Le 22 mai, Ibragim Todashev, un témoin clé dans les événements entourant les attentats à la bombe du marathon de Boston, a été assassiné par un agent du FBI à sa résidence en Floride. Todashev, une présumée connaissance de Dzhokhar et Tamerlan Tsarnaev, les suspects dans l’attentat, n’était pas armé et en garde à vue lorsqu’il a été abattu de sept coups de feu, dont un à la tête.
Cet événement extraordinaire, dont les quelques reportages ont été enfouis dans les médias américains, a toutes les apparences de dissimulation, de tromperie et de criminalité. Quatre ou cinq explications complètement différentes du meurtre ont été présentées par le gouvernement en l’espace d’une semaine. Aucune de ces explications n’est crédible.
L’assassinat de Todashev a eu lieu un peu plus d’un mois après l’explosion des deux bombes – qui avait fait 3 morts et 264 blessés – à proximité de la ligne d’arrivée du marathon de Boston. Très rapidement, on a dit à la population que les responsables avaient été identifiés. Peu de temps après, Tamerlan, 26 ans, a été abattu par les policiers. Son frère Dzhokhar, 19 ans, fut grièvement blessé alors qu’il se cachait, sans arme, dans un bateau remisé.
Dans les jours qui ont suivi l’attentat, la loi martiale fut essentiellement imposée dans la ville de Boston. Dans une opération sans précédent de la police et de l’armée, la population reçut l’ordre de «rester à l’abri» pendant que des véhicules blindés étaient déployés dans les rues et que des équipes SWAT lourdement armées faisaient des perquisitions dans les résidences sans le moindre respect pour les droits fondamentaux.
À la suite des événements de Boston, on apprit que l’aîné des Tsarnaev – comme presque tous ceux qui ont commis ou tenté de commettre un tel acte – était connu depuis longtemps des services du renseignement et avait possiblement établi des liens avec eux. Des avertissements précis avaient été émis par la Russie et ces avertissements avaient été ignorés. On apprit aussi qu’un proche collaborateur de Tamerlan et deux autres personnes avaient été tués au moment du dixième anniversaire des attentats du 11 septembre 2011, un an et demi avant les attentats de Boston.
C’est dans ces conditions qu’une personne qui connaissait les frères Tsarnaev et qui pouvait détenir des renseignements précieux vivait en Floride. Mais avant même que ce témoin clé put être publiquement interrogé, et avant qu’une quelconque accusation ne soit portée contre lui, il fut abattu par un agent du FBI dans des circonstances extrêmement douteuses.
Le jour de la mort de Todashev, en l’absence de tout avocat et, on présume, ses droits «Miranda» bafoués, au moins quatre agents des services fédéraux et régionaux ont passé huit heures avec lui dans sa résidence pour supposément lui faire avouer qu’il était responsable des meurtres commis avant le marathon de Boston.
Avant cet interrogatoire, Todashev avait confié à son colocataire, qui a lui aussi été interrogé, qu’il craignait pour sa vie.
Le père de Todashev a récemment déclaré lors d’une conférence de presse à Moscou que les photos provenant de la morgue prouvaient que certains coups de feu devaient avoir été tirés pendant que son fils était étendu au sol, le tireur au-dessus de lui. Le père a décrit en russe le tir à la tête comme un «tir d’assurance», c’est-à-dire un tir à bout portant pour garantir que la victime est bien morte; une pratique digne de la mafia.
À la suite de l’incident, plusieurs explications officielles contradictoires des moments précédant la mort de Todashev ont été communiquées et répétées scrupuleusement par les médias américains.
D’abord, l’Associated Press a rapporté que «les responsables des forces de l’ordre disent que l’on a tiré sur [Todashev]… après qu’il s’est jeté avec un couteau sur un agent du FBI». Selon l’article, les blessures qu’avait subies l’agent n’étaient «pas mortelles». Cependant, il fut par la suite admis qu’il n’y avait pas de couteau sur la scène du crime.
Personne n’a tenté d’expliquer pourquoi les responsables ont affirmé qu’un couteau avait été utilisé même s’il n’y en avait pas. Au contraire, une série de nouvelles explications, toutes plus incroyables les unes que les autres, fut offerte. Dans une version fournie par un réseau de télé d’Orlando, Todashev aurait tenté d’agripper le revolver de l’agent. Dans une autre, celle d’ABC News, Todashev aurait essayé de s’emparer d’une «épée de samouraï» qui avait été apparemment laissée à proximité.
Selon l’explication fournie par un groupe associé à Fox News, Todashev se serait effectivement emparé de l’épée de samouraï (pas une véritable épée, mais plutôt un objet décoratif) pour ensuite attaquer l’agent.
Dans la dernière version, celle du New York Times, Todashev aurait attaqué l’agent du FBI avec une «barre de métal» qui «aurait pu être [?] un balai».
L’explication où la personne «s’empare d’une arme» est une pratique bien connue dans les «enquêtes» policières qui tentent de justifier l’assassinat d’une personne non armée.
D’autres déclarations demeurent inexpliquées et contradictoires. Le Washington Post a rapporté le 29 mai que, pour une raison inconnue, tout juste avant le meurtre, tous les autres interrogateurs ont laissé l’agent du FBI seul dans la pièce avec Todashev.
Dans l’article du New York Times paru le lendemain, on lit qu’il y avait un agent de plus dans la pièce. Cet agent, d’après un haut représentant que le Times cite avec crédulité, n’a jamais fait feu, car, supposément, il craignait de blesser son collègue. Il faut croire que celui qui a tué Todashev ne partageait pas cette préoccupation.
Ni l’agent du FBI qui a tiré sur Todashev, ni personne d’autre, n’ont été nommés publiquement ou détenus à des fins d’interrogation.
Il existe une explication du meurtre de Todashev beaucoup plus probable que les histoires opportunes et ridicules publiées dans les médias : Todashev était en possession de renseignements sur le présumé responsable des attentats de Boston, Tamerlan Tsarnaev – peut-être, ce qui est fort possible, sur ses liens avec le service des renseignements américain – qui pouvaient miner le scénario officiel. À un certain moment du long interrogatoire, les agents à Orlando auraient reçu l’ordre, possiblement de quelqu’un à Washington, de se débarrasser de Todashev «par extrême préjudice».
L’assassinat de Todashev remet encore plus en question l’explication officielle des événements de Boston.
La semaine dernière, le Service fédéral de sécurité de Russie a affirmé qu’il avait fourni aux autorités américaines suffisamment de renseignements pour empêcher les attentats de Boston. Cette assertion a été confirmée par le député américain William R. Keating après une visite à Moscou.
Keating, pendant qu’il était à Moscou, a aussi admis que le service des renseignements russe avait exigé d’être averti si Tsarnaev se rendait en Russie. Les autorités américaines n’ont jamais expliqué pourquoi elles ne l’avaient pas fait ou pourquoi elles avaient laissé Tsarnaev se rendre en Tchétchénie, et en revenir, sans l’interroger.
Comme pour les attentats du 11 septembre 2001, il y a près de 12 ans, on ne peut expliquer l’attitude du service des renseignements des États-Unis comme une incapacité à «établir les liens». Que ces agences – grassement financées dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme» – eurent été complètement inconscientes de ce qui se passait tout juste sous leur nez met la crédulité à rude épreuve. En fait, si quelqu’un du service des renseignements américain avait simplement «failli à la tâche», on serait en droit de s’attendre à des démissions, des congédiements et même des poursuites. Plutôt, personne n’est tenu responsable et personne n’a démissionné.
Les faits sont têtus. Ce que nous savons clairement est qu’un témoin clé lié aux attentats de Boston a été assassiné par l’État. Ce témoin, qui craignait pour sa vie, détenait probablement des renseignements compromettants.
Le meurtre de Todashev n’a suscité aucune critique au sein de l’établissement politique. Les médias ont joué comme à l’habitude leur sale et servile rôle de dissimulation. À l’exception d’un seul éditorial paru dans le Washington Post qui exprimait la crainte que la mort de Todashev puisse «alimenter de folles théories du complot», personne dans les médias ou les institutions fédérales, d’État ou municipales n’a demandé d’explication ou d’enquête sur ce qui s’est passé.
Après le meurtre, en septembre 2001 au Yémen, d’Anwar Al-Awlaki, citoyen américain et imam, des questions furent posées quant à la possibilité d’assassinats en territoire américain. Il semble maintenant que c’est ce qui s’est produit. Une autre étape vient d’être franchie vers la mise en place d’un État policier.
(Article original paru le 3 juin 2013)