Québec solidaire se range derrière la campagne chauvine du PQ

En déposant un projet de loi sur la laïcité de l'État, Québec solidaire (QS) a apporté sa propre pierre à la campagne chauvine lancée par la première ministre Pauline Marois avec sa Charte des valeurs québécoises, qui a pour but de détourner l'attention des mesures d'austérité du Parti québécois (PQ) en ciblant les droits démocratiques et sociaux des minorités religieuses, y compris le droit à l'emploi.

Les deux députés de QS à l'Assemblée nationale, Amir Khadir et la porte-parole du parti Françoise David, se sont solidarisés avec le gouvernement péquiste lors d'un point de presse tenu au début du mois pour présenter leur Charte de la laïcité.

Passant en revue ses principales clauses, telles que «la neutralité religieuse et l'absence de prosélytisme pour l'ensemble des employés de l'État», ainsi que le refus d'accorder des soins de santé aux musulmanes entièrement voilées, David a noté qu'elles rejoignent le «document d'orientation de M. Drainville [le ministre péquiste qui pilote la Charte des valeurs] avec lequel, en passant, nous avons quand même plusieurs points en commun».

Parmi ces «points en commun» figure la tentative du PQ et de toute l'élite dirigeante de projeter l'image d'un Québec qui serait menacé par l'intégrisme musulman, afin de justifier la restriction des libertés religieuses ainsi que les guerres de conquête des puissances occidentales – dont canadiennes – dans les régions riches en pétrole et gaz naturel du Moyen-Orient et d'Asie centrale.

Acceptant cette image préfabriquée, David a insisté sur «la montée des fondamentalismes et des conservatismes religieux… y compris en Amérique du Nord». Soulignant que le port du voile dans les services publics «est au cœur des débats que nous avons», la porte-parole de QS a déclaré: «Nous comprenons, à Québec solidaire, le malaise ressenti par bien des femmes, par des féministes québécoises, devant un symbole religieux qui n'est pas anodin».

Le projet de loi de QS sert aussi à légitimer la campagne lancée par des médias et populistes de droite – que le PQ cherche maintenant à exploiter – autour des accommodements qui seraient accordés aux minorités ethniques et religieuses au détriment de la majorité. Notant que «la jurisprudence, depuis 20 ans, est quand même bien fournie en balises pour permettre ou non des accommodements», David a déclaré: «Plusieurs réclament que cela fasse partie d'une loi: très bien, mettons-le».

Son collègue, Amir Khadir, est intervenu pour nier le fait politique évident que le gouvernement minoritaire péquiste a provoqué un débat aux accents chauvins afin de courtiser le vote nationaliste de droite, en particulier celui de la CAQ (Coalition Avenir Québec), en vue d'une élection qui serait déclenchée au moment jugé opportun afin d'aller chercher une majorité.

En réponse à un journaliste qui évoquait cette possibilité, Khadir a déclaré: «Il me semble que le Parti québécois, qui, jusqu'à nouvel ordre, est encore un parti social-démocrate, soucieux des principes démocratiques, du respect des droits des minorités, devrait se tenir loin de ce genre de calcul là.»

Sur son site internet, Québec solidaire s'est montré encore plus explicite dans sa défense du chauvinisme du PQ. Notant que la Charte des valeurs a donné lieu à «des incidents disgracieux marqués par l'intolérance et la xénophobie», QS s'est empressé d'ajouter: «Nous ne croyons pas que ce résultat était attendu ou souhaité par Mme Marois ou M. Drainville».

Le seul point de discorde entre le PQ et QS porte sur l'interdiction des signes religieux pour les employés de l'État. Québec solidaire veut la limiter à ceux qui ont un pouvoir de coercition comme les juges, les procureurs et les policiers, tandis que le PQ veut l'appliquer à tous les travailleurs du secteur public, y compris les enseignants, les infirmières, les éducatrices en garderie et le personnel de soutien dans les écoles et les hôpitaux.

L'«opposition» de QS sur cette question est basée sur l'argument nationaliste que «le climat malsain qui polarise la population» est mauvais «pour le projet souverainiste». Autrement dit, QS conseille au PQ de cheminer prudemment sur la voie du chauvinisme québécois pour ne pas être démasqué comme une force xénophobe et miner leur projet commun d'un nouvel État capitaliste en Amérique du Nord – qui sert notamment à diviser la classe ouvrière canadienne selon des lignes linguistiques. Comme l'a noté David en point de presse, «on pourra toujours revenir dans quelques années, pour le moment, il n'y a pas le feu».

Québec solidaire invoque la «laïcité» – la «longue marche du peuple québécois pour séparer le pouvoir religieux des pouvoirs publics» dans les mots ronflants de Khadir – pour donner un vernis progressiste à son projet de loi chauvin et à son appui pour la campagne anti-démocratique du gouvernement Marois. C'est une fraude.

La séparation de l'État et de l'Église n'a rien à voir avec l'interdiction pour un individu d'exprimer son choix religieux, ce qui est un droit garanti par la loi internationale. Elle signifie plutôt que l'État ne doit pas se mêler des affaires religieuses en favorisant une religion au détriment de l'autre, et vice-versa, que l'Église ne doit pas exercer d'influence sur l'État.

S'il fallait appliquer sérieusement ce principe au Québec d'aujourd'hui, il faudrait commencer par abolir le financement par l'État des écoles privées religieuses ainsi que les exemptions fiscales aux églises. Comme l'a souligné David en point de presse, ces deux mesures figurent dans le programme de son parti, mais n'ont pas été introduites dans sa Charte de la laïcité parce que «le débat n'est pas mûr».

Si QS n'est pas prêt à défendre sur la place publique les principes de laïcité inscrits dans son propre programme, c'est simplement qu'il n'y croit pas réellement. L'évocation de la laïcité sert seulement à justifier son appui à la campagne chauvine du PQ dans le cadre de ses efforts de longue date pour se présenter comme un parti bourgeois «respectable» qui a sa place dans les cercles dirigeants de l'État capitaliste.

Il n'y a rien de surprenant dans la participation de QS à la sordide opération du PQ visant à faire des travailleurs immigrés les boucs émissaires de la crise du capitalisme et de l'appauvrissement de masse causé par ses coupes budgétaires et autres mesures d'austérité.

Québec solidaire est un parti des classes moyennes privilégiées qui regroupe des éléments venus des milieux communautaires et de la pseudo-gauche québécoise. Il s'est orienté dès sa fondation en 2006 vers le parti de la grande entreprise qu'est le PQ, dont il constitue à toutes fins pratiques l'«aile gauche». Cela s'est traduit par de nombreuses offres d'accord électoral faites par QS au PQ. Lors de la dernière élection l'an dernier, QS s'est engagé, s'il devait détenir le vote décisif, à fournir un appui inconditionnel pendant un an à un éventuel gouvernement péquiste minoritaire. Il partage aujourd'hui une pleine responsabilité politique dans l'assaut anti-ouvrier et anti-démocratique mené par le gouvernement Marois.

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