Deux voitures piégées ont explosé en même temps au Niger le jeudi 23 mai, tuant au moins 26 personnes et en blessant plus d'une vingtaine d'autres. Les forces islamistes, dont Al Quaïda au Maghreb islamiste (AQMI), le mouvement pour l'unité et le Djihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO) et le bataillon des Signataires par le sang, ont revendiqué ces attentats simultanés.
Ces attentats signalent l'extension des conflits dans la région africaine du Sahel qui ont commencé avec la guerre de l'OTAN en 2011 qui a détruit le régime Kadhafi en Libye et se sont poursuivis avec la guerre de la France au Mali qui a commencé en janvier dernier.
Une voiture piégée a explosé dans le camp militaire de la ville d'Agadez. Les attaquants ont traversé les défenses de la garnison et ont fait sauter leurs explosifs, tuant 20 soldats et en blessant 16 de plus. Quatre militants ont été tués dans cette première attaque. Deux attaquants y ont survécu et ont pu prendre plusieurs otages, menaçant de les tuer et de se tuer avec eux.
Vendredi, des forces spéciales françaises en collaboration avec des troupes nigérianes ont tué les deux militants et libéré les otages.
La deuxième a explosé à la mine d'uranium française près de la ville d'Arlit. Deux attaquants dans un 4x4 ont franchi les portes de la mine Somair, appartenant au géant de l'énergie nucléaire français Areva, et ont pu faire détoner des ceintures pleines d'explosifs, en se tuant, ainsi qu'un employé de la mine, et en blessant 13 autres.
La production a été arrêtée suite à cette attaque, qui a causé des dégâts importants aux équipements de concassage du minerai. La France dépend de l'uranium exploité en Afrique de l'Ouest, et au Niger en particulier, pour alimenter le réseau de centrales nucléaires qui fournit l'essentiel de l'électricité française.
«Nous avons vu une voiture entrer dans l'usine et elle a explosé immédiatement», a dit Agoumou Idi, un travailleur sur le site Areva. «Les terroristes, probablement du MUJAO, ont profité du fait que la porte d'entrée était ouverte pour faire entrer le camion transportant la prochaine équipe de travailleurs. Ils se sont servis de cette ouverture pour pénétrer au cœur de l'usine et faire exploser leur véhicule.»
Aux journalistes, le président français François Hollande a répondu à cette attaque en affirmant que le gouvernement français fera tout ce qu'il faut pour protéger ses intérêts au Niger. «Nous n'interviendrons pas au Niger comme nous l'avons fait au Mali, mais nous avons la même volonté de coopérer pour lutter contre le terrorisme et nous défendrons aussi nos intérêts. Chacun doit savoir que nous ne laisserons rien passer et soutiendrons les autorités du Niger pour mettre fin aux prises d'otages et annihiler le groupe qui a perpétré ces attaques.» [retraduit de l'anglais]
Dans un entretien accordé à France24, le président du Niger Mahamadou Issouffou a indiqué que les attaquants venaient du sud de la Libye. «Aujourd'hui la situation est très difficile, les autorités libyennes font le maximum pour la contrôler, mais le fait est là: la Libye continue d'être une source de déstabilisation pour les pays du Sahel», a-t-il dit.
Suite à ces attaques, le Niger a déclaré un deuil national de 72 heures.
Ces deux attentats jumeaux auraient été mis au point par Mokhtar Belmokhtar, le commandant du bataillon des Signataires dans le sang lié à Al Quaïda. Belmokhtar aurait publié une déclaration signée expliquant les raisons derrière ces attentats et affirmant qu'ils sont la «première réponse à une déclaration du président du Niger [Mahamadou Issouffou], inspirée de ses maîtres à Paris, affirmant que les jihadistes ont été écrasés militairement.»
Des membres d'AQMI avaient enlevé l'envoyé spécial de l'ONU Robert Fowler dans les alentours de la capitale du Niger, Niamey, en 2008 et l'avaient retenu en otage pendant plus de cinq mois. Des membres d'AQMI avaient infiltré Arlit en 2010 et pris en otage sept employés de la compagnie française Areva et de son contractant SATOM, dont cinq ressortissants français.
AQMI détient toujours cinq ressortissants français en otage et menace de les exécuter en réaction à l'intervention de la France au Mali.
La guerre de la France au Mali a repoussé les militants islamiques du Nord du Mali et dans les pays alentour, dont l'Algérie. En janvier de cette année, des membres des Signataires dans le sang, l'organisation de Belmokhtar, ont pris 800 personnes en otage dans les installations gazières d'In Amenas en Algérie. Après une confrontation intense de quatre jours, une opération de sauvetage par les forces spéciales algériennes a entraîné la libération de 700 otages ainsi que la mort de 39 d'entre eux et de 29 militants.
Les attentats de la semaine dernière ont été les plus graves contre des intérêts français en Afrique de l'Ouest de la part d'extrémistes islamiques depuis le début de la guerre au Mali en janvier.
Les régimes d'Afrique de l'Ouest ont envoyé des troupes au Mali pour soutenir les opérations françaises dans le cadre d'une mission de soutien international au Mali (l'AFISMA). Le gouvernement nigérien a envoyé 650 soldats au Mali dans le cadre de l'AFISMA.
Les régions du Maghreb et du Sahel ont été déstabilisées par les attaques de l'OTAN en 2011 contre la Libye qui ont entraîné la chute de Mouammar Kadhafi. Le régime de Kadhafi était une pierre angulaire servant à stabiliser militairement et économiquement les relations au Sahel, il mitigeait les conflits en apportant une aide économique afin d'assouplir les vieilles tensions entre le peuple touareg et les régimes malien et nigérien.
Les éléments affiliés à Al Quaïda qui ont afflué en Libye en 2011 opérant comme la tête de lance de l'occident pour faire tomber Kadhafi, étendent maintenant leur influence dans toute la région du Sahel et de l'Afrique occidentale au milieu du bain de sang qui en résulte.
Les États-Unis et les puissances impérialistes européennes se servent des conséquences de la guerre en Libye pour justifier l'expansion des opérations militaires dans toute l'Afrique, sous le couvert de la lutte contre Al Quaïda et les forces associées.
Depuis 2012, des vols de surveillance en appareil Pilatus PC-12 sont opérés depuis l'aéroport international Diori Hamani de Niamey. Des drones Predator mènent des opérations de surveillance en Afrique de l'Ouest depuis que les États-Unis et le Niger ont signé un accord en janvier sur l'établissement d'une base de drones. Un contingent d'approximativement 100 soldats américains a été envoyé au Niger, clairement pour gérer la base de drones.
Une base américaine de drones devrait s'ouvrir à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, à la fin de l'année, étendant les capacités de surveillance américaines en Afrique de l'Ouest. L'aéroport de Ouagadougou sert actuellement de point central à l'espionnage américain en Afrique, utilisant les petits avions PC-12 pour des vols de surveillance sur le Mali, la Mauritanie, et le désert saharien.
(Article original paru le 27 mai 2013)