Les mineurs sud-africains bravent la répression

Vendredi, 19 octobre, le groupe Gold Fields s’est vanté de ce que la menace de licenciements de masse avait réussi à contraindre les 9.000 travailleurs de son site Beatrix et 90 pour cent des 14.300 travailleurs du site KDC Est à reprendre le travail. Mais, une nouvelle grève des mineurs de platine à la mine de Marikana de Lonmin a porté un coup aux efforts déployés pour venir à bout du soulèvement de la classe ouvrière tandis que des dizaines de milliers de travailleurs continuent la lutte.

Les travailleurs de Marikana ont cessé le travail jeudi pour défendre leurs collègues victimes d’interpellation et de persécution de la police. Les mineurs de Marikana avaient commencé la vague actuelle de grève en août et avaient refusé de reprendre le travail après que 34 mineurs avaient été abattus et 78 autres blessés par la police. Les grèves s’étaient répandues après que Lonmin avait accepté une augmentation de salaire de 22 pour cent dans le but de régler le conflit à Marikana, ce qui avait suscité des revendications pour des augmentations de salaires identiques dans l’ensemble de l’industrie minière. Les rapports sont imprécis mais l’on estime qu’entre 80.000 et 100.000 mineurs ont fait grève à divers moments.

Dans le compte rendu le plus détaillé des récents événements, le Daily Maverick, remarque qu’à peine une semaine avant l’ouverture d’une enquête officielle sur le massacre de Marikana, la police a mené une vague d’arrestations de militants et de dirigeants de la grève.

Le 15 octobre, les travailleurs de la mine de Marikana ont réussi à empêcher l’arrestation par des gardes de la sécurité du dirigeant de la grève « Rasta » Thembele Sohadi au moment où il arrivait pour pointer à son travail à Three Shaft. La police l’attendait devant l’entrée principale. Le 17 octobre, Xolani Nzuza, un dirigeant du comité de grève ad hoc, et un gréviste nommé Mzet ont été arrêtés et détenus au secret. Ils devraient être inculpés de deux meurtres dont celui d’un responsable du syndicat des mineurs National Union of Mineworkers (NUM).

Plusieurs autres mineurs, tous des témoins de ce qui s’était passé lors du massacre du 16 août, se trouvent parmi les personnes arrêtées. Le Daily Maverick s’est concentré sur le cas de Bangile Mpotyie, qui a été arrêté le 14 octobre pour fraude bien qu’aucune accusation officielle n’ait été déposée par Lonmin.

Mptoye avait été arête une première fois le 20 août et accusé d’avoir tiré et tué un policier. Il ne fut libéré qu'au bout de quatre jours de bastonnade et de torture.

« Ce qui est surprenant, c’est que Mptotye affirme que la police l’a emmené tous les jours sur le carreau de la mine de Lonmin et que les bastonnades qu’il a subies avaient eu lieu à Lonmin, » a rapporté le Daily Maverick. « Un avocat travaillant sur différentes affaires de Marikana a dit qu’il était clair qu’il s’agissait là d’une vague de terreur visant à intimider des témoins qui sans cela témoigneraient devant la Commission Farlan. »

L’intimidation à Marikana est l’exemple le plus flagrant d’une vaste campagne impliquant des dizaines de milliers de personnes licenciées ou menacées de licenciement ainsi que des arrestations de masse et de brutalité policière.

Gold Fields, le quatrième plus grand producteur d’or mondial, a aussi menacé de licencier 8.500 grévistes de son site KDC East. Un porte-parole de la société a déclaré, « Les descentes de la police dans les foyers et le désarmement des grévistes ont redonné confiance aux travailleurs pour reprendre le travail. »

Le groupe minier Anglo Americain Platinum Ltd. (Amplalts) a dit qu’il envisageait d’aller de l’avant avec le licenciement de 12.000 mineurs sur son site de Rustenberg mais qu’il discuterait de leur statut avec les syndicats reconnus. Il a fait état d’une présence de seulement 20 pour cent sur le site.

Atlatsa Resources a licencié 3.000 employés à sa mine de platine Bokoni.

Le Mail & Guardian a décrit le 18 octobre comment les grévistes de la mine Kumba Iron Ore de Sishen se sont rassemblés près du tribunal de Kathu en solidarité avec 47 travailleurs arrêtés deux jours auparavant. Les demandes de libérations sous caution des travailleurs ont été rejetées par le tribunal et une deuxième audition a été reportée au 26 octobre en violation d’une loi affirmant que nul ne peut être détenu au-delà de 48 heures sans inculpation.

Les grèves ont affecté Lonmin, Aquarius, Impala, Anglo Americain Platinum, Royal Bafokeng Platinum, Xstrata, AngloGold Ashanti, Gold Fields, Gold One, Harmony Gold, Kumba Iron Ore, Petra Diaminds, Forbes, Manhattan Coal et Samancor. En plus des mineurs, 180.000 employés municipaux et conducteurs d’autobus ont débrayé cette semaine. Toyota a interrompu mercredi la production à son usine de Durban à cause d’une grève chez un fournisseur de pièces détachées.

L’atmosphère dans les régions minières a un caractère insurrectionnel alors que les bâtiments de la mine, les briseurs de grève, la police et les postes de police sont attaqués. Des minibus et des taxis transportant des briseurs de grève ont été incendiés.

Les troubles visent tout particulièrement le syndicat National Union of Mineworkers (NUM) qui est considéré comme étant la force de police des entreprises au sein des travailleurs. Le secrétaire général du NUM, Frans Baleni, s’est récemment vanté de ce que son organisation a dépensé un million de rands pour une campagne menée pour mettre un terme aux grèves sauvages. Il a dit que c’était « de l’argent bien dépensé » pour « faire comprendre aux gens le danger auquel ils s’exposent, eux et le pays, » en dénonçant « les gens qui sèment l’anarchie et organisent le sabordage économique. »

« Il suffit tout juste d’une mine pour briser cette grève, » a-t-il ajouté.

Le Mail & Guardian a parlé d’une organisation qui subit « une implosion lente, sûre et violente. » Il souligne que le NUM affirme qu’en tout et pour tout cette année 13 responsables locaux du NUM ont été tués par des grévistes et des centaines de travailleurs d’Amplats se sont rendus ce mois-ci devant les sièges régionaux du NUM à Rustenberg en manifestant et revendiquant la résiliation immédiate de leur adhésion au syndicat.

Chez Lonmin et chez Implats, le NUM a perdu au moins 20.000 membres. Le nombre d’adhérents du NUM chez Implats a actuellement chuté de 70 à 13 pour cent et le nombre réel pourrait même être inférieur parce que les travailleurs ne prennent pas la peine de quitter officiellement le syndicat. Le syndicat est rapidement en train d’arriver à extinction.

Des journalistes du Daily Maverick se sont rendus à la mine de Gold Fields KDC West à Carletonville avant que la grève n’y prenne fin. Les grévistes ont expliqué que quelque 1.500 d’entre eux n’avaient pas repris le travail jeudi parce qu’ils attendaient que le président du NUM, Senzeni Zokwana, soutienne officiellement la proposition faite par la Chambre des Mines, comme il l’avait promis lors de sa visite à la mine mercredi. C'est alors qu'ils ont alors découvert qu’ils avaient été licenciés.

Jeffrey Mphahlele, secrétaire général du syndicat dissident l’Association of Mineworkers and Construction Union (AMCU), est intervenu pour convaincre les travailleurs de reprendre le travail vendredi tout en déchirant leurs cartes du syndicat NUM et rejoignant le nouveau syndicat. Les travailleurs revendiquent actuellement, en plus d’une égalisation des salaires et de l’annulation de tous les licenciements, que les dirigeants du NUM chez KDC West démissionnent. Ils menacent de reprendre leur grève si ces revendications ne sont pas satisfaites.

L’AMCU aurait également joué un rôle déterminant en empêchant que la grève à Marikana ne se transforme en une grève sauvage indéfinie. Selon un autre article paru dans le Daily Maverick, un « représentant de l’AMCU et l’avocat du syndicat ont réussi à convaincre les gens qu’une nouvelle grève n’était pas le moyen le plus judicieux pour atteindre leurs objectifs. »

Le nombre d’adhérents de l’AMCU avoisine un peu plus de 50 pour cent à la fois chez Implats et chez Lonmin, niveau requis pour que l’AMCU soit reconnu comme organe officiel de négociation. Il profite de la haine largement répandue à l’égard du NUM et recourt à la confiance qui lui est témoignée pour rétablir l’ordre. De nombreuses grèves sont toutefois menées par des comités de grève ad-hoc.

(Article original paru le 20 octobre 2012)

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