Le fondateur de WikiLeaks Julian Assange a lancé un nouveau parti pour les élections fédérales en Australie qui auront lieu le 14 septembre. Depuis l'ambassade équatorienne à Londres, où il reste assiégé par les autorités britanniques qui lui refusent le droit fondamental d'accepter l'asile politique qui lui a été offert dans ce pays d'Amérique du Sud, Assange conduit une liste de candidats pour le Sénat dans les Etats du Victoria, de Nouvelle-Galles du Sud et d'Australie-Occidentale.
À une époque où le dégoût pour les grands partis politiques est très répandu parmi les gens ordinaires, le WikiLeaks Party (WLP) en appelle au sentiment anti-establishment de plus en plus fort qui ne trouve aucune expression dans les grands partis du Parlement. Assange est considéré comme une personnalité courageuse en raison du rôle qu'il a joué dans la révélation de milliers de documents qui détaillent les meurtres américains de civils et les complicités dans la torture en Afghanistan, ainsi que de nombreux autres crimes qui étaient restés cachés à la population mondiale jusqu'ici.
Le Socialist Equality Party (SEP) s'est opposé aux efforts du gouvernement Obama, assisté par le gouvernement travailliste en Australie, pour envoyer Assange en prison en s'appuyant sur des accusations d'abus sexuels en Suède dénuées de tout fondement et sur un procès pour espionnage préparé en secret à Washington. Nous avons cherché à mobiliser la classe ouvrière en Australie et internationalement contre sa persécution.
Cependant, notre défense de longue date d'Assange contre un coup monté de l'Etat ne nous oblige pas à soutenir sa candidature au Sénat ni son parti politique nouvellement formé.
Une politique socialiste fondée sur des principes ne se base pas sur des questions de personnes mais sur les intérêts de la classe ouvrière. Nous évaluons les partis et les candidats qui les représentent en nous appuyant sur leur histoire politique, leur programme et leur orientation de classe. En suivant ces critères, un soutien politique ne peut pas être apporté par le SEP au WLP formé autour de la personne d'Assange. Dans la mesure où le WLP a tenté de formuler ses revendications programmatiques, celles-ci restent dans le cadre de la politique parlementaire réformiste bourgeoise.
Julian Assange a joué un rôle important comme journaliste et lanceur d'alerte. Ses conceptions et activités politiques sont une autre question. La politique d'Assange est une combinaison éclectique d'idées libertaires et de réformisme. Aussi sincères que soient ses intentions, les alliances politiques nouées par Assange sont des plus diverses et montrent un homme dont les décisions sont influencées par l'impressionnisme, la naïveté et un opportunisme à courte vue.
En Australie, Assange a cherché à cultiver des relations avec certains éléments du monde politique officiel, tel le directeur de campagne et principal porte-parole du WLP, Greg Barns, avocat et ex-conseiller de haut niveau du gouvernement Libéral-National conservateur de John Howard.
Quant à la structure du WLP, les responsables et les membres du nouveau parti comprennent un mélange très hétérogène de Libéraux mécontents, et de libertaires, ainsi que de divers courants issus de la politique de pression protestataire des classes moyennes. Si le WLP n'a pas encore annoncéla liste complète de ses candidats au Sénat, on sait que son conseil national comprend des membres de la famille d'Assange et ses anciens collègues, des activistes de la WikiLeaks Australian Citizen Alliance, l'avocate très active sur les questions de droits de l'Homme Kellie Tranter, la militante pacifiste Gail Malone, le consultant sur l'éducation chez les Aborigènes Luke Pearson, et Omar Todd, réalisateur de films et activiste du groupe opposé à la pêche à la baleine Sea-Shepherd.
Le parti n'a pas encore publié de programme. Sa constitution souligne divers objectifs réformistes, dont « promouvoir la transparence des actions, de la politique et des informations du gouvernement, ainsi que la transparence des actions, des informations et de la politique des grandes entreprises et des organisations non-gouvernementales, » et « s'assurer que les gouvernements, les grandes entreprises, les entités, associations syndicats et les personnes liées à de tels organismes, comme les politiciens et les dirigeants d'entreprises, soient tenus pour responsables de leur politique et de leurs actions. »
D'après un compte-rendu d'une discussion avec Assange au début de l'année, le rédacteur de WikiLeaks croit que s'il est élu au Sénat australien, l'accusation d'espionnage sur laquelle travaille un Grand Jury aux États-Unis sera abandonnée, parce que « le ministère de la justice américain n'osera pas déclencher une confrontation diplomatique internationale. » Il croit également que le gouvernement britannique capitulerait sur sa menace d'extradition en Suède, parce que « le coût politique de la confrontation actuelle sera encore plus élevé. »
Si c'est bien là la raison de la décision d'Assange de se présenter au parlement, alors il a apparemment appris bien peu de choses de ses propres expériences. Loin de devenir un moyen d'être blanchi et libéré, le parlement australien est et restera, un rouage essentiel de la conspiration contre lui. Le gouvernement Obama est déterminé à faire un exemple d'Assange, qui a été déclaré « terroriste des hautes technologies » par le vice-président américain Joe Biden, afin d'intimider tous les opposants à l'impérialisme américain. Personne au sein du gouvernement ne révisera son jugement simplement parce qu'Assange aura peut-être le statut de « Sénateur élu » après le 14 septembre. Le mépris de Washington pour les normes diplomatiques, et pour le parlement australien, a été très clairement démontré dans les communications diplomatiques divulguées par WikiLeaks lui-même.
Au cours de notre campagne pour les élections fédérales, le Socialist Equality Party va continuer à lutter sans équivoque pour la défense de Julian Assange. Nous le ferons sur la base de notre lutte pour développer un mouvement politique indépendant et unifié de la classe ouvrière, visant à faire tomber le système d'exploitation capitaliste. C'est la seule voie viable pour faire progresser la lutte pour les droits démocratiques.
(Article original paru le 20 mai 2013)