Le 14 mai, Beppe Grillo a publié un blog franchement raciste visant à lancer un appel aux tendances d'extrême-droite.
Sous le titre «Italie Kabobo», Grillo a exploité le cas tragique d'un jeune noir de 21 ans dont la folie meurtrière menée à coups de pioche le 11 mai à Milan a fait trois morts. Grillo s'est servi du cas de Mada Kabobo pour faire une dénonciation générale de tous les immigrés, les accusant de crimes violents et demandant des mesures plus efficaces pour les déporter.
Il cite trois exemples de violences commises par des jeunes d'origine africaine puis pose la question : «combien de gens y a-t-il comme ce Kabobo de l'Italie ? Des centaines ? Des milliers ? Où vivent-ils ? Personne ne le sait.»
Grillo écrit : «Qui est responsable ? Pas la police qui ne peut que risquer sa vie pour les arrêter, mais ne peut pas vraiment le faire. Pas les magistrats qui sont soumis à la loi. Pas le Parlement, qui sur la question de la sécurité a procédé à un échange de votes entre la droite et la gauche.»
Grillo écarte cyniquement les causes sociales de la violence, écrivant : «Kabobo, sans toit, sans emploi, s'est promené librement dans toute l'Italie pendant un bon moment. […] alors qu'il n'avait pas d'autorisation de rester, il ne pouvait pas être déporté.» À la fin du blog, il conclut : «personne n'est responsable, peut-être pas même Kabobo. S'ils acceptent l'idée qu'il a des problèmes de santé mentale, il sera bientôt une personne libre à nouveau.»
Avec cette entrée sarcastique, Grillo rejoint publiquement les rangs des racistes droitiers qui font sans cesse de l'agitation pour avoir des lois plus strictes, plus de pouvoirs pour la police, et un gouvernement capable d'imposer des mesures dictatoriales aux couches les plus vulnérables de la société : les immigrés sans papiers.
Grillo ne mentionne pas le sort dramatique de nombreux Africains qui perdent la vie en cherchant à quitter leur pays, ou les problèmes auxquels sont confrontés les survivants dans un nouveau pays sans logement, sans travail, sans soins médicaux. Il préfère adopter le langage qui était associé par le passé avec les néo-fascistes du camp de Berlusconi ou de la Ligue du Nord. Dans ce contexte, la principale revendication de Grillo dans la récente campagne électorale - «renvoyez-les tous chez eux» - qui visait au départ les politiciens, acquiert un sens nouveau et terrifiant.
Pour ceux qui avaient adopté une attitude s'appuyant sur une position de classe face à ce mouvement, la tirade raciste de Grillo n'est pas une surprise. Dès le début, le programme du Mouvement cinq étoiles (M5S) de Beppe Grillo n'avait rien à voir avec les intérêts de la classe ouvrière.
Comme l'avait remarqué le World Socialist Web Site il y a plusieurs mois, les tirades de Grillo contre la corruption, les grands monopoles et la bureaucratie de l'État n'étaient qu'un programme destiné à démanteler l'état social et les avancées historiques obtenues par la classe ouvrière. Au nom de la lutte contre le gaspillage, Grillo demande la suppression de centaines de milliers d'emplois dans les services publics et des mesures pour accélérer la privatisation des universités, des hôpitaux et des autres institutions.
Son programme économique reflète les intérêts de petits et moyens entrepreneurs qui sont écrasés par le grand capital. Défendre la classe moyenne aigrie sans remettre en question le système de profit amène inévitablement à s'en prendre à la classe ouvrière. L'attaque de Grillo contre la couche la plus faible de cette classe – c'est-à-dire les immigrés – en est le résultat inévitable.
Le fait que le caractère droitier de la politique de Grillo n'a pas été pleinement compris est lié au rôle joué par les groupes de la pseudo-gauche comme ATTAC, le PRC (Parti de la refondation communiste) et le SEL (Gauche, écologie et liberté) de Nichi Vendola. Des années durant, ils ont exprimé leur admiration pour Grillo et continuent à coopérer avec lui jusqu'à aujourd'hui.
Samedi dernier encore, le syndicat des métallurgistes FIOM et le SEL ont invité le candidat du parti de Grillo à la présidence, Stefano Rodotà, à s'exprimer devant la foule à Rome. Le FIOM et le SEL ont avant cela soutenu Rodotà aux élections présidentielles ; en retour, il a insisté sur sa longue association avec le FIOM.
La coopération des groupes de la pseudo-gauche avec Grillo était déjà évidente en juin 2011. À l'époque, la population italienne avait rejeté à une forte majorité l'énergie nucléaire et la privatisation de l'eau potable par référendum. ATTAC, Greenpeace et le PRC s'étaient alliés à Grillo pour empêcher cette opposition de prendre une tournure socialiste. Les pablistes italiens affirmaient à ce moment-là que la victoire au référendum démontrait la nécessité de laisser tomber les partis politiques et de favoriser des initiatives spécifiques à chaque question et des «réseaux,» comme celui formé par Grillo en 2009.
En conséquence, Grillo a profité de la banqueroute politique du PRC et d'autres organisations de la pseudo-gauche qui, au cours de deux décennies, ont soutenu à plusieurs reprises les gouvernements de centre-gauche menant des attaques virulentes contre la classe ouvrière.
En mai 2012, un membre du M5S, Federico Pizzarotti, un responsable de banque jusque-là inconnu, a été élu maire de Parmes. Depuis lors, Pizzarotti a poursuivi la même politique que l'ex-premier ministre italien Mario Monti au niveau fédéral : la hausse des impôts et des cotisations sociales et de santé pour forcer les retraités et les travailleurs à payer pour la crise.
Dans les récentes élections parlementaires en février, le M5S a gagné un quart des votes à la Chambre des représentants et était le parti le plus fort. Sa montée est clairement liée au fait que les travailleurs et les membres de la classe moyenne inférieure considéraient ce parti comme le seul canal par lequel ils pouvaient exprimer leur colère, sur les politiques d'austérité du gouvernement Monti et la corruption très répandue des partis établis.
La situation politique s'est détériorée encore plus depuis les élections. Par un mépris évident de la volonté des électeurs, le Parti démocratique (PD) et formé une coalition avec le Popola della Libertà (PdL) de Berlusconi afin de poursuivre les politiques d'austérité de Monti.
Entre-temps, le mouvement de Grillo a également subi une défaite aux élections régionales en Frioul Vénétie Julienne. De son record de 27 pour cent aux élections nationales, il est tombé à 14 pour cent avec une abstention au plus bas, à moins de 50 pour cent. Grillo a réagi à cette défaite par un blog xénophobe s’adressant de toute évidence aux anciens partisans de la Ligue du Nord.
Surtout, la tirade de Grillo est une réaction aux tensions sociales qui croissent rapidement et sont exacerbées par les politiques du nouveau gouvernement.
Grillo montre maintenant des traits réactionnaires et xénophobes. Il cherche à diviser les travailleurs en s'appuyant sur des critères nationaux afin de les empêcher de s'unir, au-delà de leurs origines et de leurs couleurs de peau, dans une lutte commune contre le gouvernement, et les intérêts bourgeois et financiers qui sont derrière lui.
(Article original paru le 22 mai 2013)