La dictature des banquiers en Grèce

Les détails, révélés cette semaine, d'une lettre adressée au ministre grec du travail par ce qu'on appelle la troïka, constituée du Fonds monétaire international, de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne, indiquent clairement que la classe ouvrière européenne est arrivée à un carrefour crucial. L'élite financière appelle à une attaque fondamentale contre tous les acquis obtenus par la classe ouvrière au cours du vingtième siècle.

Environ 150 ans après les premières luttes pour la journée de travail de huit heures et un siècle après l'introduction de la première semaine de travail de cinq jours, la troïka exige que les ouvriers en Grèce travaillent 6 ou 7 jours par semaine pour des salaires de subsistance, voire moins. À cette fin, la troïka veut une réduction supplémentaires du salaire minimum, déjà très bas, de la Grèce (€586, ou US$736, par mois), ainsi que de nouveaux pouvoirs, accordés aux employeurs, pour leur permettre de licencier plus facilement les travailleurs.

La lettre de la troïka implique cyniquement que ses mesures combattront le chômage de masse. En fait, le niveau record actuel de chômage de 30 % en Grèce est le résultat direct des mesures d'austérité imposées par la troïka, qui ont dévasté l'économie grecque. Les commentaires de la troïka indiquent pourtant clairement que la classe capitaliste n'acceptera de réengager les travailleurs que dans des conditions de travail équivalant à un quasi esclavage.

Juste avant que la lettre de la troïka ne soit publiée, Martin Schulz, le président du Parlement européen, a demandé que des zones économiques spéciales (ZES) soient mises en place en Grèce. De telles zones, modelées sur les unités de production à base de main-d'œuvre bon marché que l'on trouve dans les pays pauvres asiatiques ou africains, fourniraient des paradis fiscaux aux compagnies pour exploiter les travailleurs sans aucune limite. Schulz a déclaré qu'un tel ZES serait administré par une “agence de croissance européenne”, de façon à ce que des zones semblables puissent être établies à travers le continent européen après leur mise en place en Grèce.

La nomination de Schulz, membre du Parti social-démocrate allemand, comme président du Parlement européen au début de cette année avait été accueillie avec enthousiasme dans les cercles syndicaux. Ils soutenaient que son insistance sur la croissance économique était un tournant vers la gauche de la politique européenne.

En mai, Schulz a chaleureusement accueilli l'élection du nouveau président français, le chef du Parti socialiste, François Hollande. Avec le chef de la coalition SYRIZA grecque, Alexis Tsipras, ils ont été décrits par les syndicats et les partis petits-bourgeois “de gauche” comme une force pour la croissance économique en Europe qui s'opposerait à la politique d'austérité dictée par l'UE et Berlin.

Seulement quelques mois plus tard, ces revendications se révèlent être des mensonges. Au cours des dernières semaines, Hollande s'est aligné sur la chancelière allemande Angela Merkel, pour soutenir de nouvelles mesures d'austérité drastiques pour la Grèce, sachant fort bien que les marchés s'attendent à ce qu'il avance le même ordre du jour en France.

Dans la deuxième décennie du 21e siècle, tous les maux décrits par les chroniqueurs des débuts du capitalisme réapparaissent en Europe. Plus tôt cette année, Le Monde a décrit le travail des enfants en Italie, où des dizaines de milliers d'enfants quittent maintenant l'école pour trouver du travail et aider leurs parents. Le journal a cité l'adjoint au maire de Naples : “Certes, nous avons toujours été la région la plus pauvre d'Italie. Mais là, c'est du jamais-vu depuis la fin de la seconde guerre mondiale… à 10 ans, ces gamins travaillent déjà 12 heures par jour.”

En Allemagne presque un quart de la main-d'œuvre est employée dans le secteur de la main d'œuvre bon marché et des millions de personnes dépendent des versements de l'aide sociale. Un rapport récent révèle que le nombre d'allemands dépendant de façon régulière des distributions de vivres avait augmenté de 300 000 en 2011, et s'élevait à 1,5 millions.

La conséquence des mesures d'austérité que demandent l'élite financière et qu'administrent l'UE et les gouvernements nationaux est la pauvreté de masse. Le mois dernier le chef des opérations européennes d'Unilever, Jan Zijderveld, a déclaré que sa compagnie réexaminait sa stratégie de ventes à la lumière du “retour de la pauvreté” en Europe. Unilever fabrique déjà des produits de formats plus réduits pour les vendre aux clients à faibles revenus en Espagne, en prenant modèle sur ses opérations en Indonésie où, selon Zijderveld, “nous vendons des paquets individuels de shampooing pour 2 à 3 centimes tout en continuant à faire des profits satisfaisants.”

Après la liquidation de l'URSS, les propagandistes du capitalisme soutenaient que les avantages du marché libre élèveraient le niveau de vie des travailleurs dans les pays ex-coloniaux pour qu'il atteigne celui des travailleurs de l'Ouest. En fait, le processus va exactement dans la direction opposée. La paupérisation de la classe ouvrière décrite par Marx et longtemps ridiculisée comme une fantaisie par ses critiques petits-bourgeois, est impitoyablement organisée par une petite élite, de nature parasitaire et fabuleusement riche.

Le caractère réactionnaire et irrationnel du capitalisme européen, qui prépare une immense régression historique pour appauvrir la population et déverser des milliers de milliards d'euros dans les poches de l'aristocratie financière, provoquera inévitablement des luttes massives dans la classe ouvrière.

L'état des relations de classe internationales a été le plus justement résumé par Marx dans sa Contribution à la critique de l'économie politique : “À un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n'en est que l'expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s'étaient mues jusqu'alors. De formes de développement des forces productives qu'ils étaient, ces rapports en deviennent des entraves. Alors s'ouvre une époque de révolution sociale.”

La question cruciale pour la classe ouvrière est de construire un nouveau parti politique international qui ait assimilé toutes les principales expériences des luttes de classes passées et qui propose une authentique perspective révolutionnaire. En Europe cela exige une lutte contre l'Union européenne et tous ses Etats constituants, la prise du pouvoir par la classe ouvrière et la construction des Etats socialistes unis d'Europe, en tant que partie intégrante de la révolution socialiste mondiale.

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