Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne insistent sur une intervention militaire en Syrie

Le président du Conseil des chefs d’état-major interarmés américain, le général Martin Dempsey, a dit que le gouvernement Obama envisage activement le recours à la force militaire en Syrie.

Dempsey a dit jeudi qu’il avait présenté un choix d’options au président Barack Obama pour des frappes militaires contre la Syrie. En réponse à des questions hostiles posées par le sénateur républicain John McCarin, fervent défenseur d’une intervention militaire américaine, il a dit que le recours à des frappes « cinétiques » – c’est-à-dire des missiles et des bombes – était « débattu au sein de nos agences gouvernementales. »

Il a dit que si ce n’était pas le cas, le président Bachar al-Assad serait encore au pouvoir dans un an parce qu’« [A]ctuellement le vent semble avoir tourné en sa faveur. » Compte tenu de ce que Washington a investi dans la destitution d’Assad, c’est une forte indication que les Etats-Unis décideront d’une intervention militaire dans un avenir proche.

Le sénateur Carl Levin a même demandé à Dempsey de fournir une liste non classifiée d’options aux sénateurs d’ici la semaine prochaine. Le même jour, il a été annoncé que le commandement militaire de l’Armée syrienne libre (ASL), le général Salim Idriss, se rendrait aux Etats-Unis la semaine prochaine pour des rencontres aux Nations unies et probablement à la Maison Blanche.

S’adressant également au Sénat, Samantha Power, qui a été nommée par Obama au poste d’ambassadrice à l’ONU, a qualifié « l’échec du Conseil de sécurité de l’ONU à réagir au massacre en Syrie » de « honte que l’histoire jugera sévèrement. »

Elle a mis en garde contre le fait de trop insister sur la nécessité de briser l’alliance de la Russie et de la Chine avec Assad, en indiquant que Washington envisageait une action sans l’autorisation de l’ONU.

Dempsey s'est exprimé après que le chef d’état-major de l’armée britannique, qui part à la retraite, le général Sir David Richards, eut accordé un entretien au Daily Telegraph et au journal The Sun de Rupert Murdoch, indiquant qu’une intervention conjointe avec les Etats-Unis était vivement débattue. Richards a dit « il y a beaucoup de réticence à voir des soldats occidentaux sur le terrain dans un endroit comme la Syrie, » et qu’une zone d’exclusion aérienne « est insuffisante… Il faut être en mesure de toucher des cibles au sol, comme nous avions réussi à le faire en Libye. »

Il a déclaré au Sun que le Royaume-Uni « serait tenu d'agir » si le régime d'Assad tombait, afin d’arrêter la prolifération des armes chimiques aux insurgés islamistes. « Le risque de terrorisme est en train de devenir de plus en plus dominant dans notre vision stratégique de ce que nous pourrions faire en Syrie, » a-t-il dit. « Si ce risque persiste, il est à peu près certain que nous devrons agir pour l’atténuer et nous sommes prêts à le faire... Certains pourraient caractériser cela de guerre, même si ce n’est que pour une période limitée. »

Des partisans de la guerre de tous les milieux politiques, de Power à McCain, invoquent la catastrophe humanitaire en Syrie afin de fournir un soi-disant impératif moral.

Les médias regorgeaient cette semaine de descriptions à vous donner froid dans le dos de la situation en Syrie, émanant de l’ONU ou de groupes favorables à l’opposition. Le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Antonio Guterres, a dit au Conseil de sécurité que le conflit syrien avait causé la pire crise de réfugiés depuis 20 ans, avec 6.000 personnes fuyant chaque jour le pays. De plus, 5.000 personnes sont tuées tous les mois, ce qui porte le nombre de morts à plus de 93.000 et celui des réfugiés à plus de cinq millions.

Leila Zerrougui, représentante de l’ONU pour les enfants et les conflits armés, a visité des camps de réfugiés et a parlé de « violations graves des droits humains, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité » en Syrie comme « étant la règle ». Elle a dit que le conflit est en train de produire « une génération d’enfants qui ont perdu leur enfance, sont pétris de haine et sont analphabètes. »

Les médias ont scrupuleusement rendu compte de la visite du secrétaire d’Etat américain John Kerry dans un camp de réfugiés en Jordanie. Un appel minutieusement chorégraphié a été lancé par six réfugiés, des partisans de l’opposition, en faveur de l’établissement immédiat d’une zone d’exclusion aérienne et de zones tampon.

« Où est la communauté internationale? Qu’attendez-vous pour agir ? » a demandé une femme anonyme.

Il s'agit là de propagande abjecte. La dévastation de la Syrie, la crise des réfugiés, la liste croissante des victimes et la descente dans la guerre sectaire, relèvent totalement de la responsabilité des puissances impérialistes.

Après la chute de Zine el-Abedine Ben Ali en Tunisie et d’Hosni Moubarak en Egypte, les Etats-Unis ont décidé de dicter les événements, d’abord en Libye et maintenant en Syrie, par la seule force des armes et au moyen de diverses forces intermédiaires dociles.

Le régime baassiste d’al-Assad est fondamentalement réactionnaire, mais le mouvement d’opposition qui s’est développé contre lui est entièrement l’œuvre des Etats-Unis. Il est composé d’une alliance d’agents de la CIA, d’anciennes figures du régime et d’islamistes chargés de mettre en place un régime pro-occidental afin de garantir que les richesses pétrolières du Moyen-Orient continuent d’affluer dans les coffres des multinationales et des banques basées aux Etats-Unis.

Ce faisant, des crimes sectaires brutaux sont commis et qui menacent de plonger l’ensemble de la région dans une lutte communautariste sanglante. Rien que cette semaine, la BBC a rapporté comment la minorité chrétienne syrienne a été la cible de djihadistes. Des tirs d’obus sont aussi tombés près d’un important sanctuaire chiite de Sayyida Zeinab, petite-fille du prophète Muhammad, à l’extérieur de Damas ; maintenant que le conflit syrien s’est propagé au Liban, cet endroit est devenu un lieu de rassemblement des combattants du Hezbollah qui soutiennent Assad.

L’argument qui circule actuellement au sein des milieux dirigeants aux Etats-Unis et en Europe tourne autour de la question de savoir si la Syrie doit être saignée à blanc par une campagne de déstabilisation financée par les Etats du Golfe et la Turquie ou si la politique syrienne doit être modelée plus directement sur la guerre en Libye, qui avait abouti à l’éviction et à l’assassinat du colonel Mouammar Kadhafi.

Cette campagne jouit de la couverture politique de tendances de pseudo-gauche telles l’International Socialist Organisation (ISO) aux Etats-Unis, le Socialist Workers Party (SWP) en Grande-Bretagne et le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) en France qui s’alignent pour acclamer les supposées « forces révolutionnaires » représentées par l’opposition syrienne.

S’exprimant le week-end dernier à Londres, le représentant politique du SWP en Syrie, Ghayath Naïssé, a soutenu l’armement de l’opposition par Washington en déclarant : « Nous voulons armer le peuple, » mais « sans imposer de conditions ».

Simon Assaf du SWP a été encore plus cynique en déclarant : « Nous soutenons le soulèvement du peuple. Il faut lui donner des armes, » tout en ajoutant : « Il n’existe pas de petite fée des armes. »

Le renversement d’Assad par les puissances impérialistes et leurs larbins serait une étape sanglante vers la consolidation de l’hégémonie américaine au Moyen-Orient et vers une guerre contre l’Iran. Cela intensifierait le conflit avec la Russie et la Chine, et entraînerait le danger d’une guerre à échelle mondiale encore bien plus sanglante.

La tâche pour venir à bout d’Assad et de tous les régimes corrompus de la région, en Egypte, en Arabie saoudite, en Turquie et en Israël aussi, est du ressort de la classe ouvrière. Cette tâche requiert une lutte unifiée contre l’impérialisme, contre tous les représentants régionaux du capitalisme et de leur régime, une lutte pour le socialisme. La responsabilité politique des travailleurs aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, en Europe et internationalement est de se mobiliser en une lutte commune contre le danger d’une guerre impérialiste en Syrie.

(Article original paru le 20 juillet 2013)

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