Se servant de son sommet « national » bidon sur l’éducation, le gouvernement du Parti québécois (PQ) a annoncé mardi que les frais de scolarité universitaires augmenteront désormais annuellement d’au moins 3 pour cent.
« Il était vraisemblablement très difficile d'arriver à un consensus, mais c'est au gouvernement à ce moment-là de prendre ses responsabilités. Je les assume », a déclaré la première ministre Pauline Marois lors de la fermeture du sommet, qui a duré deux jours.
Le gouvernement avait espéré que ses alliés que sont les syndicats et les associations étudiantes appuieraient formellement la hausse des frais universitaires. Mais, compte tenu des évènements de l’année dernière – une grève étudiante de six mois à travers la province qui, à son plus fort, a menacé de déclencher un mouvement de masse de la classe ouvrière en opposition au programme d’austérité de la grande entreprise – les syndicats, la FEUQ (Fédération étudiante universitaire du Québec) et la FECQ (Fédération étudiante collégiale du Québec) ont jugé nécessaire de prétendre s’opposer à la décision du gouvernement.
Néanmoins, les syndicats et les chefs étudiants ont montré clairement qu’ils ne feraient rien pour s’opposer à la hausse des frais universitaires, tout comme ils ont acquiescé devant le budget d’urgence du PQ en novembre dernier. Ce budget imposait les plus grandes coupes sociales depuis 15 ans, incluant 250 millions $ de coupes dans les budgets universitaires d’ici à mars 2014, et faisait fi des promesses électorales du PQ d’éliminer une taxe santé régressive et de geler partiellement les tarifs d’électricité.
La présidente de la FEUQ, Martine Desjardins, a dit qu’elle était « déçue » de la décision du gouvernement d’« indexer » les frais de scolarité – en fait, le PQ les augmente considérablement plus que le taux d’inflation. « Mais les étudiants ne repartent pas les mains vides », s’est-elle empressée d’ajouter.
Pour donner du poids à son affirmation, Desjardins à mentionné l’annonce de Marois que le gouvernement permettra à un des cinq groupes de travail qu’il a mis en place de continuer le « dialogue » sur l’accessibilité, le financement et la gestion universitaire pour discuter de sa décision – annoncée en même temps que la hausse des frais – de hausser les frais administratifs universitaires de 3 % par année. (En plus des 2275 $ par année en frais de scolarité, les étudiants du Québec paient en moyenne 800 $ de frais administratifs annuellement.)
« On devra vivre avec les hausses qui sont proposées, malheureusement », a dit Daniel Boyer, le secrétaire général de la Fédération des travailleurs du Québec. Lorsque des journalistes lui ont demandé s’il avait déjà été question que les syndicats quittent le sommet pour protester contre l’imposition unilatérale par le gouvernement d’une hausse de frais, Boyer a répondu par un non sans équivoque : « On ne veut pas passer pour des bébés lala toutes les fois qu'on n'a pas tout ce qu'on veut! » a-t-il lancé.
Les manœuvres des syndicats lors du sommet, qui se sont présentés comme des partisans d’un gel et même d’une possible abolition des frais, sont complètement cyniques.
Ils ont joué le rôle principal dans l’isolement et la suppression politique de la grève étudiante l’année dernière.
Au nom du maintien de la « paix sociale », les présidents de la FTQ, de la Confédération des syndicats nationaux et de la Centrale des syndicats du Québec se sont joints à Charest au début mai en forçant les leaders étudiants à accepter une entente au rabais. Cette entente, qui fut rejetée par une forte majorité des étudiants du Québec, aurait entraîné une hausse des frais de scolarité de plus de 80 % sur 7 ans à partir de septembre dernier.
Lorsque l’imposition par le gouvernement libéral d’une loi antigrève draconienne, la loi 78, a provoqué une opposition de masse dans la classe ouvrière, les syndicats ont redoublé d’ardeur pour mettre fin à la grève. Le chef de la FTQ a écrit au président du Congrès du travail du Canada en soutenant qu’aucun appui ne devait être donné aux étudiants en grève et tous les syndicats se sont efforcés de détourner le mouvement d’opposition derrière le PQ, le parti au pouvoir en alternance de l’élite québécoise. Cela fut mis en évidence par le slogan de la FTQ : « Après la rue, les urnes. »
Avec l’aide des syndicats, des fédérations étudiantes et de Québec solidaire, le PQ s’est affiché comme un partisan des étudiants en grève. Marois a porté le « carré rouge », le symbole de la grève, durant des mois. Mais au sommet, Marois et le ministre de l’Éducation Pierre Duchesne ont exprimé leur hostilité, et celle de la classe dirigeante, face à la grève étudiante qui s’était opposée au programme de démantèlement des services publics, mis en oeuvre par des coupes, la privatisation et l’imposition du concept d’utilisateur-payeur. À maintes reprises, ils ont déploré les événements du printemps dernier, les décrivant comme une période de « division » et de « crise sociale » qui avait « terni notre image ». Marois a même qualifié le fameux Printemps érable de « psychodrame ».
Des sections importantes du patronat et des grands médias ont affirmé que la hausse de 3 % était inadéquate. Le Conseil du patronat a accusé Marois d’« acheter la paix sociale ».
Mais le gouvernement croit que l’imposition d’une hausse des frais de scolarité – qui équivaut presque dans sa première année à la hausse annuelle de 100 $ que les libéraux avaient imposée entre 2007 et 2011 – est importante pour démontrer, à la grande entreprise et aux travailleurs, qu’il est déterminé à imposer des mesures de droite devant une opposition de masse. À la conclusion du sommet, Marois a lancé : « La crise sociale est derrière nous. »
De plus, le gouvernement a mis en place des mécanismes qui permettront à l’avenir des hausses encore plus importantes. Un groupe de travail a la tâche de considérer si les facultés qui offrent des programmes plus dispendieux devraient avoir le droit d’exiger des frais plus élevés et si les étudiants étrangers qui viennent au Québec paient leur « juste contribution ».
L’ASSÉ – l’organisation soeur de la CLASSE, l’association étudiante qui a mené la grève de l’année dernière – a décidé à la dernière minute de boycotter le sommet, expliquant que ce dernier était une « farce politique » et que le PQ « trahissait » les étudiants en ne considérant pas sérieusement la demande d’élimination graduelle des droits de scolarité.
Mais l’ASSÉ elle-même a considérablement contribué à semer des illusions dans le PQ et son sommet « national ». Elle a participé à toutes les rencontres préparatoires du sommet, a essentiellement ignoré les coupes imposées par le budget péquiste et s’est adaptée à la campagne des syndicats, de la FECQ et de la FEUQ pour détourner la grève étudiante derrière le PQ, entre autres en affirmant que la défaite des libéraux de Charest serait une « victoire ».
Étant un aveu implicite de l’échec de son orientation, le boycottage du sommet par l’ASSÉ est la poursuite de la perspective nationaliste et petite-bourgeoise de protestation qui consiste à faire pression sur l’élite québécoise pour obtenir des concessions.
L’ASSÉ n’a pas critiqué les chefs syndicaux qui ont participé au sommet, de la même façon qu’elle s’était abaissée devant les syndicats et abandonné le printemps dernier sa demande de « grève sociale » lorsque les syndicats eurent clairement fait savoir qu’ils s’y opposaient. Et elle continue de séparer la lutte pour que l’éducation soit reconnue comme droit social de la lutte pour mobiliser la classe ouvrière, en tant que force politique indépendante, contre le programme d’austérité, de suppression d’emplois et de baisses de salaire de la classe dirigeante.
Plus de 10 000 étudiants et leurs partisans ont participé mardi dans une manifestation organisée par l’ASSÉ au centre-ville de Montréal, ce qui témoignait une fois de plus de la radicalisation croissante qui prend place au sein de la jeunesse.
S’adressant à la foule qui s’était rassemblée avant la manifestation, un porte-parole de l’ASSÉ du cégep de Valleyfield a répété la position de son organisation que la grève avait constitué une victoire (malgré le fait que le PQ venait tout juste d’imposer une hausse perpétuelle des frais de scolarité et des coupes sociales bien plus importantes que celles des libéraux avant lui). Promettant que l’ASSÉ allait poursuivre dans la même voie, il a déclaré que « le syndicalisme de combat fonctionne et ça rapporte… Nous allons nous retrousser les manches, retourner dans nos assemblées et continuer de faire ce que nous avons fait : organiser et mobiliser. »
Dans le but de tirer les véritables leçons de la grève étudiante, des partisans du WSWS ont distribué des centaines d’exemplaires d’une déclaration intitulée « Le sommet sur l’éducation et la faillite de la politique de l’ASSÉ : Pour s’opposer à l’assaut sur les services publics, les étudiants doivent se tourner vers les travailleurs ».
(Article original paru le 28 février 2013)