En mentionnant les « armes de destruction massive » comme prétexte à une guerre en Syrie, le gouvernement Obama est en train de suivre des sentiers battus.
Lorsque le 21 août le président Barack Obama a prévenu que le déplacement d’armes chimiques à l’intérieur de la Syrie constituait le franchissement d'une « ligne rouge » capable de déclencher une intervention militaire américaine, il n’a rien fait d’autre que ce qui avait été mis au point par George W. Bush avant la guerre contre l’Irak en 2003. Obama dispose actuellement du soutien du premier ministre britannique David Cameron et, cette semaine, de François Hollande en France. Le président français a dit que son gouvernement était prêt à collaborer avec la Turquie pour établir des zones tampons « en concertation avec nos plus proches partenaires. »
Le lien entre l’Irak et la Syrie est plus qu’une répétition de l’insistance de Washington d’un risque présumé d’armes de destruction massive et d'invocation de la démocratie et des droits humains.
Confronté en 2011 à une explosion de la résistance de la classe ouvrière dans ses régimes marionnettes en Tunisie et en Egypte et plus généralement dans toute la région, Washington cherche à mobiliser les forces réactionnaires pour réprimer la classe ouvrière tout en appliquant des projets hégémoniques conçus après l’invasion de l’Iraq en 2003. Cette invasion avait fini par renforcer la position de l’Iran en éliminant son principal rival dans la région. Washington a réagi en cherchant à saper ce qu’il surnomme l’« axe extrémiste chiite » – incluant le régime baassiste du président syrien Bachar al-Assad dominé par les alouites, le Hezbollah au Liban et l’Iran même.
Les Etats-Unis ont réagi l’année dernière aux luttes révolutionnaires de la classe ouvrière en augmentant leur recours aux forces islamistes sunnites liées aux monarchies du Golfe persique. Les partis islamistes sont arrivés au pouvoir en Tunisie et en Egypte en exploitant la faillite des forces petites bourgeoises de « gauche » qui rejetaient une lutte pour le pouvoir de la classe ouvrière.
En Tunisie, le Qatar et l’Arabie saoudite ont fourni des centaines de millions de dollars pour soutenir le mouvement islamiste Ennahda (Renaissance) qui a remporté les élections d’octobre 2011. En Egypte, Washington est en train de traiter les Frères Musulmans, dirigés par l’universitaire Mohammed Morsi qui fut formé aux Etats-Unis, comme un partenaire politique civil pour l’armée.
Ces forces, dont Al Qaïda, ont opéré comme des troupes de choc dans les campagnes menées par Washington pour réprimer l’opposition de la classe ouvrière et pour renverser au Moyen-Orient des régimes perçus comme étant contraires aux intérêts américains.
Les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN se sont largement appuyés sur les forces islamistes alors qu’ils encourageaient et armaient l’insurrection de droite contre le régime libyen du colonel Mouammar Kadhafi. Ceci a été la base d’une campagne dirigée par l’OTAN pour un changement de régime qui a officiellement débuté le 17 mars 2011, et a été menée sous le prétexte de l’initiative « responsabilité de protéger » formulée initialement en 2005 par les Nations unis .
Les menaces de guerre contre la Syrie représentent une escalade radicale de cette campagne et auront des conséquences dévastatrices pour les populations de la région et du monde entier. Le bilan des victimes en Syrie en cas d'attaque militaire perpétrée par la Turquie et des alliés régionaux soutenus par les forces aériennes des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne, risque fort d’éclipser celui constaté en Libye.
La Syrie est actuellement le lieu où se rendent les combattants islamistes sunnites de tout le Moyen-Orient. Alors que les Etats-Unis et leurs alliés menacent d’intervenir militairement contre la Syrie, les conflits ethniques et sectaires qui existent dans la région sont en train de déclencher des actes de violence partout dans la région. La violence sunnite-chiite s’est propagée au Liban, à l’Irak, au Pakistan et au-delà.
D’autres tensions ethno-religieuses, plus particulièrement centrées sur les Kurdes, pourraient dégager un autre front dans une éventuelle guerre civile qui s’étendrait à travers la Syrie, l’Irak et jusqu’en Iran.
Les travailleurs et les jeunes doivent rejeter tous les efforts de dissimuler les projets d’un nouveau partage du Moyen-Orient derrière une indignation sélective concernant les crimes du régime Assad. Que les commentateurs soient des libéraux ou des représentants de divers groupes pseudo-gauches qui se sont ralliés derrière le Congrès national syrien et l’Armée syrienne libre, ils s’adonnent tous à une fraude politique au service de Washington, Londres et Paris.
Non seulement Assad, mais tous les régimes réactionnaires et despotiques de la région méritent de tomber. Mais, ceci est la tâche de la classe ouvrière en mobilisant derrière elle les ruraux pauvres et toutes les couches sociales opprimées. N’importe quel régime mis en place au Moyen-Orient par le pouvoir militaire américain sera un instrument des intérêts commerciaux et stratégiques défendus par Washington, Londres et Paris. Ce régime se consacrera à réprimer les aspirations démocratiques et sociales des masses, au bénéfice de l’impérialisme mondial.
La tentative des partis petits-bourgeois de « gauche » de présenter les mouvements sectaires sunnites comme étant révolutionnaires et démocratiques est un crime contre les populations de la région et qui aura des conséquences sanglantes à long terme.
Contre toutes les tentatives de créer des divisions selon des lignes religieuses et ethniques, le Comité international de la Quatrième Internationale défend la lutte pour l’unité internationale de la classe ouvrière pour mettre fin à la domination impérialiste et à l’exploitation capitaliste, en établissant partout au Moyen-Orient des gouvernements ouvriers.
(Article original paru le 29 août 2012)