Alexis Tsipras, le dirigeant du parti grec SYRIZA (Coalition de la gauche radicale), a pris la parole à Londres lors de plusieurs événements la semaine dernière.
Tsipras a pris la parole lors de rencontres organisées par l'Observatoire hellénique de la London School of Economics, ainsi qu'à une réunion publique organisée par la branche londonienne de SYRIZA. Il a également participé à des discussions avec des députés du Parti travailliste qui est dans l'opposition, et à des entretiens accordés au journal The Guardian et au magazine New Statesman.
Tsipras a parlé à la Friends Meeting House de Londres devant un public qui comprenait des représentants de tous les principaux partis de la pseudo-gauche du Royaume-Uni. Tony Benn, l'octogénaire qui a été député travailliste, ministre et président de la campagne Solidarité avec la Grèce, devait être l'hôte de l'événement mais il n'a pas pu pour raisons médicales. Parmi les autres personnes présentes, il y avait Alan Woods de l'International Marxist Tendency, et John Rees de Counterfire, une fraction issue du Socialist Workers Party. Alicia Castro, ambassadrice d'Argentine à Londres, a reçu un accueil particulièrement chaleureux de la part des organisateurs.
La gauche de la classe moyenne était réunie pour entendre Tsipras, l'homme qui dirige un parti, SYRIZA, qu'ils décrivent tous comme le développement le plus passionnant de la "gauche" en Europe ces dernières années, un parti auquel on peut faire confiance pour mener la lutte contre les mesures d'austérité imposées à la Grèce. Cette tâche n'est pas rendue plus facile par Tsipras, qui passe la majeure partie de son temps à faire le tour des capitales européennes pour faire allégeance à l'Union européenne (UE), tout en lançant des appels à une modification des termes du remboursement du renflouement des banques grecques.
Au cours de sa visite de janvier dernier aux États-Unis, il a rencontré des représentants du ministère des affaires étrangères et du Fonds monétaire international (FMI), et a pris la parole à la Brookings Institution, un think tank libéral, principalement pour rassurer tout le monde sur le fait qu'ils n'avaient rien à craindre d'un éventuel gouvernement de SYRIZA.
À Londres aussi, Tsipras n'avait pas grand-chose à proposer à ses adulateurs "de gauche". Il a largement évité la rhétorique radicale et a préféré présenter SYRIZA comme la seule force à même de résoudre la crise grecque parce qu'elle représente « les traditions démocratiques de l'Europe. » Tsipras a pris des accents lyriques pour chanter les louanges à la fois d'un idéal « européen » mythique et de la bien trop réelle UE, dans un contexte où l'UE est la première force, avec le FMI, à imposer les attaques les plus terrifiantes contre la population grecque et sur tout le continent.
« SYRIZA a la responsabilité politique et morale de mettre un terme à ce désastre social, » a-t-il affirmé. Le gouvernement de coalition Grec a, « lancé un mouvement violent vers l'extrême-droite, mettant en danger la tradition libérale et humaniste européenne et la démocratie elle-même […] A SYRIZA nous croyons que des changements démocratiques radicaux sont la seule voie pour sortir de la crise pour les peuples d'Europe. »
Pour rassurer l'élite dirigeante internationale sur le fait qu'on peut lui confier le pouvoir en Grèce, SYRIZA a abandonné son engagement précédent à annuler le programme d'austérité du FMI et de l'UE accepté par les gouvernements grecs successifs depuis 2010.
SYRIZA, a dit Tsipras, « mettra fin à la politique d'austérité, tout en renégociant l'accord de prêt avec nos créanciers. »
Tout en dénonçant le Premier ministre de droite Antonis Samaras et « ses alliés politiques, le PASOK, et Gauche démocratique » pour leur « rôle crucial dans l'instigation, la planification et l'application des programmes d'austérité, » Tsipras a soulevé sa principale critique à l'encontre de cette « troïka interne » qu'il accuse d'avoir « refusé notre demande de renégocier l'accord de prêt. »
L'argument de Tsipras s'appuie sur l'affirmation que l'aristocratie financière internationale est prête à renoncer à des milliards dus par la Grèce aux banques. Il a appelé à « une stratégie économiquement viable » qui « doit suivre le modèle de l'Accord de Londres sur les dettes en 1953, qui a donné un coup de pouce à l'économie allemande d'après-guerre et l'a aidé à créer le "miracle économique" de l'ère d'après-guerre. C'est un fantasme réactionnaire.
« Nous ne voyons aucune raison pour qu'en 2013 un tel accord ne soit pas la voie appropriée pour progresser pour tout le Sud, et pour la Grèce, » a-t-il déclaré.
Tsipras sait parfaitement que l'UE et le FMI insistent encore et encore pour affirmer qu'il n'y a pas d'autre choix que l'austérité. Même quand ces institutions ont prolongé le délai laissé à la Grèce pour rembourser ses prêts, cela l'a été en demandant une adhésion parfaite aux termes de cette austérité.
Tout en informant son public que SYRIZA soutient « un projet d'émancipation humaine, » quoi que cela puisse vouloir dire, Tsipras a été prompt à insister, « Mais nous ne sommes pas des utopistes. Nous savons que pour changer la situation nous avons besoin d'être à la fois idéalistes et visionnaires, mais en même temps aussi, brutalement pragmatiques. »
SYRIZA a besoin « de restaurer la confiance dans la capacité de la démocratie à donner des solutions à toute la population, » a-t-il poursuivi. Cela exigerait la mobilisation de « toutes les forces sociales qui ont un intérêt à lutter contre la corruption, le copinage, le clientélisme, et l'inefficacité du secteur public. »
C'est là une liste des euphémismes préférés de l'élite dirigeante pour justifier l'austérité, qui se traduit invariablement par des attaques contre les travailleurs. La mobilisation de « toutes les forces sociales » signifie une tentative de subordonner la classe ouvrière à la bourgeoisie par l'intermédiaire des classes moyennes supérieures qui ont accouru derrière la bannière de SYRIZA.
Concluant ses remarques, Tsipras en a appelé à l'aide « de la Gauche européenne et des syndicats ».Cet appel aux syndicats et au Parti travailliste résume la politique pro-capitaliste de SYRIZA.
Ce n'est que par la collaboration active des syndicats que les gouvernements grecs perclus de crises ont été en mesure d'imposer, sans obstacle, cinq programmes d'austérité successifs depuis 2010.
Tsipras a veillé à insister sur le fait que si SYRIZA était élu, le parti ne mènerait aucune action fondamentale pour revenir sur les conditions sociales intolérables qui ont été imposées à la Grèce. « Sans aucun doute, le lendemain des élections sera un jour difficile pour nous et pour le peuple Grec », a-t-il dit. « Et c'est parce que, bien évidemment, nous n'avons pas de baguette magique pour résoudre tous ces problèmes. »
Dans l'entretien qu'il a accordé au New Statesman, Tsipras s'est senti libre de développer l'orientation droitière de SYRIZA plus en détail et sans contrainte diplomatique. « Notre but est un sommet international sur la renégociation et l'annulation de la dette des pays périphériques de l'Europe, » a-t-il expliqué. « Pour cela, nous sommes même ouvert à la collaboration avec des forces extérieures à la Gauche européenne. »
Décrivant ses divers entretiens avec des représentants de la classe dirigeante, il a commenté, « Par l'intermédiaire de ces contacts nous avons eu la chance de créer de telles alliances, pour aujourd'hui et pour demain. »
Il lui a été demandé par le New Statesman, « Est-ce que la rumeur est alors vraie que les États-Unis ont une attitude positive envers la possibilité que SYRIZA arrive au pouvoir ? »
Il a répondu, « Le fait est que les États-Unis suivent une ligne politique radicalement différente de celle que suit Angela Merkel et qu'elle fait appliquer dans toute l'Europe. Les États-Unis ont imprimé de l'argent, ils ont l'intention de taxer les riches pour éviter le mur budgétaire. »
Le président Barack Obama ne fait rien de cela. À la suite de son renflouement des banques à hauteur de plusieurs milliers de milliards de dollars après l'effondrement financier de 2008, le gouvernement Obama a mené une offensive contre la classe ouvrière, dont la restructuration de l'industrie automobile dans laquelle des milliers de travailleurs ont perdu leur emploi ou une part importante de leur salaire.
Il a décrit le Parti travailliste, l'un des deux principaux partis d l'élite dirigeante britannique, le parti de Tony Blair et de la guerre d'Irak, comme « l'un des rares partis si proches du pouvoir en Europe avec lequel nous partageons un grand nombre de positions et avec lequel nous pouvons être en contact constant. »
(Article original paru le 23 mars 2013)