Les puissances européennes lèvent l'embargo et vont armer l'opposition syrienne

Lundi les ministres des affaires étrangères de l'Union européenne (UE) se sont rencontrés à Bruxelles et se sont mis d'accord pour ne pas renouveler l'embargo contre la Syrie. Cela permettra à chaque pays européen d'armer directement l'opposition qui lutte contre le président syrien Bashar el-Assad, ce qui était interdit jusque-là par un embargo de l'UE décidé pour un an et qui devrait expirer vendredi.

Les anciennes puissances coloniales européennes ayant des intérêts au Moyen-Orient, la Grande-Bretagne et la France, mènent l'offensive pour armer directement les rebelles syriens.

Le ministre des Affaires étrangères britannique William Hague a cyniquement cherché à présenter les plans européens pour armer les rebelles comme faisant partie d'une « solution politique » au conflit en Syrie. Il a affirmé que, « à la fin, il n'y a qu'une solution politique et diplomatique, » ajoutant qu'un amendement à l'embargo européen faisait « partie du soutien au travail diplomatique. »

Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius s'est servi d'accusations infondées sur l'usage d'armes chimiques par la Syrie afin de pousser à l'armement des rebelles syriens et d'ouvrir la voie à une intervention militaire directe.

« Il y a des présomptions de plus en plus fortes, de plus en plus étayées, d'usage localisé d'armes chimiques, » a affirmé Fabius. « Nous nous consultons avec nos partenaires pour voir quelles conséquences concrètes il faut en tirer. »

Le président américain Barack Obama a menacé à plusieurs reprises de considérer l'usage d'armes chimiques en Syrie comme une « ligne rouge » ou un « changement de la donne » qui déclencherait une réaction agressive.

Hague a juré de rechercher « un terrain d'entente » avec les autres Etats membres de l'UE sur l'armement des rebelles syriens, mais a indiqué que la Grande-Bretagne le ferait même si aucun accord n'était conclu. Il a insisté sur l'idée que « faire ce qu'il faut pour la Syrie » serait « plus important que de savoir si l'UE est capable d'être unie sur chaque détail de cette action. »

L'Autriche, la République tchèque, la Suède et la Finlande ont affirmé s'opposer à l'armement des rebelles syriens. Le ministre des Affaires étrangères Michael Sindelegger a déclaré : « Nous venons de recevoir le Prix Nobel de la paix, et maintenant il faudrait aller dans la direction d'une implication internationale dans un conflit avec des livraisons d'armes, je pense que ce n’est pas correct. »

Ce genre de commentaires est un exemple du caractère complètement cynique de l'impérialisme européen. La guerre contre la Syrie montre précisément que l'Europe n'est pas une puissance de paix et que sa réception du Prix Nobel de la paix l'an dernier n'était qu'une farce.

En fait, l'UE a soutenu l'opposition syrienne depuis le début, collaborant étroitement avec les États-Unis, la Turquie et les Etats du Golfe qui arment les combattants de l'opposition islamiste en Syrie jusqu'aux dents et établissent des systèmes anti-missiles balistiques Patriot près de la frontière entre la Turquie et la Syrie.

L'UE a récemment levé ses sanctions pétrolières contre la Syrie pour contribuer à financier l'opposition Syrienne, dont des groupes rebelles liés à Al Qaïda comme le Front Al Nusra qui a commis des crimes horribles contre la population syrienne. (lire également : Les puissances européennes financent Al Quaïda en achetant du pétrole pillé en Syrie).

Après les guerres contre l'Afghanistan, l'Irak et la Libye – qui ont été partiellement critiquées par certains Etats européens – les puissances européennes se sont alignées derrière la stratégie guerrière de l'impérialisme américain pour piller les grandes régions riches en ressources naturelles du Moyen-Orient et d'Asie centrale. Comme les États-Unis, les puissances européennes considèrent le régime Assad à dominante Alaouite en Syrie et son principal allié dans la région, l'Iran Chiite, comme les principaux obstacles à une garantie de leurs intérêts.

L'Allemagne cherche à rallier les membres « dissidents » de l'UE derrière une politique plus agressive contre la Syrie. « Les désaccords au sein de l'UE, ce serait le mauvais signal, » a déclaré le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle. « Plus l'Europe agit de manière cohérente, plus nous auront de l'influence pour surmonter la violence actuelle en Syrie. »

D'après un reportage paru dans Der Spiegel et publié le même jour, Berlin a décidé que le service de renseignement fédéral (BND) allemand allait reprendre la livraison de « medipacks » -- consistant en des fournitures médicales et des centaines de vestes pare-balles – à l'Armée libre syrienne de l'opposition (ALS). Il y a quelques mois seulement, le ministère des Affaires étrangères avait contraint le BND à cesser cela, écrit Der Spiegel.

La Turquie et l'opposition pro-occidentale syrienne – les forces les plus agressives à pousser à une intervention militaire directe en Syrie – ont insisté auprès de l'UE pour limiter cet embargo. « Je soutiens tout-à-fait la levée de l'embargo sur les armes contre le peuple syrien, » a dit le ministre des Affaires étrangères Turc Ahmet Davutoglu, qui était présent aux négociations de Bruxelles.

À Istanbul, Khaled al-Saleh, porte-parole de la principale Coalition nationale de l'opposition a déclaré : « C'est le moment de vérité que nous avons attendu pendant des mois. »

N’ayant aucun soutien étendu au sein de la population syrienne, l'opposition islamiste sunnite perd rapidement du terrain contre l'armée syrienne, qui est maintenant aidée par des combattants de la milice chiite libanaise du Hezbollah. Ces derniers jours, le gouvernement syrien a lancé une offensive pour reprendre la ville stratégique de Qusayr, proche de la frontière libanaise.

Dans ce contexte, et avec l'extension de la guerre au Liban [lien en anglais] et à l'Irak, les puissances impérialistes intensifient leur intervention en Syrie et dans tout le Moyen-Orient. Une délégation américaine comportant le ministre des Affaires étrangères John Kerry et les sénateurs John McCain et Bob Menendez a menacé d'une intervention du genre de celle menée en Libye en marge du Forum économique mondial en Jordanie samedi dernier.

McCain, qui est membre de la Commission du Sénat américain sur les forces armées et les relations internationales, a déclaré au Jordan Times : « Nous sommes prêts à adopter n'importe quelle démarche pour protéger la stabilité du régime jordanien, son peuple et son territoire ; la fourniture de missiles Patriot rentre dans cette protection. »

Il a expliqué que l'envoi de ces missiles pourrait être le « premier pas » vers l'établissement d'une zone d'interdiction aérienne en Syrie. « Avec l'usage de missiles Patriot, nous pouvons imposer et maintenir une zone d’interdiction aérienne afin de permettre à l’opposition de trouver une occasion de s’organiser et de changer le cours du conflit comme nous l’avons fait en Libye, » a-t-il dit.

Hier, McCain aurait également voyagé rapidement en Syrie depuis la Turquie, accompagné par le Général Salem Idris, chef du Conseil militaire suprême de l'ALS pour rencontrer 18 chefs de milices de l'opposition de toute la Syrie. Ils auraient dit à McCain qu'ils voulaient un soutien supplémentaire des États-Unis, des armes lourdes, et des frappes aériennes américaines en Syrie.

Avec les émirats du Golfe, Arabie saoudite, Qatar et Émirats arabes unis, le royaume Hachémite de Jordanie est l'un des alliés stratégiques de l'impérialisme dans son offensive dans la région. D'après un article du Jewish Chronicle, un responsable jordanien important proche du Roi de Jordanie Abdullah a confirmé que la Jordanie autorisait Israël à faire passer des drones au-dessus de son espace aérien pour superviser la situation en Syrie.

Il a également déclaré que, si le besoin s'en fait sentir, « bien sûr nous autoriserons Israël à se servir de l'espace aérien jordanien pour attaquer la Syrie. »

Durant les mois passés, Israël a déjà lancé trois attaques directes sur la Syrie et prépare une intervention bien plus étendue.

Lundi, Israël a organisé un exercice militaire massif se concentrant sur le comportement face aux armes chimiques. Il faisait partie d'un exercice d'une semaine, dont le nom de code est « Home Front Eitan 1, » préparant la population civile, l'armée et les services d'urgence pour une guerre dans laquelle un grand nombre de missiles pourrait frapper Israël.

(Article original paru le 28 mai 2013)

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