La fermeture annoncée des opérations de Ford Australie fait partie d'une vaste restructuration de l'industrie automobile internationale qui dévaste les emplois, les salaires et les conditions de travail dans l'automobile sur toute la planète. Cela soulève la nécessité pour la classe ouvrière de réagir avec sa propre stratégie politique globale, s'appuyant sur une perspective socialiste internationaliste, en défense de ses intérêts indépendants.
Depuis qu’a éclaté le krach financier en 2008, le secteur automobile a été le plus exposé aux tentatives de l'élite financière de s'extirper des effets de la crise économique en appauvrissant les travailleurs de l'automobile et en imposant des concessions sans fin à la «productivité». Le gouvernement Obama aux États-Unis, en collaboration avec le syndicat United Auto Workers, a été à la pointe de cette offensive, détruisant des dizaines de milliers d'emplois et réduisant les salaires jusqu'à 50 pour cent. Les nouveaux embauchés dans cette industrie gagnent maintenant moins, en valeur réelle, que leurs homologues dans les années 1930.
Les travailleurs de Ford en Amérique sont maintenant contraints à faire des journées de 10 heures, y compris les samedis, sans recevoir aucun paiement pour des heures supplémentaires. En s'appuyant sur cette exploitation intensifiée de la main d'œuvre, la division nord-américaine de Ford a enregistré des profits avant impôts faramineux de 2,4 milliards de dollars rien que dans les trois premiers mois de 2013. La compagnie affiche maintenant fièrement un taux de rentabilité de 11 à 12 pour cent sur ses opérations nord-américaines, un niveau qui aurait été impensable il y a quelques années.
Le plan de Ford pour fermer ses deux usines australiennes en 2016 intervient après que cette branche a enregistré plusieurs années de pertes financières. En dépit de plus d'un milliard de dollars d'aides publiques reçues dans la dernière décennie, Ford Australie a conclu qu'il n'y a aucun moyen de générer du profit étant donné les coûts de fonctionnement élevés et les ventes en perte de vitesse, les taux de change élevés pour le dollar australien en étant un facteur important. «Nos coûts sont le double d'en Europe et près de quatre fois [ceux de] Ford en Asie,» a déclaré le PDG de Ford Australie, Bob Graziano.
Les facteurs domestiques n'ont pas été la question décisive cependant. Sous la stratégie d'entreprise dite «Un seul Ford», les dirigeants réduisent les coûts en consolidant la production mondiale autour de véhicules qui peuvent se vendre partout, et fabriqués dans un nombre d'usines plus restreint. Ford va bientôt fermer des usines en Belgique et en Angleterre, détruisant directement près de 6000 emplois, en lien avec ce plan. Chaque société automobile mondiale mène le même genre de restructuration brutale. Ce nivellement pas le bas dans la recherche de la «compétitivité internationale» — qui fait chuter les salaires et les conditions de travail des travailleurs – est sans fin.
Même en Europe de l'Est, où les constructeurs automobiles ont fait des investissements importants ces vingt dernières années pour exploiter la main-d'œuvre bon marché de la région, les PDG déplacent maintenant la production vers des plates-formes aux salaires encore plus bas en Afrique du Nord et en Asie.
Les travailleurs de l'automobile en Australie sont confrontés à un ennemi commun que sont les dirigeants d'entreprises, le gouvernement fédéral travailliste et les syndicats. Ford Australie avait prévenu à l'avance Gillard de sa décision de fermer, ce qui a permis au gouvernement de préparer un fonds, censé assister la main-d'œuvre et les municipalités de Geelong et Broadmeadows à préparer une «transition.» Des schémas similaires par le passé, dont ceux pour les travailleurs de Mitsubishi à Adélaïde et les sidérurgistes de BlueScope à Wollongong, n'ont rien fait pour créer de nouveaux emplois ou réduire les crises sociales sévères dans ces villes ouvrières. Ils ont plutôt été sciemment conçus pour servir de couverture politique au gouvernement qui orchestrait l'assaut contre les emplois en collaboration avec les chefs d'entreprise.
La première vague majeure de fermetures d'usines et de licenciements massifs dans l'industrie automobile australienne a été menée sous le gouvernement travailliste Hawke-Keating de 1983 à 1996, dans le cadre de ses restructurations économiques pro-patronales. Le Parti travailliste a fait avancer ce projet de restructuration depuis son retour au pouvoir en 2007. Une étude importante faite par le gouvernement sur l'industrie automobile, publiée en 2008, concluait que «la question principale pour l'industrie n'est pas tellement que des fermetures ont lieu et continueront à avoir lieu, mais que les sorties "imprévues" doivent être traitées.»
Les subventions du gouvernement à l'industrie n'ont jamais eu pour but de protéger les emplois. Au contraire, elles ont servi à détruire les emplois d'une manière plus efficace et organisée.
Les syndicats ont joué un rôle essentiel dans l'application des diktats des compagnies automobiles et du gouvernement. Comme l'a expliqué le syndicat Australian Manufacturing Workers Union (AMWU) dans sa contribution à l'étude du gouvernement, il était important que les compagnies automobiles leur donnent des préavis de «fermetures/rationalisations/accords de fusion», afin qu'ils puissent «s'assurer qu'une procédure ordonnée et bien gérée ait lieu.»
Les syndicats cherchent maintenant à s'assurer que la fermeture de Ford se déroulera comme une «fermeture bien ordonnée». Les bureaucrates syndicaux ont immédiatement répondu à l'annonce en demandant des garanties que les indemnités de licenciement soient entièrement payées, ils ont fait monter les craintes sur cette question pour faire diversion de toute tentative des salariés de défendre leur emploi. Les syndicats ont également demandé que le gouvernement envisage d'augmenter les tarifs douaniers sur les véhicules importés.
Cette proposition a été soutenue par un petit groupe de parlementaires travaillistes, dont un sénateur soi-disant "de gauche", ex-dirigeant de l'AMWU, Doug Cameron. Il a déclaré : «Il y a un vrai besoin d'un peu de nationalisme économique dans ce pays.»
Cette rhétorique est à la fois réactionnaire et futile. Il n'y a rien qui ressemble à une industrie «nationale» en Australie – chaque aspect de ce secteur est complètement intégré dans une chaîne mondiale de fournisseurs. Cameron et les syndicats savent très bien que les tarifs douaniers et les autres mesures protectionnistes ne feraient rien pour empêcher plus de fermetures d'usines et de pertes d'emplois. Ces milieux travaillent sciemment à désorienter et à disperser les travailleurs – ils font la promotion du nationalisme australien pour empêcher une lutte contre la fermeture de Ford et séparer les ouvriers de leurs collègues en Asie et ailleurs.
Durant des dizaines d'années, les syndicats ont œuvré à supprimer toute grève au sein de l'industrie automobile, insistant pour que les travailleurs acceptent d'être subordonnés aux opérations du marché capitaliste. Les près de 60.000 travailleurs de l'industrie automobile et de l'industrie des pièces détachées automobiles en Australie ne peuvent remettre en cause cette situation et défendre leurs emplois, leurs salaires et leurs conditions de travail qu'en se tournant vers une nouvelle stratégie socialiste internationale, en étant unis à leurs frères et sœurs de classe du monde entier.
La première étape pour les travailleurs est de rompre avec le carcan économique et politique qui leur est imposé par les syndicats. Les syndicats ne sont plus des organisations ouvrières. Avec l'émergence des méthodes de production capitalistes globalisées dans les trois dernières décennies, les bureaucraties syndicales de chaque pays ont garanti leurs privilèges matériels en proposant leurs services pour faire passer les réductions de salaire, les pertes d'emplois, et les gains de productivité exigés par les groupes transnationaux. De nouvelles formes de lutte – des comités de base des travailleurs de l'automobile eux-mêmes – doivent être établies, pour se tourner vers les travailleurs de l'automobile des autres pays et vers d'autres sections de la classe ouvrière en Australie confrontées à des attaques similaires, y compris ceux des compagnies aériennes, des mines, de la construction et des industries manufacturières.
Les ouvriers sont en lutte politique avec le gouvernement Gillard. Ils sont opposés non seulement aux décisions destructrices de la direction d'un groupe ou de l'autre, mais à un système économique et social complet, le capitalisme, qui enrichit la minorité ultra-riche aux dépens des travailleurs. Les grandes industries, dont le secteur automobile, les compagnies minières et les banques doivent être placées sous propriété publique et sous contrôle démocratique de la classe ouvrière, dans le cadre d'une réorganisation socialiste de l'économie australienne et de l'économie mondiale.
Ce programme ne peut être réalisé que si la classe ouvrière établit son propre parti révolutionnaire qui ferait avancer la lutte contre le système d'exploitation et pour la formation d'un gouvernement ouvrier. Ce parti, c'est le Parti de l'égalité socialiste. Nous présentons des candidats aux élections fédérales à venir afin de donner les moyens à la classe ouvrière d'intervenir pour défendre ses propres intérêts indépendants. Nous incitons les travailleurs de Ford et ceux qui sont confrontés à des attaques du même genre à contacter le SEP et à participer activement à notre campagne.
Autorisé par Nick Beams, 113/55 Flemington Rd, North Melbourne 3051
(Article original paru le 25 mai 2013)
À lire également (en anglais)
Ford Australia announces shut down of car production