Obama en Afrique pour défendre les intérêts stratégiques et pécuniaires américains

Le président américain Barack Obama a rencontré le président du Sénégal, Macky Sall, ainsi que des juges et des avocats de la Cour suprême du pays jeudi au début d'une tournée africaine d'une semaine qui l'emmènera dans trois pays afin de promouvoir les intérêts stratégiques et pécuniaires des Etats-Unis sur ce continent. Un de ses objectifs essentiels est de contrer la Chine dans ce qui se résume à une nouvelle ruée sur l'Afrique pour les marchés et les ressources énergétiques et minérales substantielles du continent.

Cette tournée marque la première fois où Obama a mis le pied sur le sol africain depuis une escale de 20 heures au Ghana, au retour d'une conférence au sommet en Europe, il y a quatre ans. Le nouveau président d'alors avait déclaré, « J'ai le sang de l'Afrique qui coule en moi. »

Cette fioriture rhétorique avait rendu explicite l'importance pour l'impérialisme américain de la présidence d'Obama : présenter un nouveau visage au monde, tout en poursuivant la même politique prédatrice et criminelle qui avait provoqué la colère internationale et la haine sous son prédécesseur, George W. Bush.

Quatre ans plus tard, la nouveauté du premier président afro-américain des États-Unis est passée de mode, et, d'après les reportages venant d'Afrique, il y a un cynisme très répandu sur les tentatives d'Obama de tenter de se servir de son histoire familiale pour prétendre avoir une affinité spéciale pour ce continent. En fait, l'aide américaine à l'Afrique a baissé sous Obama, chutant de 8,24 milliards de dollars durant la dernière année de la présidence Bush à moins de 7 milliards aujourd'hui.

Sa propre présidence est encore plus profondément empêtrée dans la criminalité internationale que sous Bush, des assassinats par drone à l'espionnage massif par la NSA de la population américaine et du monde entier ainsi qu'à la chasse à l'homme montée contre Edward Snowden pour avoir révélé ce crime. Ces questions ont suivi Obama en Afrique, rendant l'un des principaux objectifs affichés de son voyage, la promotion de la "démocratie", absurde et hypocrite.

D'après un communiqué de presse de la Maison Blanche sur la tournée africaine d'Obama : « Le président va renforcer l'importance que les États-Unis accordent à nos liens profonds et toujours croissants avec des pays d'Afrique sub-saharienne, y compris en étendant la croissance économique, l'investissement, et le commerce ; en renforçant les institutions démocratiques ; et en investissant dans la prochaine génération de dirigeants africains. »

Le représentant du commerce américain Michael Froman, qui accompagne Obama, a déclaré avant ce voyage que, « l'Afrique veut des investisseurs, en particulier des investisseurs américains. » Lui et d'autres responsables américains ont insisté sur le fait que le message de ce voyage est de promouvoir des accords pour la coopération avec les États-Unis plutôt que d'apporter de l'aide, qui a toujours été employée par Washington pour soumettre d'anciens pays coloniaux à ses intérêts. Si plusieurs dirigeants d'entreprises américaines accompagnent Obama dans sa tournée, ce que les États-Unis ont à proposer n'est pas du tout clair.

Le voyage d'Obama suit l'exemple d'une tournée qui a eu lieu il y a trois mois par le nouveau président chinois Xi Jinping, qui a visité les deux pays où le président américain se rendra après le Sénégal – l'Afrique du Sud et la Tanzanie. Dans ce qui a été sa première tournée à l'étranger après avoir pris ses fonctions à Beijing, Xi a également visité la République du Congo.

Durant sa tournée, Xi a proposé aux pays africains une ligne de crédit de 20 milliards de dollars et signé des contrats de première importance notamment pour un projet de port à 10 milliards de dollars à Bagamoyo, en Tanzanie.

La Chine a éclipsé les États-Unis en termes de commerce et d'investissement en Afrique. C'est le premier partenaire commercial de l'Afrique, le commerce dans les deux sens entre eux a pratiquement doublé dans les seules cinq dernières années atteignant près de 200 milliards de dollars, soit le double de ce que font les États-Unis avec ce continent.

La plupart des investissements chinois concernent des mines et des infrastructures visant à faciliter l'extraction des matières premières et leur envoi vers la Chine.

Le mantra de la « démocratie » répété par Washington vise à contraindre les gouvernements africains à faire des réformes libérales, dont des privatisations et l'abolition des subventions et des contrôles douaniers à l'importation exigées par le capital transnational. Il vise également à contrer l'influence chinoise en accusant Beijing, de ne pas être intéressé par la « démocratie » et les « droits de l'homme », supposément au contraire de Washington.

Ce type de déclarations idéologiques semble n'avoir aucun écho en Afrique. À la veille de la visite d'Obama, Foreign Affairs, un journal américain très proche des milieux de la politique étrangère, demandait au président sénégalais Macky Sall si l'investissement de plus en plus important de la Chine était « mauvais pour la perspective de la démocratie africaine. »

Sall a répondu : « Bien, je ne vois pas pourquoi le développement des investissements chinois constituerait un danger pour la démocratie. La coopération avec la Chine est bien plus directe et rapide que la coopération que nous avons avec les pays occidentaux, les États-Unis, les pays européens, et d'autres donateurs bilatéraux. Il y a de nombreux critères de gouvernance, sur ci ou ça, et un grand nombre de procédures […] Je ne dis pas que ce que la Chine fait est mieux, mais au moins ça va plus vite. »

Quant à l'agenda « démocratique » de Washington, l'itinéraire d'Obama dément les affirmations de son gouvernement. Il a été largement remarqué que le président américain n'a pas inclus dans ses visites les alliés les plus proches de Washington en Afrique : l'Éthiopie, le Nigeria, l'Ouganda et le Kenya.

Le premier pays, qui a prêté son armée comme force intermédiaire pour l'intervention américaine en Somalie, est bien connu pour ses répressions internes. Et dans le second, les États-Unis soutiennent une campagne contre la révolte du mouvement islamiste armée Boko Haram au Nord-Est du Nigeria, qui a connu des massacres, des exécutions sommaires et des enlèvements.

L'Ouganda qui a également fourni des troupes intermédiaires pour la guerre en Somalie, a violemment réprimé l'opposition politique, fermé des journaux pour avoir critiqué le gouvernement et mené une campagne brutale contre les homosexuels. Et le Kenya, patrie du père d'Obama, tout en étant un allié proche, est dirigé par un président et un vice-président qui sont recherchés par la Cour pénale internationale pour des crimes contre l'humanité en raison de leur rôle dans l'orchestration des violences qui ont fait plus de 1000 morts après les élections de 2007-2008. Voilà les partenaires « démocratiques » de l'impérialisme américain.

L'impérialisme américain s'en remet toujours plus ouvertement à sa supériorité militaire résiduelle, la seule chose qu'il lui reste, pour contrer l'influence grandissante de la Chine en Afrique. La guerre des États-Unis et de l'OTAN en Libye a servi à priver la Chine d'investissements qui valaient des milliards de dollars et l'a forcée à évacuer des milliers de ses citoyens. Deux ans plus tard, cependant, les compagnies pétrolières publiques chinoises Sinopec et PetroChina font des offres alléchantes pour obtenir des concessions pétrolières en Libye.

Le commandement militaire américain AFRICOM a établi une base de drones au Niger, soutenant l'intervention de l'impérialisme français au Mali. Il a déployé des troupes en Afrique centrale, apparemment pour chasser Joseph Kony, chef d'une guérilla, et a lancé des troupes de formateurs des forces spéciales dans tout le continent pour consolider les relations américaines avec les armées africaines. En Somalie, dans le même temps, il a mené des raids aériens meurtriers.

Le militarisme croissant des États-Unis sur le continent a soulevé une hostilité très largement répandue. Les responsables américains avaient exprimé des inquiétudes que le voyage d'Obama en Afrique du Sud, la deuxième partie de sa tournée, ne soit éclipsé par la mort imminente de l'ex-président africain, dirigeant du Congrès national africain (ANC), Nelson Mandela, avec qui le président américain avait espéré faire une séance de photos.

Cependant, cette visite sera également confrontée à des protestations contre la politique de son gouvernement. Si le gouvernement ANC du président Jacob Zuma a vanté cette visite comme une aubaine pour l'économie de l'Afrique du Sud, les deux partenaires du parti au pouvoir, la confédération syndicale COSATU et le Parti communiste d'Afrique du Sud, participent à une manifestation « NObama » à Pretoria le 28 juin, jour de l'arrivée du président.

Et deux organisations ont demandé qu'Obama soit arrêté pour crime de guerre.

L'Association des avocats musulmans d'Afrique du Sud a déposé une demande devant la Haute cour de Pretoria pour demander l'arrestation d'Obama, mais leur demande a été rejetée.

Et la Société pour la protection de notre Constitution a déposé un affidavit accusant le président américain de « crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. »

Mohammed Hussein Vawda, de cette société, a dit que l'affidavit accusait Obama d'avoir en toute responsabilité tué des milliers de gens, dont des femmes et des enfants, au Pakistan, en Syrie, et dans d'autres pays qui « ne représentaient aucune menace pour les États-Unis. »

Ce document accusait également Obama pour les assassinats par drones de gens considérés comme hostiles au gouvernement américain. « Ces attaques ne sont pas autorisées par des mandats édictés par une cour de justice, » a dit Vawda.

(Article original publié le 28 juin 2013)

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