pacifique avec l'Iran, c’est-à-dire un accord entièrement dicté par les États-Unis, il partirait en guerre pour empêcher l'Iran de construire une bombe atomique.
Les responsables américains et français mènent en même temps des politiques en Syrie qui vont saper toute tentative sérieuse de négocier un accord sur la guerre en Syrie à Genève. Les milices de l'opposition soutenues par les États-Unis ont déclaré qu'elles boycotteraient les négociations de Genève. Néanmoins, les responsables occidentaux continuent à accentuer le soutien militaire et financier à l'opposition liée à al-Qaïda.
Après que les responsables américains ont déclaré qu'ils armeraient directement les forces de l'opposition la semaine dernière, le président français, François Hollande, a promis jeudi dernier d'armer les forces de l'opposition syrienne au cours d'une visite au Mali, pays d'Afrique occidentale occupé par la France. Il a également annoncé que la France se préparait à renforcer la collaboration des services de renseignements français avec les forces de l'opposition syrienne, offrant de les entraîner dans des bases en Jordanie.
(Article original paru le 21 septembre 2013)