Jeudi soir 28 mars, dans un entretien d’une heure sur France2, le président français François Hollande a cherché à exposer sa politique dans un contexte de colère populaire grandissante contre son gouvernement.
L’interview de Hollande visait à rassurer la classe dirigeante que son gouvernement PS (Parti socialiste) poursuivrait ses guerres et les coupes sociales au mépris de l’opinion publique.
Depuis son accession au pouvoir, il y a dix mois, Hollande a imposé des coupes budgétaires à hauteur de dizaines de milliards d’euros, des licenciements de masse dans l’industrie automobile, dont la fermeture de l’usine d’Aulnay convenue conjointement avec la bureaucratie syndicale, et l’invasion du Mali. L’économie française stagne et le taux de chômage dépasse les 10 pour cent.
Les taux de satisfaction dans les sondages ont chuté à 30 pour cent, un record d’impopularité pour un président français depuis la mise en place des sondages d’opinion, Hollande perdant même des électeurs PS. Seuls 30 pour cent des jeunes et 32 pour cent des ouvriers approuvent actuellement sa politique.
Des responsables du PS qui ont commenté dans les médias le discours de Hollande décrivent la situation comme n’étant « pas bonne » et un conseiller de Hollande a dit au Monde : « Il faut qu’il porte un regard lucide sur la situation, mais en même temps qu’il ne donne pas l’impression que tout est foutu. »
Sur France2, Hollande a annoncé davantage d’attaques contre les retraites et les programmes sociaux, une intensification des guerres au Mali et en Syrie, ainsi que parallèlement des attaques contre les droits démocratiques des Musulmans et des homosexuels, dans le but de diviser la classe ouvrière.
Il a déclaré, « Ma priorité c’est l’emploi, mon cap c’est la croissance, » en réclamant une « simplification » des règlements pour les entreprises qui cherchent à embaucher des travailleurs. Il a fait l’éloge de la dérèglementation du droit du travail approuvée l’année dernière avec la bureaucratie syndicale et les associations patronales pour faciliter les licenciements et les emplois à bas salaire.
Bien que son discours se soit principalement concentré sur l’économie, il n’a pas soulevé le principal événement survenu ce mois-ci dans la vie économique européenne : le plan de sauvetage imposé à Chypre par l’Union européenne (UE) avec le soutien du gouvernement Hollande. La raison en est que toute description honnête de la politique communautaire appliquée à Chypre ferait éclater le mensonge selon lequel la bourgeoisie européenne veut créer des emplois et une croissance économique. En fait, sa politique vise à intensifier l’exploitation de la classe ouvrière dans un contexte de guerre impitoyable entre des sections concurrentielles du capital financier.
L’UE est en train d'imposer un plan de sauvetage qui devrait considérablement réduire le secteur bancaire chypriote, doubler le chômage et détruire entre 10 et 25 pour cent de l’économie de l’île.
Lors de son interview, Hollande a poursuivi en présentant un certain nombre de coupes sociales en France qui saperont encore davantage le pouvoir d’achat des travailleurs et l’économie en général.
Hollande a annoncé de nouvelles réductions des retraites, négociées avec la bureaucratie syndicale. Il a dit : « Comme on vit plus longtemps, l’espérance de vie s’allonge. Il va falloir avoir des durées de cotisation plus longues. Ça, ça sera l’objet de la négociation avec les partenaires sociaux... [c’est-à-dire les syndicats et les organisations patronales]… Il y aura une discussion sur les paramètres, tous les paramètres, cotisation, indexation et allongement de la durée de cotisation. »
Il a aussi proposé de réduire de 2 milliards d’euros le déficit de la branche famille de la sécurité sociale en réduisant les sommes versées aux familles plus aisées. Pour la classe dirigeante, il s’agit là d’une démarche visant à faire des prestations sociales universelles des prestations sous condition de ressources, en minant le soutien dont elles jouissent auprès des classes moyennes, préparant ainsi leur complète destruction.
Ces annonces soulignent le caractère réactionnaire du gouvernement PS et la fraude à l’endroit de l’électorat de la part des tendances pseudo-gauches telle le Parti communiste français (PCF) et le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) qui avaient appelé à voter pour Hollande. Ces forces affirmaient que par rapport aux candidats conservateurs, Hollande serait plus enclin à appliquer une politique de gauche sous la pression de manifestations et de grèves de protestation.
En fait, Hollande poursuit inflexiblement une politique d’austérité dans l’intérêt du patronat et à l’encontre des intérêts économiques fondamentaux de la classe ouvrière. Quant aux forces pseudo-gauches, elles n’essaient même pas d’organiser des protestations contre les attaques sociales de Hollande. En effet, elles soutiennent et aident à formuler ses attaques de par le rôle qu’elles jouent au sein de la bureaucratie syndicale.
Le reste du discours de Hollande a été consacré à la présentation des grandes lignes de ses projets pour approfondir les attaques contre les droits démocratiques et ses projets de guerres impérialistes de la France en Afrique et au Moyen-Orient.
Hollande a laissé entendre des attaques supplémentaires à l’encontre des Musulmans en France en critiquant implicitement la décision du tribunal d’annuler le licenciement d’une employée de la crèche Baby-Loup parce qu'elle portait le voile islamique. Il a remarqué, « Je pense que la loi doit intervenir. »
Il a suggéré que la réactionnaire loi de 2004 interdisant le port du foulard dans les écoles publiques devrait aussi être étendue aux garderies d’enfants : « Dans ce qu’on appelle le service public de la petite enfance, une crèche associative avec des financements publics, il doit y avoir une certaine similitude par rapport a ce qui existe dans l’école. »
Dans un contexte de protestations par la droite contre sa proposition de loi accordant aux homosexuels le droit de mariage, Hollande a aussi montré une adaptation lâche à la droite. En indiquant que sa loi ne garantissait pas aux homosexuels le droit à la procréation médicalement assistée, il a dit vouloir se conformer à tout jugement à son encontre, en promettant aussi de maintenir l’interdiction contre les mères porteuses tant qu’il serait au pouvoir.
Hollande a promis aussi de poursuivre les guerres d’outre-mer de l’impérialisme français. En réagissant aux craintes exprimées parmi les cercles dirigeants que les coupes budgétaires pourraient affecter ces guerres, il a dit que les dépenses militaires seront les mêmes en 2014 qu’en 2013.
Plus tôt dans la journée, le premier ministre Marc Ayrault avait promis que la France maintiendrait son arsenal nucléaire et sa capacité d’intervention outre-mer. Il a dit, « Cessons de nous faire peur avec des scénarios catastrophe, qui n’ont jamais été sérieusement envisagés, en tout cas ni par le Président de la République, ni par moi-même, ni le ministre de la Défense. ... Ce que la France fait au Mali, elle pourra le faire encore dans cinq ans. »
En ce qui concerne la guerre au Mali, tout en affirmant cyniquement que la France était « pays de délivrance et d’émancipation »Hollande a présenté une politique d’intervention néo-coloniale illimitée au Sahel. Il a annoncé que l’armée française maintiendrait jusqu’en juillet 2.000 soldats au Mali et disposerait encore d’un millier de soldats en décembre au Mali. Il a ajouté que la France stationnerait en permanence des troupes aux environs du Mali.
Sur la Syrie, où la France a été un des principaux acteurs européens de la guerre par procuration menée par les Etats-Unis contre le président syrien Bachar al Assad, Hollande a réitéré les exigences d’armer directement les forces d’opposition. Bien que l’opposition syrienne consiste principalement en groupes liés à al Qaïda, tels le Front al Nustra et d’autres forces islamistes de droite, Hollande a écarté le risque que les armes pourraient tomber entre les mains de terroristes islamistes.
(Article original paru le 29 mars 2013)