SYRIZA resserre ses liens avec l’Union européenne alors que l’austérité s’intensifie en Grèce

« L’homme, qui il y a quelques mois encore alimentait les cauchemars des dirigeants de l’UE, a l’air tout à fait modéré. Alexis Tsipras est assis dans une salle de réunion du parlement européen à Bruxelles, bien brossé et bien peigné et affichant un sourire aimable. Il n’a rien en commun avec un agitateur ou un combattant de la lutte des classes. S’il portait une cravate, il pourrait passer pour un Grec du genre Markus Söder [politicien bavarois de droite]. »

Tels sont les mots choisis par le quotidien ultra-conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung pour décrire le président de la Coalition de la Gauche radicale grecque (SYRIZA). Ils reflètent non seulement la propre attitude amicale de Tsipras envers l’Union européenne (UE) mais aussi l’attitude positive adoptée par les classes dirigeantes européennes à l’égard de son organisation. Plus les luttes de classes s’intensifient en Europe et plus les forces pseudo-gauches telles SYRIZA sont invitées à encourager les illusions selon lesquelles la classe dirigeante elle-même résoudra la crise dans des termes favorables aux travailleurs.

La semaine passée, Tsipras avait fait une tournée à travers l’Europe, prenant la parone d’abord devant le Parlement européen puis plus tard à Bruxelles avec son président, le social-démocrate allemand Martin Schulz. Schultz avait chaleureusement accueilli son invité. Tsipras a ensuite pris la parole le samedi 29 septembre devant un rassemblement à Hambourg en soulignant que son parti n’était pas opposé aux institutions de l’UE et cherchait plutôt à les soutenir. Tsipras avait déjà rencontré il y a quelques semaines Horst Reichenbach, le chef de la « task force » de l’Union européenne pour la Grèce.

Ces visites ont eu lieu alors que l’UE et le gouvernement grec intensifient les mesures d’austérité en Grèce. Lundi, 1er octobre, la coalition gouvernementale grecque qui comprend le parti conservateur Nouvelle Démocratie (ND), le PASOK social-démocrate et la Gauche démocrate (DIMAR), a présenté son budget pour 2013 au parlement. Le budget prévoit un déclin économique de 6,5 pour cent cette année et de 3,8 pour cent pour l’année prochaine – des chiffres jugés optimistes par de nombreux spécialistes.

La pauvreté de masse, les bas salaires et le chômage, qui dominent d’ores et déjà la vie en Grèce, vont s’aggraver suite au récent plan d’austérité dicté par l’UE et qui réclame des coupes sociales supplémentaires de 13,5 milliards d’euros (17 milliards de dollars.)

Il existe une opposition populaire grandissante à l’encontre du troisième plan d’austérité qui profite presque exclusivement aux banques et aux grandes entreprises. Le premier ministre grec, Antonis Samaras (ND), rencontre de plus en plus de difficultés à imposer les coupes alors que les grèves et les protestations se propagent et que les travailleurs des collectivités locales refusent d’appliquer les lois que ce dernier est en train de faire voter.

Dans ces conditions, SYRIZA prend une signification de plus en plus grande pour l’élite dirigeante. En 2009, ND avait cédé le pouvoir au parti de l’opposition, le PASOK, en espérant que ce dernier, grâce à ses liens avec les syndicats, serait mieux placé pour imposer les coupes budgétaires exigées par les banques. A présent, trois ans plus tard, SYRIZA planifie de jouer le même rôle. Non seulement l’organisation a de l’influence au sein des syndicats, mais elle entretient aussi des liens étroits avec une multitude de groupes petits bourgeois pseudo-gauches grecs avec lesquels elle espère maintenir un contrôle sur l’opposition sociale.

Après les élections, SYRIZA avait promis de ne pas organiser de grèves ou de manifestations. Actuellement, elle soutient des protestations symboliques, telles des « grèves générales » de 24 heures organisées par les syndicats.

Tsipras a aussi déclaré que SYRIZA était prêt à former « dès demain » un nouveau gouvernement. Lors des élections législatives de juin, SYRIZA était arrivée avec 27 pour cent des voix en deuxième position derrière ND.

Depuis les élections de juin, Tsipras a cherché à apaiser l’opposition populaire aux coupes sociales en soulevant un certain nombre de revendications sociales comme la fin des mesures d’austérité. Cependant, un coup d’oeil attentif montre que ses promesses sont creuses.

Depuis la campagne électorale, il a abandonné certaines revendications telles l’annulation des privatisations et des mesures d’austérité précédentes – des revendications qu’il avait cyniquement articulées tout en promettant de rembourser les dettes grecques aux marchés financiers et à l’Union européenne.

Au lieu de cela, SYRIZA s’est simplement borné à critiquer l’actuel plan d’austérité. S’il était appliqué, a-t-il déclaré, les chances pour que les créditeurs internationaux soient remboursés de leurs prêts seraient compromis parce qu’une faillite serait inévitable.

Comme alternative, SYRIZA appelle à une conférence européenne sur la dette pour discuter d’un report du paiement des intérêts et d’une annulation partielle de la dette. En recourant à l’exemple de l’Accord de Londres sur la dette de 1953, qui avait allégé l’Allemagne d’une bonne partie de sa dette, Tsipras a parlé de la nécessité d’un « plan Marshall » pour la Grèce pour stimuler la croissance économique et lui permettre de rembourser sa dette en temps utile.

Il s’est explicitement abstenu de contester les dettes que les travailleurs grecs sont actuellement obligés de repayer. Au lieu de cela, il veut créer les conditions pour que les remboursements aux banques et aux gouvernements étrangers se poursuivent. « La position adoptée par SYRIZA est celle de la stabilité économique, sociale et géopolitique, » a assuré Tsipras le 15 septembre à des hommes d’affaires à l’occasion d’une foire commerciale dans le Nord de la Grèce

En recourant au même discours il a souligné une fois de plus son soutien aux institutions réactionnaires de l’UE : « Le rôle de SYRIZA n'est pas de dissoudre actuellement la cohésion européenne, » a-t-il déclaré. Le parti ne veut que corriger le « parcours tortueux » de l’UE.

Dans un entretien accordé il y a deux semaines au journal argentin Página, Tsipras a été plus spécifique, réclamant une union politique plus étroite et davantage de pouvoirs pour la banque centrale du continent. Il a dit : « L’euro est un phénomène mondial unique. Nous disposons d’une monnaie commune, c’est-à-dire une union monétaire, mais ce qui nous manque c'est une union politique et une Banque centrale européenne capable de fournir une aide à chaque pays en Europe. »

En tant que modèle pour une telle perspective, Tsipras a nommé le premier ministre italien Mario Monti. Lors de la foire commerciale grecque il a déclaré : « Lors de cette élection nous avons raté l’occasion d’avoir aujourd’hui un gouvernement capable d’obtenir tout ce que le peuple grec a le droit de recevoir, les choses que les autres ont obtenues lors du dernier sommet du 26 juin, à savoir, le premier ministre italien, qui a réalisé la recapitalisation directe des banques sans alourdir la dette publique du pays. »

En fait, en échange d'assurances d’un soutien financier, Monti a imposé cette année de sévères coupes sociales totalisant 26 milliards d’euros.

En s’inscrivant dans cette perspective, SYRIZA lance des appels de plus en plus nationalistes. Le 16 septembre, dans un discours prononcé par Tsipras lors d’une manifestation en Grèce il a déclaré qu’il tenait à lancer une invitation « patriotique et démocratique » à tous les Grecs à reconstruire le pays. Plus loin dans son discours, il a ajouté, « Ce chemin ne sera pas recouvert d’un tapis rouge et de pétales de rose, » préparant ainsi la population à une nouvelle vague de sacrifices.

(Article original paru le 4 octobre 2012)

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