Le gouvernement Obama a ordonné un renforcement majeur des forces militaires américaines dans le golfe Persique alors que les sanctions économiques punitives imposées au cours de la semaine passée à la fois par les Etats-Unis et l’Union européenne intensifient nettement les tensions envers l’Iran. Le Pentagone a déployé un grand nombre de navires de guerre dans le golfe Persique même et des avions de guerre dans les pays avoisinants.
Selon un article publié mardi dans le New York Times, l’objectif de ce renforcement, est d’envoyer divers « signaux » -- mettre en garde l’Iran contre toute tentative de fermer le stratégique détroit d’Ormuz, convaincre Israël de ne pas perpétrer sa propre attaque contre les installations nucléaires et détourner les critiques des Républicains à l’encontre d’Obama selon lesquelles celui-ci se montrerait « faible » face à l’Iran.
Qu’il s’agisse ou non là des réelles intentions du renforcement militaire américain, l’effet en est d’ajouter un état d’alerte immédiate à la menace d’une confrontation armée qui pourrait provoquer une guerre nucléaire dévastatrice. Les conséquences d’une telle guerre seraient incalculables en termes de vies humaines, de destruction physique et de perturbation économique dans toute la région et internationalement.
La marine américaine, rapporte le Times, « a doublé le nombre des dragueurs de mines impartis à la région en les faisant passer à huit » alors que l’armée de l’air américaine a déployé, depuis le printemps dernier dans les bases américaines de la région « des avions de chasse furtifs F-22 et des F-15 plus anciens ». Ces avions de combat s’ajoutent aux « avions de chasse qui se trouvent déjà dans la région ainsi qu’aux groupes aéronavals qui patrouillent en permanence la région. »
Selon le Times, « Ces avions de combat additionnels confèrent à l’armée américaine une plus grande capacité contre les batteries de défense côtière dotées de missiles susceptibles de perturber la navigation et de frapper d’autres cibles à longue portée se trouvant plus loin à l’intérieur de l’Iran. »
De plus, l’armée a expédié dans le golfe Persique l’USS Ponce, un bâtiment de transport amphibie spécialement transformé en « base flottante avancée ». Equipé d’un pont d’atterrissage pour hélicoptères, d’un hôpital flottant et d’un grand nombre de couchettes pour les forces d’opérations spéciales, il peut être utilisé comme plate-forme flottante pour des attaques par mer, air et terre contre l’Iran.
L’article du Times, qui semble être motivé par une tentative délibérée du gouvernement Obama et du Pentagone d’intimider l’Iran, regorge d’une rhétorique hautement provocatrice et belliqueuse émanant de « hauts responsables du gouvernement » restés anonymes.
« Lorsque le président dit qu’il y a d’autres options sur la table en dehors des négociations, il le pense, » a dit un responsable, faisant allusion au renforcement militaire dans le golfe.
« Le message à l’adresse de l’Iran est, ‘n’y pensez même pas’ » dit le Times en citant le « haut responsable du Département de la Défense » anonyme. « Ne pensez même pas à fermer le détroit. Nous déblaierons les mines. Ne pensez même pas à envoyer vos vedettes rapides pour harceler nos navires ou notre navigation commerciale. Nous les enverrons au fond du Golfe. »
Le véritable message est que Washington est en train de traiter le golfe Persique comme un lac américain dans des conditions où les Etats-Unis et leurs alliés européens intensifient des sanctions économiques qui ressemblent de plus en plus à un blocus, un acte de guerre.
Dimanche, l’Union européenne, qui comptait auparavant pour plus d’un cinquième des exportations pétrolières iraniennes, a mis en place un embargo total sur le pétrole iranien. Cette décision fait suite à des sanctions plus radicales encore imposées par les Etats-Unis et qui pénalisent des pays tiers en refusant aux banques et aux entreprises faisant des affaires avec la banque centrale iranienne l’accès au système bancaire et financier américain.
Ces mesures s’ajoutent à une série de sanctions adoptées précédemment et qui, ensemble, auraient réduit les exportations pétrolières de l’Iran d’environ 40 pour cent depuis l’année dernière. Le véritable impact de cette guerre économique est ressenti par la population laborieuse en Iran sous la forme d’une forte hausse des prix des produits de première nécessité et d’un chômage croissant.
Le but évident de ces sanctions est d’obliger le gouvernement iranien à s’incliner devant les ultimatums occidentaux visant le programme nucléaire du pays. Les Etats-Unis et leurs alliés ont à plusieurs reprises formulé des accusations exemptes de tout fondement comme quoi le gouvernement iranien cherchait à développer des armes nucléaires. Téhéran a nié ces allégations en insistant que son programme nucléaire était de nature pacifique.
Un autre tour des pourparlers interrompus entre l’Iran et les soi-disant pays P5+1 – les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies plus l’Allemagne – ont eu lieu mardi à Istanbul, bien qu’à un niveau inférieur par rapport aux négociations précédentes. La session s’était tenue entre des experts nucléaires d’Iran et des principales puissances pour déterminer si des interprétations techniques divergentes entravaient les pourparlers.
Les discussions engagées à Moscou le mois dernier avaient toutefois abouti à une impasse, parce que les Etats-Unis et leurs alliés avaient issu une série d’ultimatums à Téhéran – pour qu’ils mettent fin à leur enrichissement d’uranium à 20 pour cent, renoncent à leur stock d’uranium enrichi et ferment leur usine de Fordow d’opérations d’enrichissement d’uranium. Les Etats-Unis et leurs alliés ont toutefois, écarté d’un revers de la main les demandes iraniennes de reconnaître le droit de l’Iran d’enrichir l’uranium en vertu du Traité de non-prolifération nucléaire et de lever les sanctions économiques.
Téhéran a questionné les déclarations comme quoi Washington avait la volonté de résoudre la question nucléaire par des moyens diplomatiques. « Beaucoup de gens commencent à penser qu’il y a peut-être des objectifs spécifiques pour tirer en longueur les négociations en empêchant leur réussite, » a dit le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Ramin Mehmanparast, lors d’une séance d’information hebdomadaire. « Une des options est peut-être qu’il y a un lien avec les élections [présidentielles] américaines.
Les hauts responsables du Pentagone cités mardi par le New York Times ont publiquement précisé que la confrontation au sujet du programme nucléaire iranien était en grande partie un prétexte pour recourir à une agression économique et militaire dans la poursuite des intérêts stratégiques américains.
« Il ne s’agit pas seulement des ambitions nucléaires iraniennes, mais des ambitions hégémoniques régionales de l’Iran, » a dit un responsable du Département de la Défense au Times. « C’est là un ensemble complexe de la puissance militaire américaine qui est une preuve tangible pour tous nos alliés, partenaires et amis qu’alors même que les Etats-Unis se tournent vers l’Asie, nous restons vigilants partout au Moyen-Orient. »
En d’autres termes, l’Iran est considéré être un obstacle aux « ambitions hégémoniques » des Etats-Unis dans les régions riches en pétrole du golfe Persique et d’Asie centrale. Après avoir passé la dernière décennie à mener deux guerres, en Afghanistan et en Irak, les Etats-Unis planifient à présent une troisième guerre bien plus dangereuse contre le pays qui se situe entre les deux, l’Iran.
Le parlement iranien, le Majlis, a réagi à l’intensification de l’agression occidentale en menaçant de fermer le stratégique détroit d’Ormuz à la navigation en provenance des Etats-Unis, de l’UE et d’autres pays soutenant l’embargo contre le pétrole iranien. Une résolution à cet effet a été adoptée par la Commission sur la sécurité nationale et la politique étrangère du Majlis avec 120 membres du parlement l’appuyant par leur signature. Un porte-parole du gouvernement a dit que si la mesure était approuvée par l’ensemble du parlement, Téhéran serait obligé d’agir conformément.
Entre-temps, les Gardes révolutionnaires de l’Iran ont débuté lundi trois jours de manoeuvres militaires, en tirant des missiles balistiques à moyenne portée sur des bases ennemies factices dans le désert iranien. L’un des missiles, le Shahab-3 d’une portée de 800 miles (1300 km), est capable d’atteindre tout autant Israël que les bases militaires américaines dans toute la région.
« C’est une réponse à l’impolitesse politique de tous ceux qui disent que toutes les options sont sur la table, » a dit le général Hossein Salami en expliquant les essais de tirs.
Egalement lundi, des responsables iraniens se sont joints aux parents des 209 personnes, dont 66 enfants, tuées lors de la destruction le 3 juillet 1988 de l’avion du vol Iran Air Flight 655. La commémoration du 24ème anniversaire eut lieu près de Bandar Abbas, le port iranien où le vol fut touché juste après le décollage par un missile tiré du croiseur américain USS Vincennes.
Dans un communiqué publié lundi, le ministère iranien des Affaires étrangères a dit : « Ce crime inhumain est la preuve concrète de l’innocence de la nation iranienne et [fournit] un témoignage clair que les Etats-Unis ne sont engagés à respecter aucune norme et aucun principe juridique et éthique international, et (il) demeurera dans la mémoire historique de la nation iranienne. »
(Article original paru le 4 juillet 2012)