Une escouade de 7000 policiers provenant des quatre coins de la Grèce avait été assemblée place Syntagma pour empêcher que les travailleurs grecs en colère ne manifestent. Malgré cette intimidation d’État, des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées à l’extérieur du parlement.
Avant la manifestation, les policiers arrêtaient sans distinction les gens qu’ils considéraient suspects. Les protestataires ont dû franchir plusieurs postes de contrôle d’identité.
Pendant que des tireurs d’élite de la police étaient positionnés sur les toits entourant la place, des forces antiémeutes ont tenté de provoquer les manifestants et les ont attaqués en utilisant des grenades incapacitantes, des gaz lacrymogènes et la matraque. Au moins 193 personnes auraient été arrêtées. Les policiers avaient au départ tenté d’empêcher tout rassemblement au cœur de la ville, mais ils ont finalement accepté qu’une manifestation se déroule place Syntagma.
Les manifestants brandissaient des pancartes sur lesquelles on pouvait lire: « Allez-vous en, vous n’êtes pas les bienvenus, impérialistes », « Arrêter le Quatrième Reich », ou « Hors de l’UE et du FMI ». Certains portaient des uniformes de l’armée allemande ou faisaient brûler des svastikas. Plusieurs pancartes attaquaient les mesures d’austérité que le gouvernement grec a fait adopter en négociations avec l’Union européenne.
Le premier ministre grec Antonis Samaras (Démocratie nouvelle) et la chancelière allemande Angela Merkel (ont démontré une apparente harmonie) lors de leur conférence de presse conjointe. Merkel a commencé son discours en déclarant que « Je souhaite vous remercier pour l’accueil chaleureux. Nous sommes des partenaires et des amis ».
Elle a félicité le premier ministre grec pour le progrès fait dans les coupes budgétaires, mais a aussi précisé qu’elle s’attendait de la Grèce qu’elle mette en œuvre les coupures dictées par l’UE. Elle a ensuite promis cyniquement de permettre le transfert de 30 milliards d’euros que l’UE avait accepté de verser plus tôt cette année.
Lundi, les ministres de la zone euro ont émis un ultimatum au gouvernement grec : si le cabinet grec ne réussissait pas à mettre en œuvre les coupures adoptées en mars dernier, le paiement de la prochaine tranche d’aide ne serait pas versé et la Grèce serait acculée à la faillite.
La dirigeante Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde a déclaré : « L’action signifie l’action, non la discussion ».
Concrètement, les représentants de la troïka (la Banque centrale européenne (BCE), le FMI et la Commission européenne) exigent qu’Athènes coupe davantage dans les pensions, les salaires et les dépenses sociales, pour un total de 4.5 milliards d’euros. En fait, les soi-disant prêts d’urgence fournis par la troïka servent à payer les banques et les spéculateurs grecs et internationaux.
Le gouvernement allemand a joué un rôle central pour imposer et mettre en œuvre les dictats de l’UE. Klaus Masuch de la BCE et Matthias Mors de la Commission de l’UE sont deux des trois représentants de la troïka à Athènes qui ont des liens directs avec la chancellerie allemande. Berlin est directement intervenu à maintes reprises afin de corriger les décisions de la troïka.
Lors de la conférence de presse, Merkel a répété les demandes des représentants allemands de la troïka : que la Grèce non seulement se conforme aux coupures, mais qu’elle fasse de soi-disant réformes structurelles. Il s’agit de nouvelles lois du travail pour couper dans les salaires, d’introduire de plus longues heures de travail et de plus courtes pauses, puis de décimer les droits des travailleurs.
Le but de ces mesures est de permettre aux compagnies de s’enrichir aux dépens de la classe ouvrière grecque. Les conditions de travail misérables en Grèce serviront aussi comme levier pour démanteler les standards sociaux à travers l’Europe. Lundi après-midi, Merkel a rencontré des représentants des cercles d’affaires grecs et allemands pour discuter de plans concrets à cette fin.
Les mesures, mises en œuvre au cours des deux dernières années en Grèce par Athènes et l’UE, ont déjà mené à une catastrophe sociale sans précédent. Les salaires et les pensions ont été réduits de plus de 60 pour cent et le chômage a augmenté à plus de 24 pour cent, le chômage chez les jeunes ayant atteint 55 pour cent. Au cours des quatre dernières années, la production économique grecque a chuté d’environ 20 pour cent ; la chute du PIB pour cette année a été récemment revue à la hausse, à 7,1 pour cent.
Prenant la parole après Merkel, le premier ministre grec a aussi appelé à intensifier l’offensive sur la classe ouvrière. « Nous atteignons de plus en plus nos objectifs, et nous continuerons ainsi », a déclaré le premier ministre, ajoutant : « Nous ne demandons pas plus d’argent, ni de concessions particulières ».
Toutes les attaques sociales au cours des dernières années ont été menées par des gouvernements successifs qui travaillaient étroitement avec les institutions européennes. À la demande de l’élite financière grecque, les mesures d’austérité ont été imposées, affectant les travailleurs et les pauvres, mais épargnant les super-riches.
Au cours des dernières semaines, il est apparu que depuis 2010, Athènes a été en possession d’une clé USB contenant des données datant de 1991, avec une liste de citoyens grecs qui possédaient un compte à la branche de Genève de la Banque HSBC. Cette liste aurait pu être utilisée pour trouver les fraudeurs fiscaux. Selon certaines estimations, les millionnaires grecs ont déposé jusqu’à 600 milliards d’euros dans les comptes bancaires suisses – une somme dépassant de loin la dette nationale.
Le scandale entourant la clé a révélé les liens étroits entre l’élite politique grecque et les super-riches. Bien que le ministère de la Finance ait eu les données en sa possession pendant deux ans, elles n’ont jamais été transmises aux autorités fiscales. Les journaux ont maintenant révélé qu’au moins 60 politiciens des partis dirigeants sont listés sur la clé USB.
Selon le New York Times, il y a une autre liste avec les noms de 54.000 Grecs qui ont transféré 30 milliards d’euros à l’étranger depuis le début de la crise.
Cette politique d’enrichissement de l’élite financière aux dépens des travailleurs grecs est la base de cette rencontre amicale entre Merkel et Samaras. Cette politique n’est plus compatible avec les droits démocratiques. À la place, la classe dirigeante européenne implante des mesures d’état policier et des formes autoritaires de gouvernement).
Lorsque 350 ouvriers des chantiers navals ont manifesté à l’extérieur du ministère de la Défense jeudi dernier, exigeant de nouvelles commandes et le paiement de leurs salaires, la police les a attaqués avec des gaz lacrymogènes et des matraques. Dimanche, la police a dispersé une manifestation de travailleurs de la régie de l’électricité qui protestaient contre les réductions d’impôts pour les riches. Apparemment, 18 personnes ont été arrêtées et détenues.
Mardi, le Guardian a rapporté que 15 manifestants, qui protestaient contre le parti fasciste Chrysi Avgi (Golden Dawn), ont été arrêtés et torturés par la police. Plusieurs reportages ont documenté l’étroite collaboration entre des sections de la police grecque et les bandes fascistes.
L’instrument principal de l’élite dirigeante pour casser la résistance des travailleurs, toutefois, sont les syndicats et les groupes pseudo-gauche, qui cherchent à détourner la colère des travailleurs vers des voies inoffensives et qui sèment des illusions dans l’UE. Ces organisations sont en contact constant avec les hauts responsables du gouvernement et de l’UE. Mercredi dernier, la direction de la plus importante confédération syndicale, la GSEE, s’est entretenue avec le président du Gauche démocratique (DIMAR), Fotis Kouvelis, un membre du gouvernement de coalition.
Pendant ce temps, lundi, le président de la Coalition pour une alternative de gauche (SYRIZA), Aleksis Tsipras, a pris part aux manifestations au Syntagma Square et a proposé un terme aux coupures. Au même moment, il a défendu l’UE – l’instrument principal de l’élite financière pour imposer ces coupures. Dans un article du Guardian lundi, il a appelé à renforcir les institutions européennes et à créer une union politique pour l’UE.
Tsipras a été appuyé par le président du (Parti de gauche) allemand, Bernd Riexinger, qui a aussi pris part à la manifestation à Athènes. Le Parti de gauche a non seulement permis l’adoption du sauvetage des banques en Allemagne, mais a aussi imposé des coupes sociales dans les états de Berlin, Brandenburg et en Rhénanie du nord-Westphalia. Il n’est donc pas surprenant que la revendication principale de Riexinger était que Merkel rencontre Tsipras pour des pourparlers