Le 25 juillet dernier, des employés du fabricant de rotatives Goss International de Montataire en France ont mis le feu à des conteneurs à poubelles et des dossiers de l'entreprise pour protester contre la fermeture de leur usine et le licenciement de 430 salariés des sites de production de Montataire et Nantes.
Le jour suivant, dernier jour de production sur le site, les employés ont été lock-outés. L'entreprise avait fermé ses portes suite à une décision d'huissier mais exigeait tout de même que les employés signalent leur présence en cochant leur nom sur un tableau blanc installé sur le trottoir.
Il y a sept ans encore, l'entreprise comptait quelque 1 200 travailleurs dans ces deux usines ; depuis lors, elle a licencié plus de 60 pour cent de ses effectifs.
La fermeture de l'usine a été méticuleusement préparée par le siège de l'entreprise qui se trouve à Durham, dans l'Etat du New Hampshire aux Etats-Unis, et qui représente l'unique actionnaire, Shanghai Goss. Après avoir dirigé toutes les nouvelles commandes de rotatives, normalement produites en France, vers les usines de Durham et de Shanghai, notamment une commande de la Grande-Bretagne d'une valeur de 60 millions d'euros, la direction a déposé le bilan le 3 avril dernier.
Le tribunal de commerce de Compiègne a nommé un administrateur qui a enquêté sur les possibilités d'avenir de ces sites de production. Il n'y a eu qu'une seule offre de reprise des actifs de l'entreprise, celle de la société mère de Goss même. Au cours de quatre séances au tribunal, le siège de l'entreprise a marchandé avec le tribunal pour brader brader le prix des actifs, tandis que les syndicats CFDT (Confédération française démocratique du travail) et CGT (Confédération générale du travail) contestaient, de façon inefficace, le dépôt de bilan au tribunal.
Goss International n'a quasiment rien changé à sa première offre de reprise des actifs de l'entreprise. L'unique changement a consisté à faire passer de 93 à 123 le nombre d'employés qui pourraient être repris dans la future unité de ventes et de service européens, tout en proposant un prix bas pour les immobilisations.
Comme il n'y avait pas d'autre offre de reprise, l'entreprise a campé sur ses positions. Le 10 juillet, Goss a posé un ultimatum aux syndicats et au comité d'entreprise : soit ils acceptaient l'offre de reprise, soit ils perdaient tout.
Le 26 juillet, le tribunal de commerce de Compiègne a rendu son jugement final. Il autorise Goss International-Europe à éliminer les dettes de l'usine, à ne pas payer l'argent qu'il devait à ses fournisseurs et ses employés et à racheter les actifs de l'usine à un prix bradé.
Goss ne paiera pas un centime d'indemnité aux travailleurs licenciés, laissant ce soin à l'administration publique française, c'est-à-dire aux contribuables. Goss ne va débourser que 2,4 millions d'euros pour acquérir les actifs et l'inventaire et 1,8 million d'euros pour le transfert de 123 employés «avec leurs droits acquis le jour du transfert, » a indiqué M. Hervé Diogo Amengual, avocat de Goss International-Europe.
Le tribunal de commerce de Compiègne crée un précédent pour les affaires d'insolvabilité. Auparavant, la législation du travail ne permettait pas à une société mère de racheter des filiales en faillite. Cette nouvelle décision du tribunal fait en sorte que des restructurations à grande échelle d'actifs d'entreprises se fassent à grand renfort d'attaques massives contre les emplois, les salaires et les conditions de travail.
Comme l'avait dit le WSWS durant la première vague de licenciements dans les usines Goss de Nantes et Montataire, la stratégie de la CFDT et de la CGT de contester les procédures de faillite au tribunal ne peut que conduire à la défaite. Les représentants syndicaux chez Goss International n'ont jamais cherché à mobiliser la classe ouvrière dans une lutte pour défendre les emplois et pour maintenir l'usine ouverte.
Une lutte plus large de la classe ouvrière serait entrée en conflit avec le gouvernement PS favorable à l'austérité, du président François Hollande et donc avec la bureaucratie syndicale elle-même. La bureaucratie syndicale fonctionne comme un instrument de plus de la classe dirigeante, financée par l'Etat et les grandes entreprises, pour étouffer toute opposition de la classe ouvrière.
Seule une lutte internationale, suivant un programme socialiste pour mobiliser la classe ouvrière, en unifiant les travailleurs de l'industrie des machines d'imprimerie qui ont été confrontés à des licenciements massifs brutaux de par le monde ces dernières années, ouvre une perspective pour la défense des emplois.
La fermeture des sites de production de Nantes et de Montataire vole leurs revenus à des centaines de travailleurs et à leur famille et accroît le chômage dans la région Picardie qui est déjà durement touchée par les fermetures d'usines et les licenciements de masse.
Le taux de chômage à Montataire dépasse les 20 pour cent et 50 pour cent parmi les moins de 25 ans. Hormis les licenciements chez Goss International, la région a perdu beaucoup d'emplois ces dernières années, notamment chez le sidérurgiste Arcelor et 255 emplois chez Still-Saxby.
(Article original paru le 2 Août 2013)