Avec les chiffres du chômage atteignant des sommets historiques en Espagne et en France, le président français François Hollande du Parti socialiste (PS) signale vouloir continuer à soutenir la politique d’austérité en France et de par l’Europe.
Au total 26 millions de travailleurs européens sont sans emploi, dont six millions en Espagne et trois millions en France. Avec de vastes sections de l’économie européenne en chute libre et la cote de popularité de Hollande ayant dégringolé à 26 pour cent, la classe dirigeante montre qu’elle est attachée à sa politique d’austérité et insensible à l’opposition populaire.
Samedi 27 avril, des conseillers anonymes de Hollande ont dit au journal économique français, Les Echos : « Ceux qui disent qu’il faut tout arrêter, arrêter l’effort budgétaire, tout relâcher, ce sont des gens qui ne proposent rien si ce n’est de pouvoir faire une victoire politique de court terme. On ne va pas d’un seul coup renverser la table en disant qu’il n’y a plus de contraintes. C’est plus subtil que ça, il y a une contrainte mais qu’il faut adapter, c’est ça la réorientation, c’est [sic] pas changer de modèle. »
Ce « modèle » a produit un effondrement économique qui est historiquement sans précédent depuis le précédent échec de taille du capitalisme mondial, la Grande dépression qui avait mené à la Deuxième Guerre mondiale. En Grèce, au Portugal et en Espagne, l’économie s’est contractée respectivement de plus de 20 pour cent, 7 pour cent et 6 pour cent depuis 2008 tandis que le chômage des jeunes a atteint 59 pour cent, 38 pour cent et 57 pour cent. Selon un récent rapport de la banque centrale, le revenu disponible a chuté de 9,5 pour cent en Italie depuis 2007 et la production industrielle a baissé d’un quart.
Néanmoins, les conseillers soulignent que Hollande continue à soutenir la politique d’austérité de l’Union européenne (UE) qui, sous la direction de l’Allemagne, est imposée aux pays d’Europe méridionale. Les conseillers ont dit, « La France dans ce concert européen a le choix entre deux rôle : être l’allié constructif de l’Allemagne [ou] être les ambassadeurs des pays du Sud. Le deuxième rôle ne mène pas loin. »
Le soutien accordé par la bourgeoisie française et d'autres bourgeoisies européennes à la politique d’austérité de l’UE et conduite à partir de Berlin fait partie de leur décision d’attaquer la classe ouvrière.
Hollande a fait remarquer que tant que les coupes budgétaires se poursuivraient, le PS s’opposerait à tout effort de participation des entreprises aux coûts, faisant ainsi endosser le plein fardeau de la crise à la classe ouvrière. Hier, le gouvernement Hollande a annoncé vouloir réduire considérablement l’impôt sur les gains en capital, invalidant ainsi une augmentation approuvée pour financer une partie du plan de réduction du déficit de l’année dernière de 30 milliards d’euros.
La ministre déléguée aux PME, Fleur Pellerin, a dit qu’en gros il fallait donner un signal fort selon lequel la France est une bonne place pour investir et qu’elle était favorable aux entreprises.
La position ouvertement pro-patronale des gouvernements bourgeois de « gauche » est une nette expression des implications révolutionnaires de la crise qui secoue le capitalisme européen et mondial. Redevables aux intérêts financiers prédateurs, ces gouvernements et leurs partisans au sein de la bureaucratie syndicale ainsi que la pseudo-gauche petite bourgeoise défendent de façon arrogante la politique communautaire en faillite qui n’est conçue que pour enrichir les élites financières parasitaires. Ceci signifie que l’unique opposition efficace n’émergera qu’en dehors de l’ensemble de l’establishment politique et contre celui-ci.
Dans certaines sections de la presse européenne, des comparaisons sont ouvertement faites entre la situation actuelle en Europe et celle qui existait en Egypte avant le déclenchement des luttes révolutionnaires de masse qui ont renversé le président Hosni Moubarak en 2011.
Dans une interview accordée au Süddeutsche Zeitung au sujet du chômage en Europe du Sud, le sociologue Günter Voss a remarqué : « Il n’y a toutefois pas de niveau de chômage défini au-delà duquel la situation devient dangereuse. Une société peut exister très longtemps avec une inégalité sociale extrême et des structures autoritaires. Et puis, tout à coup il y a une détonation et quelque chose se passe. C’est ce qui a eu lieu dernièrement en Afrique du Nord. »
L’éruption des luttes révolutionnaires de la classe ouvrière à travers l’Europe et dont le but ultime ne peut être que de prendre le pouvoir et d'arracher le contrôle de la vie économique des mains de l’aristocratie financière est posé en tant qu’unique moyen pratique pour aller de l’avant pour la classe ouvrière. Ces luttes seraient dirigées contre des forces tel le gouvernement Hollande et ses partisans au sein des partis pseudo-gauches.
Jean-Luc Mélenchon – le dirigeant du Front de Gauche, coalition formée entre le Parti communiste français (PCF) stalinien, le Parti de Gauche (PG, une scission du PS) et des scissions du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) – a déjà fait connaître son hostilité à l’égard de telles luttes. En appelant à un « rapport de force tranquille » avec les partisans de l’austérité à Berlin, Mélenchon a dit, « Je crains que le clash n’ait pas lieu entre gens raisonnables mais qu’il parte d’en bas, auquel cas tout serait perdu. »
Mélenchon parle en tant que véritable représentant de la pseudo-gauche petite bourgeoise réactionnaire qui voit dans toute initiative politique indépendante des masses laborieuses une cause d’inquiétude et d'effroi. Ces forces insistent au contraire pour que la vie politique demeure sous la mainmise étouffante des soi-disant « gens raisonnables » de la « gauche » bourgeoise et de la bureaucratie syndicale qui ont négocié la politique d’austérité qui est en train de dévaster l’économie en France et partout en Europe.
Mélenchon a proposé de devenir premier ministre, si Hollande décidait de remanier son gouvernement dans l’espoir d’enrayer son effondrement dans les sondages. Ceci témoigne de sa compréhension de son rôle de constituer la dernière ligne de défense pour un régime d’austérité capitaliste.
Entre-temps, le PS est en train d’imploser en factions belligérantes au sujet de l’austérité pendant que le parti continue de chuter dans les sondages. Des sections du PS tentent de dissimuler la politique anti-ouvrière du parti derrière une campagne chauvine rejetant sur l’Allemagne la responsabilité de la politique d’austérité. Elles comptent sur l’impopularité considérable de la chancelière allemande Angela Merkel. D’autres responsables du PS défendent ouvertement l’austérité.
Une polémique a éclaté à la fin de la semaine passée lorsqu’un projet de document du PS sur la politique européenne a été divulgué. Ce document qualifiait Merkel de « chancelière de l’austérité » caractérisée par une « intransigeance égoïste. »
Le président de l’Assemblée nationale, Claude Bartolone, a accordé une longue interview au journal Le Monde, appelant à la « confrontation » avec l’Allemagne. En signalant le risque d’une déroute du PS lors des prochaines élections municipales et européennes, il a dit, « Il faut dire maintenant comment nous pouvons améliorer le pouvoir d’achat sans déséquilibrer les comptes publics. »
Ceci revient à proposer la quadrature du cercle dans une situation où Hollande est en train de réduire drastiquement les dépenses afin d’équilibrer le budget et de protéger la richesse des ultra-riches.
Le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, et le ministre du Travail et de l’emploi, Michel Sapin, sont rapidement intervenus pour sauvegarder l’alignement politique avec Merkel. Alors que Valls dénonçait les propos de Bartolone comme étant « démagogiques et nocifs », Sapin appelait à un accord avec le gouvernement allemand pour que « toute l’Europe retrouve de la croissance et que toute l’Europe remette de l’ordre dans ses finances. »
(Article original paru le 30 avril 2013)