Des images capturées avec un téléphone cellulaire et diffusées à la télévision nationale RAI2 mardi dernier montrent des migrants dans un camp sur l'île de Lampedusa forcés de se dévêtir, en présence d'hommes et de femmes, pour être ensuite lavés au jet par des employés.
Le camp est utilisé pour la détention de réfugiés venant d'Afrique et du Moyen-Orient qui ont fait le dangereux périple à travers la mer méditerranée jusqu'en Italie, pour tenter désespérément d'entrer en Europe.
La vidéo a été filmée par un migrant pendant qu'un autre décrit les événements filmés. L'un des deux, qui se nomme Khalid, a dit que lui et d'autres demandeurs d'asile ont été alignés et traités «comme des animaux».
La vidéo montre des hommes et des garçons faisant la file dans une cour à ciel ouvert en hiver et qui, un par un, doivent se dévêtir complètement. Au moins deux hommes du camp sont debout et dévêtus, pendant que d'autres se déshabillent. Un des hommes est debout les bras écartés pendant qu'un employé l'arrose de la tête aux pieds. Certains migrants cherchent à conserver un peu de pudeur en se couvrant le sexe.
D'après le commentaire, les femmes devaient aussi subir ce traitement et les détenus y étaient soumis à intervalle de quelques jours, après avoir étés informés que cela avait apparamment pour but de combattre une épidémie de gale.
Environ 26 des demandeurs d'asile aspergés seraient des survivants du naufrage au large de Lampedusa en octobre ayant causé la mort de 350 personnes. Cette tragédie, dont les victimes étaient principalement africaines, a été suivie d'une autre huit jours plus tard dans laquelle 34 migrants, principalement de la Syrie et de la Palestine, se sont noyés quand leur bateau a chaviré.
Le Corriere della Sera a noté que «la vidéo aurait été prise le 13 décembre, mais les migrants disent que la désinfection se fait sur une base hebdomadaire».
Il ajoute que «des Érythréens, des Syriens, des Ghanéens, des Nigériens et des Kurdes, y compris des survivants du naufrage du 3 octobre, auraient été soumis à ce traitement».
Le maire de Lampedusa Giusi Nicolini dit que ces images «évoquent celles d'un camp de concentration. Elles montrent que cette façon d'accueillir devrait faire honte à Lampedusa et à l'Italie. Cela doit changer. Ce n'est pas ce à quoi nous nous attendions seulement deux mois après le naufrage qui a provoqué tant de larmes et suscité tant de promesses.»
L'organisation responsable du camp, la coopérative Lampedusa Accoglienza, s'est empressée de rejeter la faute sur les migrants. Son directeur général, Cono Galipò, prétend que les migrants ont décidé de se dévêtir de leur propre gré pendant une procédure pour éliminer des parasites. En entrevue avec Radio Città Futura, il a dit, «le traitement que nous faisions, a été effectué d'après un protocole, et durait une heure et demie. À un certain moment, certains des immigrants ont perdu patience et ont enlevé leurs vêtements. Ils ont clairement mis en scène ce qui est montré.»
Depuis cet horrible incident, des représentants de l'élite dirigeante en Italie et à travers l'Europe se montrent choqués des derniers événements à Lampedusa. C'est le comble de l'hypocrisie venant de la part des auteurs des politiques qui forcent des centaines de milliers à fuir leur pays d'origine et de la politique anti-immigrante connue sous le nom de «forteresse Europe».
Enrico Letta, le premier ministre italien, a prétendu qu'il était «stupéfait» par la vidéo, ajoutant que le «gouvernement va mener une enquête rigoureuse et confronter ceux qui sont responsables de cette situation».
Le ministre de l'Intérieur italien, Angelino Alfano, a dit qu'un rapport concernant les images serait prêt en 24 heures, ajoutant que «ceux qui ont commis cette faute vont payer».
La présidente du parlement italien, Laura Boldrini, a dit que de «forcer des femmes et des hommes à se dévêtir dehors en plein hiver n'est pas digne d'un pays civilisé».
La chef de la commission Européenne des Affaires intérieures, Cecilia Malmstrom, a dit, «Les images du centre de détention à Lampedusa sont consternantes et inacceptables.»
«Nous avons déjà commencé l'enquête sur les terribles conditions dans beaucoup de centres de détention italiens, Lampedusa inclus», a-t-elle ajouté.
Dans un message Twitter, elle a dit: «L'UE s'est engagée à assister l'Italie pour recevoir les migrants, mais cela doit être fait dans des conditions décentes. Nous n'hésiterons pas à lancer une procédure d'infraction pour faire en sorte que les normes et obligations de l'UE soient pleinement respectées.»
Autrement dit, la répression des immigrants doit continuer, mais si possible en évitant que la population soit témoin de la brutalité.
Les dirigeants de l'Union européenne devaient se rencontrer pour un sommet jeudi et vendredi derniers pour discuter de propositions concernant l'avenir des lois d'immigration. Aucune de ces propositions ne sont basées sur la défense des droits démocratiques des migrants et des demandeurs d'asile. Les mesures à l'ordre du jour incluent le renforcement de la garde côtière contre la «migration illégale».
La Commission européenne a recommandé le renforcement des patrouilles aériennes et maritimes pour la région méditerranéenne afin de détecter et intercepter des navires de migrants cherchant à se rendre sur les côtes européennes. Ce plan, dont les coûts sont estimés à 14 million d'euros par an, est entièrement conforme à un plan élaboré par l'agence de contrôle des frontières de l'UE FRONTEX.
FRONTEX a déjà sa propre flotte d'avions, d'hélicoptères, et de navires, utilise des drones et de la technologie de surveillance sophistiquée et peut déployer des gardes-frontières de différents États membres à tout moment.
La commission propose également d'investir 50 millions d'euros pour aider les pays qui font face à de «fortes pressions migratoires», ce qui inclut 30 millions d'euros pour l'Italie.
Les images de Lampedusa donnent un aperçu de la souffrance et des humiliations vécues par les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile dans les camps à travers l'UE. Le camp de Lampedusa contient actuellement 391 migrants, dont 36 enfants, mais le site a été conçu pour 250 personnes.
D'après un rapport publié mardi dernier par l'association caritative Aide à l'enfance, les conditions du camp de détention ne respectent pas les «droits fondamentaux». Il souligne que beaucoup de personnes sont forcées de dormir dehors à cause du manque d'espace.
Il montre aussi que de nombreux migrants qui ont fait des traversées dangereuses pour se rendre en Italie cette année venaient de la Syrie.
La Syrie a été dévastée par une guerre civile qui dure maintenant depuis 2 ans et demi et qui a été fomentée par les principales puissances impérialistes qui ont financé des groupes d'opposition qui combattent le régime du président Bashar Al-Assad. De nouvelles statistiques publiées la semaine dernière par l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés indiquent que 127.000 réfugiés quittent la Syrie tous les mois. D'après Aide à l'enfance, un quart des 40.244 migrants qui ont atteint l'Italie en bateau dans les 11 premiers mois étaient Syriens.
Les États Européens ont réagi à cette catastrophe humanitaire en s'en lavant les mains. Seulement 10 pays membres de l'UE ont donné leur accord pour accueillir un maximum de 12.000 réfugiés syriens cette année, a dit Amnistie internationale ce mois-ci.
Les frontières fermées de l'Union européenne ont entraîné la mort de près de 25.000 personnes qui ont péri en essayant d'entrer en Europe. Cette année devrait être la pire. Un rapport publié la semaine dernière par l'Organisation internationale pour les migrations indique que plus de 7000 migrants ont peut-être péri en mer ou en traversant des déserts pour trouver refuge en 2013.
(Article original paru le 19 décembre 2013)