Les responsables de la « troïka », qui comprend l’Union européenne, le Fonds monétaire International (FMI) et la Banque centrale européenne (BCE), ont discuté cette semaine avec des représentants de la coalition gouvernementale grecque pour réclamer davantage de coupes sociales dans le contexte de l’effondrement économique qui se déroule en Grèce.
Les pourparlers se concentrent sur les exigences de la « troïka » de nouvelles mesures d’austérité en échange du versement d’une tranche de 2,8 milliards d’euros du prêt de 130 milliards accordé préalablement à la Grèce. Sont également débattues les modalités pour le déblocage d’une somme de 6 milliards d’euros supplémentaires dont le versement est prévu au second trimestre de cette année.
La population appauvrie de la Grèce n’a jamais vu la couleur de l’argent de ce « sauvetage ». Il a directement servi à payer les dettes dues aux banques. La Grèce détient des obligations à hauteur de 5,6 milliards d’euros arrivant à échéance le 20 mai et qu’elle devra verser aux obligataires.
Les négociations ne s’étaient pas encore achevées vendredi lorsque le ministre des Finance, Yannis Stournaras, a quitté Athènes pour aller participer à une réunion officielle de l’Eurogroupe à Dublin. Diverses sources ont rapporté que le gouvernement, qui regroupe Nouvelle Démocratie, le PASOK et la Gauche démocratique, a toutefois largement accepté les exigences de la troïka.
S’exprimant à Dublin, le président de l’Eurogroupe et ministre néerlandais des Finances, Jeroen Dijsselbloem a demandé que la Grèce « accélère ses efforts » afin de se conformer au programme de la troïka.
L’UE a imposé ces exigences à la Grèce au moment où il émergeait que, moins d’un mois après l’imposition de mesures d’austérité douloureuses à Chypre, de nouvelles coupes de 6 milliards d’euros seront exigées. Ceci signifie que le montant total des mesures d’austérité à Chypre, dont la population est à peine supérieure à un million, équivaut à ce que chaque homme, femme et enfant remette 27.000 euros.
Les toutes dernières négociations en Grèce ont repris après que la troïka avait stoppé les discussions en février en affirmant qu’Athènes ne respectait pas ses instructions. Celles-ci portaient sur le nombre de licenciements dans le secteur public. La troïka exige que le nombre d’emplois publics passe à 150.000 d’ici 2015, avec notamment le licenciement de 7.000 travailleurs cette année et de 20.000 en 2014.
La troïka s’est également opposée à la fusion de la Banque nationale de Grèce et d’Eurobank, deux des plus grandes banques grecques, signifiant que les deux institutions endettées seront contraintes de se recapitaliser séparément afin d’être couvertes par le trésor public. L’on évalue que ceci coûtera 15,6 milliards d’euros de plus.
Au début des pourparlers, le ministre des Finances, Yannis Stournaras, aurait dit à la troïka qu’il ne s’attendait pas à ce que l’actuel gouvernement dure si la troïka insistait pour davantage d’austérité. Avec des millions de personnes vivant dans une pauvreté insoutenable, exacerbée par un chômage endémique approchant les 30 pour cent, et près de 60 pour cent pour les moins de 25 ans, le gouvernement anticipe une explosion sociale.
Les chiffres publiés cette semaine révèlent que chaque jour ouvré 3,400 personnes ont perdu leur emploi durant le premier mois de l’année. Un taux de perte d’emploi similaire, pour un pays de la taille des Etats-Unis, équivaudrait à la perte de près d’un million d’emplois par mois. La politique de l’UE consistant à imposer de telles coupes sociales à une société dont l’économie est en chute libre est politiquement criminelle.
Le journal To Vima a rapporté que Stournaras a dit à la troïka, « Ne nous poussez pas plus loin. Si vous voulez davantage de mesures, prenez les clés du ministère des Finance et donnez les à Tsipras. » Alexis Tsipras est le dirigeant du parti d’opposition SYRIZA, la Coalition de la Gauche radicale [qui entretient des relations avec le Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon en France et le parti La Gauche d’Oskar Lafontaine en Allemagne].
Le gouvernement a cherché à rassurer la troïka, disant qu'il appliquerait les suppressions d’emplois mais par une politique principalement de départs volontaires et non de licenciements. Avant les pourparlers, le ministre à la Réforme de l’administration, Antonis Manitakis, du parti de la Gauche démocratique, a dit à Michalis Papagiannakis, du Centre d’études politiques (lié à la Gauche démocratique), « Il y a eu en 2012, 32.000 départs à la retraite dans le secteur public et la réduction du nombre total de fonctionnaires sera de 180.000 d’ici 2015. »
Le quotidien de droite Kathemerini a remarqué, « Des sources proches du ministre ont dit jeudi que l’appel de la troïka à 20.000 licenciements d’ici la fin de l’année prochaine dépassait de loin ce que la Grèce s’était engagée à faire dans le deuxième accord de prêt signé l’année dernière, » en ajoutant que, si la troïka insistait pour le respect de cette échéance, « Manitakis pourrait se retirer des pourparlers et laisserait d'autres représentants du gouvernement poursuivre les pourparlers. »
Malgré l’attitude de Manitakis, les partis de la coalition insistent uniformément pour que le coût de la crise soit transféré sur le dos de la classe ouvrière et des couches les plus pauvres de la société. Pour ce qui est des coupes sociales, la coalition n’a que des divergences tactiques avec la troïka.
Evangelos Venizelos, dirigeant du parti social-démocrate détesté PASOK qui avait déclenché la première vague d’austérité en 2010, a soutenu cette semaine les suppressions d’emplois dans le secteur public.
Il a dit que la troïka considérait le secteur public, « correctement je pense, du point de vue d’une réforme structurelle. Notre crédibilité repose sur cette question ; elle déterminera si nous ici en Grèce voulons vraiment des réformes structurelles profondes, à savoir un Etat différent capable de fonctionner d’une manière qui soit favorable à l’investissement, à la croissance et avant tout à l’égard des citoyens, et à cela nous devons donner une réponse positive. »
Le gouvernement continue d’imposer des mesures brutales contre la population. Avant l’arrivée de la troïka, la taxe « d’urgence » sur la propriété tellement décriée, imposée en 2011 durant la première phase d’austérité et redevable uniquement par les locataires de bâtiments disposant de compteur électrique, a été élargie à toutes les propriétés en tant que taxe générale. Elle sera perçue en 2014 par les autorités fiscales.
Des rapports attestent qu’Athènes se prépare à satisfaire une exigence primordiale de la troïka de licencier 2.000 travailleurs d’ici juin, au motif fallacieux qu’ils n’honorent pas leur « serment » de fonctionnaire du public.
Les travailleurs accusés d’infractions disciplinaires risquent actuellement de perdre leur emploi. Selon Kathemerini, la principale préoccupation de Manitakis serait de ne pas renvoyer d'employés sans qu'ils aient été entendus et il « chercherait un moyen d’accélérer le processus des auditions disciplinaires. »
Une formule juridique pour son application serait en train d’être élaboré. Les lois apparemment envisagées sont la création d’un organe disciplinaire centralisé pour juger toutes les affaires des fonctionnaires et la suppression du salaire des employés qui ont été suspendus de leurs fonctions jusqu’à ce que leur affaire soit traitée.
La coalition, qui est soutenue par des médias complaisants, est passée maître dans la diabolisation des travailleurs du secteur public en se référant constamment à eux comme faisant partie d’un monstre «bedonnant » ponctionnant toutes les ressources des contribuables.
A cet effet et, de toute évidence, calculée pour coïncider avec la visite de la troïka, le gouvernement a lancé une campagne écoeurante pour davantage encore stigmatiser et diffamer publiquement les travailleurs du secteur public. Une série d’inspections surprise durant sept jours par des agents de l’Etat dans cinq ministères– les Finances, la Réforme de l’administration, l’Education, la Santé et le Tourisme – ont été effectuées durant la visite. Kathemerini s’est empressé de rapporter jeudi que ces derniers avaient conclu qu’un « nombre significatif de fonctionnaires ne se rendaient pas régulièrement au travail. » Le journal a ajouté, sans fournir d’élément de preuve, « Dans le cas du ministère de l’Education, 20 pour cent des employés étaient indûment absents. »
(Article original paru le 13 avril 2013)