L'économie de la zone euro s'est contractée pour le sixième trimestre consécutif dans les trois premiers mois de l'année, d'après les statistiques publiées mercredi par Eurostat, bureau des statistiques de l'Union européenne. Ces données indiquent une aggravation de la crise financière européenne et l'approfondissement de la dépression mondiale.
L'économie de la zone euro s'est contractée de 0,2 pour cent au premier trimestre, pire que la contraction de 0,1 pour cent que les économistes avaient prévue. Cela fait de la contraction actuelle la plus longue depuis l'introduction de l'euro en 1999, et elle est plus forte même que celle de 2008-2009.
Les responsables ont réagi à ces statistiques désastreuses en réaffirmant leur engagement envers l'austérité et pour faire payer la facture de la crise à la classe ouvrière. « Nous nous sommes engagés dans des réformes [en faveur de] la compétitivité et nous continuerons, » a dit le président François Hollande mercredi. Par « compétitivité, » il faut comprendre la baisse des salaires et la réduction drastique des programmes sociaux sur tout le continent.
Les cours des actions ont monté après la publication de ces chiffres désastreux, les compagnies financières se ralliant à la perspective que la situation économique qui s'aggrave va pousser les banques centrales à adopter de nouvelles mesures pour étendre la quantité de monnaies mondialement disponible.
L'économie de l'UE a eue une croissance modérée de 2009 à 2011, le désastre économique en Grèce et dans les autres pays « périphériques » étant compensé par une expansion en Allemagne. Mais les statistiques de mercredi ont souligné le fait que la crise s'est définitivement étendue dans les principales économies de la région : l'Espagne, la France, l'Allemagne et l'Italie.
L'économie française est officiellement entrée en récession après avoir affiché sa deuxième contraction trimestrielle de suite, se réduisant de 0,2 pour cent dans les trois premiers mois de l'année. L'agence des statistiques nationales françaises a noté que le pouvoir d'achat des consommateurs est tombé de 0,9 pour cent l'année dernière, la pire chute en trente ans, ajoutant que la production était au « point mort » et que l'investissement se « replie ».
L'économie allemande, représentant un tiers de la production de la zone euro, a échappé de justesse à une contraction économique au cours du premier trimestre, après avoir baissé de 0,7 pour cent au dernier trimestre de 2012.
Ce ralentissement économique, couplé avec des licenciements massifs de travailleurs du secteur public sur tout le continent, a entraîné une vaste expansion du chômage. Au début du mois, Eurostat a déclaré que le chômage dans la zone euro a atteint un nouveau record en mars, augmentant pour le 23e mois consécutif. Le taux de chômage officiel dans la zone euro a atteint 12,1 pour cent, soit jusque 1,1 point de pourcentage en plus comparé à l'année passée.
À compter de l'année passée, le nombre de personnes au chômage dans la zone euro a augmenté de 1,72 million, atteignant 19,21 millions. La Grèce, l'Espagne et le Portugal ont des taux de chômage semblables à ceux de la dépression des années 1930, avec 27 pour cent de la population de la Grèce officiellement au chômage, suivie par l'Espagne à 26,7 pour cent et le Portugal à 17,5 pour cent.
La semaine dernière, le service des statistiques grec a fait savoir que le taux de chômage des jeunes du pays avait atteint un vertigineux 64,5 pour cent, soit près des deux tiers de toute la population des jeunes. Cela représente une augmentation par rapport aux 54,1 pour cent de mars 2012.
Ces statistiques économiques européennes désastreuses se sont ajoutées à l'annonce de licenciements massifs supplémentaires sur tout le continent. ThyssenKrupp, conglomérat allemand d'industries lourdes a annoncé des plans de licenciement pour 3 000 de ses 15 000 employés administratifs sur les trois prochaines années. Cela vient s'ajouter à l'annonce au début de l'année de la suppression de 2 000 emplois par la division sidérurgique européenne de ThyssenKrupp.
Au même moment, la banque britannique HSBC a annoncé des projets de supprimer jusqu'à 14 000 emplois au cours des trois prochaines années. Cela réduirait le nombre total de ses employés à 240 000 pour 2016. En avril, la banque a déclaré qu'elle supprimerait plus de mille emplois dans ses branches britanniques, en plus des 30 000 suppressions d'emplois annoncées en 2011.
Les indices boursiers ont monté sur toute la planète en dépit de ces sombres nouvelles. Le S&P 500 américain a fini la journée en hausse d'un demi pour cent, établissant un nouveau record pour le quatrième jour de suite. Le FTSE 250 britannique a augmenté de 0,68 pour cent, pendant que le FTSE Eurofirst 300 européen a fait une pointe en hausse de 0,73 pour cent.
Le Nikkei 225 japonais a augmenté de 2,29 pour cent, se trouvant au-dessus des 15 000 points pour la première fois depuis cinq ans, grâce à la dévaluation du yen et à l'augmentation énorme des impressions de monnaie par la Banque centrale japonaise annoncée le mois dernier.
La grande augmentation des cours boursiers est financée par les impressions de monnaie dans des proportions sans précédent de la part des banques centrales du monde entier, emmenée par la Réserve fédérale américaine, qui, en plus de sa politique de taux d'intérêt proches de zéro, injecte 85 milliards de dollars par mois dans le système financier mondial via son programme dit « QE3 ».
Au début du mois, la Banque centrale européenne a fait un pas important en direction de la Réserve fédérale en réduisant son taux directeur de 0,25 point de pourcentage, le faisant passer à 0,5 pour cent.
Ce vaste afflux d'argent frais vers les banques va de pair avec les exigences renouvelées de la part du monde politique pour des coupes encore plus drastiques dans les services sociaux et le salaire des travailleurs. Jacques Attali, ex-conseiller du président François Mitterrand, a déclaré au journal économique Les Échos en réponse aux statistiques de mercredi, à propos du programme de restructuration du président Hollande qu'il « aurait fallu aller plus vite », ajoutant que « La présidence, c'est comme du ciment à prise rapide : plus on attend et plus il est difficile d'agir. […] Il doit accélérer le tempo. »
(Article original paru le 16 mai 2013)