Une réunion des secrétaires des syndicats locaux des professeurs du secondaire grecs, OLME, a porté jeudi 16 mai le coup fatal en sabordant une série de grèves prévues durant le déroulement des examens panhelléniques d’entrée à l’enseignement supérieur.
La bureaucratie syndicale a, ce faisant, asséné un rude coup à l’ensemble de la classe ouvrière et renforcé le gouvernement et les forces d’Etat au moment où ils imposent des mesures d’austérité encore plus brutales. Les partenaires d’OLME dans ce crime comprennent les principales associations syndicales et le parti d’opposition de pseudo-gauche, SYRIZA [qui entretient des relations fraternelles avec le Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon en France et le parti Die Linke d’Oskar Lafontaine en Allemagne].
Les enseignants grecs avaient voté à plusieurs reprises et à une majorité écrasante (avec plus de 90 pour cent en faveur) pour s’opposer à un allongement de deux heures du temps de travail et à des réaffectations d’office dans d’autres établissements du secondaire en déclenchant un mouvement de grève le 17 mai. La position des enseignants avait été décidée en opposition aux projets de démantèlement du système d’éducation publique par la fermeture d’écoles et d’universités et la perte de 10.000 postes d’enseignants. Tout ceci fait partie d’un plan plus vaste d’éliminer 150.000 emplois dans la fonction publique.
Le gouvernement avait réagi en émettant des ordres de réquisition contre plus de 88.000 enseignants. Depuis que l’imposition des mesures d’austérité a débuté en Grèce en 2008, ces ordres sont utilisés de plus en plus fréquemment pour interdire une grève, et ce au mépris de la constitution même de la Grèce qui stipule qu’un travail ne doit jamais être imposé. L’ordre de réquisition impose une discipline militaire aux travailleurs, pour soi-disant « garantir la défense nationale en temps de guerre et pour faire face à des urgences, » avec la menace de licenciements de masse, d’arrestations et de peines de prison.
C’est la troisième fois qu’un tel ordre a été utilisé cette année contre les travailleurs. Il a servi en janvier à briser la grève des travailleurs du métro d’Athènes et il a ensuite été élargi pour être utilisé contre 2.500 cheminots et employés des bus et des tramways qui avaient débrayé en solidarité.
L'action du gouvernement contre les enseignants a engendré une résistance déterminée. Des associations syndicales locales d'enseignants ont voté contre les ordres de réquisition et en faveur de la grève et des ordres de mobilisation civile ont été brûlés en masse. Lors d’une manifestation forte de plusieurs milliers de personnes à Athènes l’on a vu des enseignants porter des treillis militaires pour signifier qu'on revenait à des conditions associées à la période de la junte militaire de 1967 à 1974.
Publiquement, l’attitude des dirigeants d’OLME a été de rechercher l’aide des principales fédérations syndicales en vue d’une grève. Mais, ceci était une mise en scène politique de la part d’OLME qui n’a jamais voulu que la grève ait lieu. Son président Nikos Papachristos, partisan du parti Nouvelle Démocratie, avait déjà déclaré que si des ordres de mobilisation civile étaient imposés, et il savait que ce serait le cas, « nous retournerons à l’école la tête haute. »
Un appel de pure forme à une grève générale de 48 heures jeudi et vendredi, coïncidant avec les examens, a été faite à la fédération syndicale des travailleurs du secteur public (ADEDY). Elle a été rejetée. ADEDY a déclaré être contre la perturbation des examens – comme si c’était le problème dans une situation où le gouvernement menaçait de procéder à des arrestations et à des licenciements de masse. Le syndicat a proposé à la place un débrayage de quatre heures jeudi aux côtés de la fédération syndicales du secteur privé GSEE.
Mardi, une grève de 24 heures ne s’est pas concrétisée et seulement un petit nombre d’établissements scolaires et d’hôpitaux ont fermé. Une manifestation organisée par ADEDY le soir même a attiré moins de 300 personnes et l’on a vu les enseignants qualifier le dirigeant d’ADEDY, Antonis Antonakos, de briseur de grève.
Des conférences régionales d’OLME tenues le même soir se sont prononcées massivement, à 95 pour cent des voix, en faveur d’un mouvement de grève. Entre-temps, les dirigeants d’ADEDY étaient engagés dans des négociations avec Nouvelle Démocratie quant à la manière de déjouer la grève prévue.
Mercredi, après avoir rencontré les principaux partis au pouvoir, Nouvelle Démocratie et PASOK, Papachristos d'OLME a annoncé qu’il annulerait la grève si le gouvernement retirait les ordres de mobilisation civile.
Et même cette réserve-là a été abandonnée. Jeudi, lors d’une réunion de douze heures des secrétaires des syndicaux locaux d’OLME et des syndicats de base des enseignants du secondaire (ELME), Papachristos a demandé aux bureaucrates rassemblés de voter pour savoir s’ils pensaient qu’il y avait suffisamment de soutien pour une grève. Seuls 18 ont voté pour dire que les conditions pour une grève étaient réunies, neuf ont voté contre et 57 ont voté blanc. La grève a officiellement été annulée.
Tout au long des événements qui ont précédé cette trahison, SYRIZA a joué un rôle politique clé pour éviter toute confrontation avec le gouvernement. Papachristos a eu des négociations avec le dirigeant de SYRIZA, Alexis Tsipras, qui est à l’origine de la proposition d’abandonner la grève à la seule condition du retrait des ordres de mobilisation.
Tsipras a mis en garde l’élite dirigeante que son recours aux pouvoirs dictatoriaux risquait de provoquer une opposition de masse au sein de la classe ouvrière. « Des états d’urgence permanents ne suffisent pas à établir l’ordre public mais plutôt son effondrement, » a-t-il dit, proposant ses services et ceux de ses alliés au sein des syndicats pour éviter ce genre de situation.
Lundi, dans un discours à l’adresse de la fédération patronale grecque SEV (Hellenic Federation of Enterprises), il a appelé à une collaboration entre les employeurs et les syndicats dans l’élaboration d’une nouvelle convention collective générale du travail comme étant la seule base pour le sauvetage de la Grèce. Le président de la SEV, Dimitris Daskalopoulos, a répondu que « la radicalité de SYRIZA est utile et appréciée, » étant donné que la Grèce avait besoin de solutions radicales.
Ce qui s’est passé la semaine passée est un avertissement aux travailleurs dans le monde entier de l’impossibilité de mener une quelconque lutte efficace contre les coupes sociales, les fermetures, les pertes d’emplois et les accélérations des cadences de travail sous la direction des dirigeants syndicaux et des partis de pseudo-gauche qui sont tout aussi pourris dans leur propre pays.
Le rôle de la GSEE, d’ADEDY et d’OLME est joué par le DGB et ses syndicats annexes en Allemagne, le TUC en Grande-Bretagne, UGT et les CC.OO en Espagne, et l’AFL-CIO aux Etats-Unis – des sigles différents mais la même série ininterrompue de trahisons. Quant aux groupes de pseudo-gauche partout dans le monde, SYRIZA est leur principal modèle et leur inspiration politique. Ils considèrent son succès électoral et celui du parti La Gauche (Die Linke) en Allemagne – qu’ils ont remporté en tenant des discours anti-austérité tout en soutenant une politique pro-capitaliste – comme la preuve qu’eux aussi sont à même d’ambitionner des postes sûrs au sein de l’appareil de l’Etat en tant que serviteurs politiques de la bourgeoisie.
La répression continue de la classe ouvrière par ces forces petites bourgeoises qui ne se préoccupent que de leur intérêt pose de graves dangers.
Partout en Europe, la classe dirigeante est en train de se tourner de plus en plus ouvertement vers des formes de gouvernement autoritaire comme c’était le cas dernièrement avec le « lockout », grève décidée par les patrons, imposé par le gouvernement danois à 70.000 enseignants. La classe ouvrière est, à présent, impliquée dans une lutte politique contre l’Etat et le système capitaliste qu’il défend. S’opposer à la classe dirigeante veut donc dire rompre avec les syndicats et leurs alliés au sein des groupes de pseudo-gauche pour construite une nouvelle direction socialiste. Cela signifie développer un mouvement politique et social de masse pour mettre un terme aux gouvernements capitalistes en Europe et former des gouvernements ouvriers au sein des Etats socialistes unis d’Europe.
(Article original paru le 18 mai 2013)