Des centaines de travailleurs ont protesté ce mois-ci en Roumanie contre les projets du gouvernement de privatiser les entreprises publiques comme partie intégrante d’un accord conclu avec le Fonds monétaire International (FMI) et la Commission européenne.
Le 5 septembre, plus de 300 travailleurs de l’usine chimique Oltchim à Ramnicu Valcea, l’un des plus grands groupes industriels de Roumanie, se sont rassemblés devant les bâtiments du gouvernement. Dans sa lettre au FMI, le premier ministre du gouvernement roumain, Victor Ponta, a accepté de finaliser la privatisation d’Oltchim d’ici la fin de septembre.
A l’approche de l’échéance, le gouvernement a suspendu le financement essentiel en occasionnant l’arrêt de la production conséquemment à 150 millions d’euros [196 millions de dollars US] dus à l’entreprise publique d’électricité Electrica SA. Les travailleurs d’Oltchim ont exigé que le gouvernement rétablisse le financement afin d’assurer la réouverture de l’usine et le paiement des salaires qu’ils n’ont pas reçus depuis deux mois.
La direction de l’entreprise a accepté de négocier avec six représentants des protestataires, mais plus de 100 travailleurs ont envahi l’immeuble de bureaux en contraignant l’ensemble du directoire à démissionner, y compris Constantin Roibu, depuis 1991 le directeur général d’Oltchim. Ponta a condamné les protestations en disant : « Je veux croire que les gens comprennent que nous ne devons pas effrayer les investisseurs maintenant. »
Le 6 septembre, les travailleurs sont retournés dans l’entreprise en protestant pour demander la démission de leur direction syndicale en les accusant d’être responsables de la faillite de l’entreprise. Mihai Diculoiu, dirigeant du syndicat libre d’Oltchim, s’exprimant à partir du ministère de l’Economie à Bucarest, a répliqué qu’il n’avait nullement l’intention de démissionner.
Les protestations ont continué tout au long de la semaine avec de plus en plus de travailleurs qui se sont associés à la demande de démission des dirigeants syndicaux et en revendiquant que leurs emplois soient maintenus malgré la privatisation. Quinze travailleurs ont entamé une grève de la faim et le 13 septembre, Liviu Pop, ministre pour le Dialogue social, lui-même un ancien dirigeant syndical, est arrivé à Oltchim pour parler aux 600 travailleurs protestataires.
Pop a promis que les allégations de corruption feront l’objet d’une enquête et a lancé un appel aux grévistes de la faim de « ne pas faire d’une question économique une question syndicale ; les problèmes de la direction syndicale peuvent être résolus d’une manière organisée, et je le dis en tant qu’ancien dirigeant syndical. » Il a été accueilli par des huées et s'est réfugié dans un immeuble voisin avec l’aide de la police anti-émeute. Il a promis que le gouvernement s’occuperait des préoccupations des travailleurs mais il a refusé de reconnaître la revendication des travailleurs de destituer la direction.
Le 14 septembre, des centaines de travailleurs de l’usine métallurgique Mechel à Campia Turzii ont défilé à travers la ville pour protester contre les licenciements de masse et le démantèlement de l’usine. Les travailleurs ont accusé le groupe russe Mechel, qui opère aussi d’autres aciéries et des atelier de réparation dans le pays, de systématiquement démanteler et de vendre l’usine au prix de la ferraille.
L’hiver dernier, la production a été stoppée à l’usine et 800 salariés ont été licenciés en mars. L’entreprise a annoncé des plans de licenciement concernant 800 autres travailleurs. Une fois de plus, le ministre du Dialogue social, Pop, est allé à Campia Turzii pour déclarer que « nous ne pouvons rien faire d’autre… parce que l’entreprise a souscrit au contrat de privatisation. »
Le gouvernement Ponta qui est soutenu par l’Union social libérale (USL, coalition entre l’ancien Parti social-démocrate stalinien et le Parti libéral national pro libre-marché) était arrivé au pouvoir après les protestations de masse de janvier qui avait renversé le gouvernement conservateur d’Emile Boc. Ponta, qui ne cache pas son admiration pour le président français François Hollande du Parti socialiste, s’est présenté comme un partisan des mesures en faveur de la croissance.
Tout comme son homologue français, Ponta a toutefois poursuivi le programme de coupes sociales du gouvernement sortant et il planifie de nouveaux assauts contre la classe ouvrière. En dépit d’une crise politique qui a été engendrée par un référendum censé chasser le président conservateur Traian Basescu, et dont le dirigeant de l’USL, Crin Antonescu, a dit qu’il a été indispensable pour éviter « cet automne une violence sociale encore plus intense et plus brutale que les protestations de janvier », la poursuite de la politique des deux principaux partis de la bourgeoisie a été assurée.
Dans une lettre d’intention convenue avec les représentants du FMI et de la Commission européenne, Ponta a promis d’introduire une gestion privée dans toutes les entreprises publiques et des licenciements de masse dans les Chemins de fer roumains (CFR), la compagnie aérienne nationale roumaine (Tarom), la poste roumaine et dans le secteur minier. Le gouvernement s’est aussi engagé à réduire les coûts en renégociant les accords chez Tarom et en poursuivant la réduction des dépenses de personnel et d’entretien chez CFR. Dans le cas d’Electrica SA, il projette de finaliser la privatisation d’ici fin 2012 et de réduire dans le même temps le personnel.
Ces mesures représentent les attaques les plus graves à l’encontre de la classe ouvrière depuis les privatisations de masse des années 1990 et elles ne peuvent être appliquées sans provoquer une vaste opposition populaire. Afin de mener à bien ces attaques, le gouvernement compte en premier lieu sur les syndicats.
Depuis la chute du régime stalinien en 1989, ces organisations agissent en tant que cinquième colonne au nom de la nouvelle bourgeoisie et du capital international, en supervisant la destruction systématique de l’ancienne propriété publique. Les syndicats roumains ont été directement impliqués dans la gestion et l’anéantissement des entreprises publiques avant qu’elles ne soient privatisées ou vendues à la casse. Les permanents syndicaux sont devenus exactement comme les politiciens locaux ou d’Etat et qui à leur tour ont été indissolublement liés à une nouvelle couche de multimillionnaires roumains.
Le rôle répugnant joué par les syndicats a incité des millions de travailleurs à quitter ces organisations. Le nombre d’adhérents a chuté drastiquement, passant de 80 pour cent de travailleurs en 1999 à à peine 32,8 pour cent en 2008.
Le processus qui s’est déroulé dans l’ancienne Union soviétique et dans les anciens Etats staliniens d'Europe de l’Est, et qui a abouti à un énorme accroissement de la pauvreté et de la destitution avec la dévastation de villes entières, est actuellement en train de se répéter à Ramnicu Valcea avec la privatisation et l’inévitable fermeture de l’usine. Les moyens d’existence de milliers de familles sont tributaires d’emplois soit à l’usine soit dans des industries et prestations de services annexes. Au fur et à mesure que les travailleurs défendent leurs emplois contre les attaques perpétrées par le gouvernement, ils entreront inévitablement en conflit direct avec le syndicat.
Diverses organisations de la classe moyenne, tel le groupe de protestation CriticAtac ou le Parti de l’Alliance socialiste, promeuvent les syndicats comme moyen pour faire pression sur les principaux partis capitalistes pour les contraindre à changer leur politique. Ces organisations représentent des pièges politiques pour les travailleurs et les jeunes car ils essaient délibérément d’empêcher la mobilisation indépendante de la classe ouvrière.
Les attaques du gouvernement Ponta feront que des sections toujours plus larges de la classe ouvrière se rallieront à la lutte. Rien ne peut être défendu sans une rupture avec la bureaucratie syndicale et la mise en place de nouvelles organisations ouvrières armées d’un programme socialiste et internationaliste.
(Article original paru le 21 septembre 2012)