Cinq ans après l'effondrement financier de 2008, la spéculation et la fraude qui ont causé le crash ont fait un retour en force aux États-Unis. Conséquence des 85 milliards de dollars imprimés et livrés aux banques chaque mois par la Réserve fédérale, les affaires sont en plein boom au casino de Wall Street. Les valeurs des actions atteignent des niveaux record comme les profits des banques, dans un contexte de salaires en déclins et de pauvreté massive.
Dans ces conditions, les banques ont poussé à ce que soient levées les restrictions pourtant très modestes qui pèsent sur la spéculation financière, tout en élargissant le domaine d'applicabilité des lois sur le renflouage public. Le but est simple: donner aux banques une capacité maximale à spéculer sans contraintes, tout en obtenant un maximum d'aides de l'État si, et quand, la bulle éclatera.
L'emprise des banquiers sur le gouvernement est tellement ferme qu'ils ne se contentent plus de laisser leurs politiciens vendus écrire les lois, ils ont commencé à les écrire eux-mêmes.
Ce fut le cas pour un projet de loi qui est passé devant la Commission aux services financiers de la chambre des députés ce mois-ci, le projet HR 992, qui étend significativement le nombre d'institutions financières pouvant être couvertes par la Federal Deposit Insurance Corporation [FDIC – créée au départ pour garantir les dépôts des particuliers, elle garantit les dettes des banques depuis 2008, ndt]. La loi qui est passée avec le soutien des démocrates et des républicains modifie une loi précédente empêchant les institutions financières qui font le commerce des «swaps» (un ensemble de produits dérivés dangereux et largement déréglementés) d’être couverts par le FDIC.
Le New York Times a fait savoir vendredi que, d'après des e-mails examinés par le journal, 70 des 85 lignes du projet étaient tirées de recommandations faites par Citigroup, l'une des plus grandes banques américaines. Deux paragraphes ont été insérés pratiquement mot à mot depuis un email envoyé par la banque aux législateurs.
Cette loi restreint les dispositions de la loi Dodd-Frank de réforme de Wall Street et de protection des consommateurs signée le 21 juillet 2010. Celle-ci était déjà en grande partie un geste de publicité du gouvernement Obama, qui tentait de donner l'impression de s'en prendre à la spéculation financière tout en autorisant en réalité les banques à poursuivre leurs habitudes.
Au lieu d'imposer des règles, la loi Dodd-Franck n'a fait qu'imposer qu'une série de règles soient appliquées plus tard par les autorités de régulation. Près de trois ans après le passage de cette loi, la grande majorité de ces règles n'a pas été créée.
Sur les 135 dispositions de régulation des banques imposées par la loi Dodd-Franck, seules 40 ont été effectivement appliquées. La disposition la plus mise en avant à l'époque, qui exigeait la création d'une «règle Volcker» qui aurait empêché les institutions d'épargne de se livrer à la spéculation financière, reste lettre morte.
De plus, un grand nombre de ces dispositions, pourtant peu menaçantes, ont été encore réduites par les décisions suivantes du Congrès, comme la HR 992 précitée.
Même les dispositions qui ont été appliquées ont été affaiblies par la suite par les autorités de régulation à la demande des banques. La semaine dernière, la Commodity Futures Trading Commission [qui régule les bourses de commerce pour les matières premières, ndt], a voté l'application de règles sur les produits dérivés – des produits financiers spéculatifs dont la valeur dépend d'autres produits – qui sont significativement plus faibles que celles qui sont proposées par la loi Dodd-Franck.
Cette commission avait initialement proposé que les acheteurs de produits dérivés doivent contacter cinq banques avant d'établir le prix d'un contrat. Avec les nouvelles réglementations, les acheteurs n'ont qu'à contacter deux banques, ce qui renforce le monopole d'une poignée d'institutions qui dominent ce marché largement dérégulé des produits dérivés, lequel représente plusieurs milliers de milliards de dollars.
Ce projet proposait au départ que les produits dérivés soient échangés de manière électronique comme les actions, pour que les acheteurs puissent avoir une meilleure compréhension des prix sur l'ensemble du marché, ce qui aurait rendu la surévaluation des prix plus difficile. Mais les règles finalement adoptées permettent à la plupart des échanges de dérivés d'avoir lieu par téléphone, ce qui rend le marché pratiquement impossible à réguler.
En dépit d'une montagne de preuves – dont un volumineux rapport de 2011 de la sous-commission permanente du Sénat sur les enquêtes – indiquant que le crash financier de 2008 était directement lié aux infractions constantes de Wall Street, pas un seul responsable d'une grande banque n'a été poursuivi en justice, sans parler d'aller en prison.
Les géants de Wall Street émergent de la crise financière plus grands et plus puissants que jamais, et, comme le montrent les enquêtes du gouvernement sur les pertes de 6 milliards de dollars de JPMorgan l'an dernier, leurs activités ne sont que spéculatives et parasitaires, comme avant le crash.
Ces facteurs, combinés avec la vaste quantité d'argent frais injecté dans les marchés financiers par les banques centrales rendent un nouveau crash financier quasi inévitable.
Dans tout cela, le rôle du gouvernement a été de couvrir et de faciliter les crimes des banques, cherchant à créer une apparence de régulation tout en permettant à Wall Street d'agir en toute impunité.
La principale connexion entre les banques et le gouvernement, c'est le gouvernement Obama lui-même, qui, avec chaque nouvelle nomination, devient encore plus un gouvernement de, par, et pour l'oligarchie financière.
En janvier, Obama a nommé au poste de ministre du trésor, Jacob Lew, qui a gagné des millions de dollars en tant que directeur de l'unité d'investissements alternatifs de Citigroup, qui pariait contre le marché de l'immobilier pendant que celui-ci s'effondrait.
Ce mois-ci, Obama a nommé Penny Pritzker, l'héritière d'une chaîne d'hôtels et une opératrice d'un fonds d'investissement, comme secrétaire d’État au Commerce. Avec un capital net de 1,85 milliard de dollars, Pritzker est la personne la plus riche de l'histoire des États-Unis à être membre du gouvernement.
Ces développements démontrent l'impossibilité de maîtriser les criminels financiers dans le cadre très limité du système politique actuel. Le gouvernement et les deux grands partis ne sont qu'à peine plus que des valets des banquiers, lesquels exercent une dictature sur la vie politique des États-Unis.
(Article original paru le 25 mai 2013)