Selon les chiffres publiés hier, le nombre de travailleurs sans emploi en Espagne et en France a atteint des niveaux inégalés tandis que l’effondrement de l’économie européenne s’accélère sous l’effet de la crise économique mondiale et des mesures d’austérité imposées aux quatre coins du continent.
En Espagne, l’Institut national de Statistique (INE) a rapporté que le pays comptait 6.202.700 chômeurs. Pour la première fois de l’histoire du pays, plus de 6 millions de travailleurs espagnols sont sans emploi. Le taux de chômage a augmenté de 1,14 point de pourcentage, pour atteindre 27,16 pour cent alors que 237.400 emplois étaient perdus. Le chômage chez les jeunes atteint 57,22 pour cent.
En tout, 3,5 millions de travailleurs sont sans emploi en Espagne depuis au moins un an et 2 millions sont sans emploi depuis plus de deux ans. Le taux de chômage serait encore plus élevé si quelque 280.000 jeunes Espagnols n’avaient pas quitté le pays en 2012 pour chercher du travail.
Près de 2 millions de ménages espagnols ne disposent pas de revenu lié à un emploi parce que tous les membres de la famille sont sans emploi.
L’Espagne a perdu 4 millions d’emplois depuis 2008 et le taux de chômage a augmenté de 20 points de pourcentage. Le taux de chômage de l’Espagne arrive au deuxième rang parmi les pays de la zone euro, directement derrière celui de la Grèce dont le taux de chômage a grimpé de 7,7 pour cent en 2008 pour arriver à 27,2 pour cent cette année dans le contexte d’une vague de renflouements bancaires destructeurs de l’UE qui a débuté en 2009.
En France, le nombre de demandeurs d’emploi classés en « catégorie A », ceux qui n’ont pas du tout travaillé le mois dernier, a connu une hausse historique et s'établit à 3.224.600. Le nombre total de demandeurs d’emploi enregistrés à Pôle Emploi en France et dans les départements outre-mer était de 5 millions le mois dernier. Le taux de chômage de la France se situe à 10,6 pour cent et le taux de chômage des jeunes s’élevait à 25,4 pour cent fin 2012.
Les chiffres record en Espagne et en France font partie d’une hausse générale du chômage dans l’ensemble de l’UE, en se concentrant sur les pays qui ont subi des renflouements bancaires de l’UE depuis le déclenchement de la crise économique mondiale en 2008.
L’économie communautaire a perdu quelque 1,8 millions d’emplois au cours de l’année passée, laissant au total 26 millions de citoyens de l’UE, soit 12 pour cent des travailleurs, sans emploi. Parmi les autres pays qui ont été touchés par des sauvetages communautaires, le taux de chômage du Portugal est passé de 14,8 à 17,5 pour cent et celui de Chypre de 10 à 14 pour cent.
L’indice des directeurs d’achat (« Purchasing Managers Index, PMI ») pour la zone euro publié mardi par l’Institut Markit montre un déclin continu. L’indice PMI composite de la production industrielle et les chiffres manufacturiers s’établissaient tous deux à 46,5, sous la barre de 50 qui indique la ligne de séparation entre la contraction et la croissance. Pour la première fois au cours de ces derniers mois, les chiffres du PMI de l’Allemagne, première puissance économique de l’UE, affichaient aussi une contraction.
Par rapport à la même période de l’année dernière, les immatriculations de véhicules neufs en Allemagne et en Italie ont chuté de 13 pour cent au premier trimestre de 2013, tandis que les immatriculations en France ont dégringolé de 14,5 pour cent.
Le chômage de masse est en train d’atteindre des niveaux jamais vus durant la Grande Dépression, touchant une majorité de jeunes en Grèce et en Espagne. Ceci est principalement dû à la politique d’austérité dévastatrice et aux coupes budgétaires imposées par l’UE suite à l’effondrement économique initial de 2008. Depuis lors, l’économie grecque s’est contractée de plus de 20 pour cent et celle de l’Espagne de 5 pour cent.
L’hémorragie d’emplois est l'indication irréfutable que des centaines de milliards d’euros dépensés en renflouements bancaires et en coupes sociales en Grèce, en Espagne, en France et dans d’autres pays européens n’ont pas été utilisés pour corriger l’économie. Au contraire, ils ont aidé l’aristocratie européenne à sauvegarder sa richesse au moyen du pillage de l’économie et de la réduction drastique des salaires et des services sociaux de la classe ouvrière.
Dans un récent rapport, l’Institut national de la Statistique et des Etudes économiques (INSEE) a trouvé qu’alors que le niveau de vie français avaient chuté de 0,5 pour cent de 2009 à 2010, les 5 pour cent de la population en haut de l’échelle ont vu leurs revenus augmenter. Pour le 1 pour cent de la population au sommet, l’augmentation a fait un bond de 89.400 euros.
La contrepartie de l’accumulation de la richesse au sommet de la société bourgeoise a été le plongeon dans la misère des masses laborieuses et les formes d’une profonde pauvreté jamais vue en Europe. Des soupes populaires et des services médicaux assurés par des associations caritatives sont actuellement essentiels à la survie de vastes sections de la population grecque et espagnole. (Voir : « Un rapport révèle la paupérisation rapide de la classe ouvrière espagnole »)
Lors d’un récent discours, le directeur général adjoint du Fonds monétaire international, David Lipton, a souligné le risque que les coupes sociales incessantes entraîneront l’ensemble de l’Europe dans une spirale économique vers le bas, comme cela s’est produit en Grèce. Il a dit, « La zone euro pourrait se retrouver confrontée au spectre de la politique des sables mouvants – dans laquelle une détérioration constante des bilans enfonce davantage l’économie et amoindrit l’impact même d’ajustements audacieux. Au cours de ces vingt dernières années, nous avons assisté à la réalisation de ce scénario au Japon. »
Les intérêts de classe qui sous-tendent cette politique ont été crûment exprimés dans un récent entretien accordé à la radio grecque To Vima par la commissaire européenne, Maria Damanaki : « La stratégie de la commission européenne au cours des 18 ou 24 mois écoulés a été de réduire les coûts du travail dans tous les pays européens afin d'améliorer la compétitivité des compagnies européennes sur leurs rivales d'Europe de l'Est et d'Asie. »
Ces intérêts sous-tendent les défaites infligées à chaque tentative de la classe ouvrière européenne de faire changer depuis 2009 la politique communautaire. Les grèves de protestations ont été ignorées et le mouvement de grève a été isolé par la bureaucratie syndicale et, le cas échéant, comme lors des grèves de 2010 des routiers grecs, des travailleurs du secteur pétrolier et des contrôleurs du ciel espagnols, écrasés par les forces de sécurité. Les élites dirigeantes européennes considèrent l’appauvrissement de la classe ouvrière comme une mesure nécessaire pour accroître leur profit et améliorer leur position concurrentielle sur l’échiquier mondial.
La principale crainte de la classe dirigeante est la colère et l’opposition grandissantes de la classe ouvrière. Lundi, le président de la Commission européenne, José Barroso a averti que la politique d’austérité avait atteint « ses limites pour une acceptation politique et sociale. »
Et pourtant, les chefs d’Etat européens ne dérogent pas au cadre de base de l’austérité. Le président français, François Hollande, a signalé qu’aucune nouvelle mesure ne serait prise pour faire face à l’effondrement économique qui est en cours en France. Il a dit que la croissance ne serait pas au rendez-vous en 2013 et que l’unique voie pour aller de l’avant était de recourir pleinement aux mesures mises en vigueur.
Partout en Europe, tout semble indiquer que l’on se dirige vers une éruption des luttes de classes entre les travailleurs et l’aristocratie financière réactionnaire.
L’organisation d’enquête eurobaromètre a publié dernièrement un sondage révélant une profonde hostilité à l’égard de l’UE dans six pays européens. Quelques 42 pour cent des Polonais, 53 pour cent des Italiens, 56 des Français, 59 pour cent des Allemands, 69 des Britanniques et 72 pour cent des Espagnols ont dit n’avoir aucune confiance dans l’UE en tant qu’institution. Ces pays totalisent ensemble plus de deux-tiers des 500 millions d’habitants que représente la population de l’UE.
La cote de popularité de Hollande a chuté à 26 pour cent, niveau le plus faible jamais enregistré pour un président de la Cinquième République tandis que le taux du premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, est tombé à 19 pour cent en février.
(Article original paru le 26 avril 2013)