Un groupe armé a attaqué le grand centre commercial Westgate dans la capitale kenyane Nairobi ce week-end, tuant 68 personnes et en blessant 200. Cette attaque a été revendiquée par la milice somalienne Al Shabab qui est liée à Al Qaïda. Les forces de sécurité du Kenya ont encerclé le centre et donné l'assaut à plusieurs reprises ; les tireurs, avaient pris 36 personnes en otages et au moment où cet article est écrit ils tiennent toujours certaines parties du centre commercial.
L'attaque de Westgate intervient en plein milieu d'une vague internationale d'attentats liés aux Talibans ou à Al Qaïda, dont une série d'attentats à la voiture piégée au Sud du Yemen vendredi et un attentat à la bombe contre une église au Nord-Ouest du Pakistan. (lire en anglais : Suicide-bomb attack on Christian church kills 80 in Pakistan ) L'attaque de Nairobi à commencé samedi vers midi, lorsque 10 à 15 tireurs armés de fusils automatiques et de lance-grenades ont attaqué le centre commercial, qui est l'un des principaux lieux de vente de produits de luxe de la capitale, bien connu des visiteurs étrangers. Les clients qui ont pu s'échapper ont dit que les attaquants, qui comptaient des femmes et des hommes, visaient avec précision et semblaient très entraînés.
Si les forces kenyanes ont sécurisé les étages les plus élevés du centre commercial samedi soir, les combats aux étages inférieurs ont continué tout le week-end. Beaucoup de gens, étaient prisonniers du centre jusqu'à dimanche. Une cliente, Cecile Ndwiga, a déclaré à la BBC, « ça tirait de partout - à gauche comme à droite. »
Plusieurs soldats kenyans auraient été tués par des grenades hier en prenant d'assaut le supermarché Nakumatt situé dans le centre commercial.
Un responsable Kenyan de la sécurité a déclaré à l'AFP que des forces israéliennes étaient également entrées dans le centre et y « sauvaient les otages et les blessés ». Les forces de sécurité sur le centre, qui est partiellement la propriété d’israéliens, auraient également reçu de l'aide de conseillers américains et britanniques.
Hier après-midi, l'armée kenyane et les forces de police soutenues par des hélicoptères ont commencé une nouvelle attaque vers 4 heures. Des informations ont fait état de fortes explosions à Nairobi la nuit dernière au moment où des responsables annonçaient qu'ils lançaient un « assaut final » contre le centre.
Parmi les victimes de l'attaque, on compte le poète ghanéen Kofi Awoonor ; Mbugua Mwangi, neveu du président kenyan Uhuru Kenyatta, ainsi que sa fiancée Rosemary Wahito ; Juan Jesus Ortiz, médecin péruvien et ancien responsable de l'UNICEF et des citoyens d'Afrique du Sud, de Grande-Bretagne, de France, de Chine, d'Inde, de Corée du Sud et du Canada. Quatre citoyens américains ont été blessés.
Un compte Twitter appartenant à la milice Al Shabab a revendiqué cette attaque. Il affirmait que c'était une vengeance pour l'invasion de la Somalie par les troupes Kenyanes - soutenues par les États-Unis, y compris par des frappes de drones. Cette intervention visait à lutter contre Al Shabab et à soutenir le gouvernement corrompu de Somalie, le Gouvernement fédéral de transition. (lire en anglais : US-backed Kenyan forces invade Somalia)
Avant que ce compte Twitter ne soit fermé, il avait affiché plusieurs messages, comme : « Ces attaques sont une vengeance juste pour les vies de musulmans innocents mitraillés par les avions kenyans dans le Bas-Jubba et les camps de réfugiés [...] pendant longtemps nous avons mené la guerre contre les Kenyans dans notre pays, maintenant il est temps de changer de champ de bataille et de porter la guerre dans leur pays. »
Il a également affiché un message accusant le gouvernement Kenyan d'avoir « refusé de prêter attention à nos mises en gardes répétées et continué à massacrer des musulmans innocents en Somalie. »
Le porte-parole pour les opérations militaires d'Al Shabab, Abu Musab, a déclaré à Reuters : « Nous luttons contre les forces kenyanes depuis deux ans [...] Si Uhuru veut la paix avec nous, il devrait retirer ses troupes de Somalie. »
Des responsables des Nations Unies auraient prévenu les responsables kenyans d'une menace de « tentatives d'attentats de grande envergure » au Kenya. La semaine dernière, la police de Nairobi a fait échouer un complot de terroristes situés dans le quartier somalien d'Eastyleigh à « un stade avancé » de sa mise au point ; ceux-ci avaient des grenades, des fusils d'assaut AK-47 et des vestes explosives bourrées de roulements à billes.
Des journalistes ont écrit depuis Nairobi que la ville était en état de choc devant l'ampleur horrible du massacre. Des milliers de volontaires se sont présentés pour donner leur sang face à l'épuisement des stocks dans les hôpitaux de la ville.
Des responsables kenyans ont appelé au calme et à l'unité nationale durant le siège du centre Westgate, qui a eu lieu six ans après que des massacres interethniques aient coûté la vie à 1000 personnes et déclenché l'exode de 600 000 personnes après les élections contestées de 2007.
Invoquant la nécessité de rester sur place pour superviser le siège de Westgate, des responsables Kenyans ont dit que Kenyatta et le vice-président William Ruto, qui risquent un procès devant la Cour pénale internationale (CPI) pour leur rôle dans le déclenchement des massacres de 2007, ne se rendraient pas à l'Assemblée générale de l'ONU de cette semaine. Ils étaient censés s'exprimer à l'ONU dans le cadre des efforts de l'Union africaine pour démentir les accusations pesant contre eux.
Le représentant permanent du Kenya à l'ONU, Machariah Kamau a déclaré au secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon, « Bien que des rencontre multilatérales et bilatérales très importantes étaient prévues pour le président Kenyatta cette semaine, dont un discours devant l'Assemblée générale, nous regrettons profondément qu'il ne puisse pas quitter le pays en même temps que le vice-président. »
Le caractère horrifique de l’attaque de Westgate souligne le caractère criminel du soutien accordé par le gouvernement des États-Unis et ses alliés aux milices d'opposition liées à Al Qaïda en Syrie. Ces forces ont mené, d'après les responsables américains, des centaines d'attaques terroristes dans ce pays, tuant un grand nombre de civils innocents.
L'intensification du soutien apporté par Washington et ses alliés des monarchies du Golfe persique aux forces liées à Al Qaïda internationalement, d'abord durant la guerre de 2011 en Libye et maintenant en Syrie, a créé les conditions pour que se produisent plus d'attaques et pour un nouveau "retour de flamme" catastrophique contre les cibles civiles. Déjà le 11 septembre 2012, les forces islamistes en Libye qui avaient pris le contrôle d'une partie de Benghazi durant la guerre de l'OTAN, ont attaqué des installations américaines, tuant le diplomate américain Christopher Stevens.
Cette montée des attentats liées à Al Qaïda sur toute la planète intervient moins de deux semaines après que le gouvernement Obama, confronté à une profonde opposition populaire et à la menace d'une confrontation militaire avec l'Iran et la Russie, a dû retarder une guerre contre la Syrie qui visait à soutenir les forces d'opposition liées à Al Qaïda. Cela a entraîné des espoirs de négociations entre les États-Unis, la Syrie et les alliés de la Syrie Iran et Russie, à l'ONU. L'opposition islamiste syrienne s'oppose farouchement à ces négociations parce qu'elles risquent la défaite.
Que les attentats au Kenya soient une réponse au retardement de la guerre en Syrie ou une attaque motivée par des objectifs locaux et facilitée par un financement et un soutien politique international accru pour Al Qaïda dans le cadre de la guerre en Syrie, cela reste à déterminer.
Les responsables américains agissent toutefois en partant du principe que les forces liées à Al Qaïda pourraient, en représailles, monter de nouvelles attaques contre les négociations à l'ONU.
La chaîne télévisée d’information MSNBC a fait savoir hier que, en réaction à l'attentat de Nairobi, les forces de sécurité à New York renforçaient la sécurité à Manhattan en prévision de la tenue cette semaine de l'assemblée générale de l'ONU.
(Article original paru le 23 Septembre 2013)