Incapables de rembourser les intérêts sur les énormes dettes, les gouvernements régionaux demandent au gouvernement central de les renflouer – malgré le fait que Madrid est elle-même tellement engluée dans la crise financière que ceci pourrait entraîner l’incapacité pour le gouvernement espagnol de rembourser sa dette.
Il y a deux semaines, le gouvernement a créé un Fonds régional de liquidité (FLA) doté de 18 milliards d’euros, un système permettant aux régions à court d’argent d’accéder à des ressources sous des conditions strictes fixées par Madrid. Celles-ci prévoient la notification de toute opération de crédit à court et à long terme, une prise en charge du remboursement des dettes des régions par le gouvernement central et l’imposition d’un plan de réduction du déficit prévoyant un échéancier détaillé des remboursements pour la prochaine décennie.
Il s’agit d’une imitation des exigences attachées au fonds de sauvetage de l’Union européenne et dans lequel la « troïka » – la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire International, FMI – en fin de compte mène la danse.
Les régions qui ont à faire face aux plus fortes échéances de la dette sont la Catalogne (5,8 milliards d’euros), Valence (2,9 milliards d’euros), l’Andalousie (1,6 milliard d’euros), Madrid (1,3 milliard d’euros), La Rioja (940 millions d’euros) et Castille-La Manche (705 millions d’euros). Elles sont incapables de réduire leurs dettes malgré l’imposition de vastes mesures d’austérité. A ceci vient s’ajouter le fait que Madrid a exigé cette année une réduction de 18 milliards d’euros des dépenses régionales dans le but de ramener le déficit régional à 1,5 pour cent.
Les mesures d’austérité imposées par ces régions – qui ont la responsabilité de l’éducation, des prestations de soins de santé et des services sociaux en dépensant 4 euros sur dix en deniers publics – sont en train d’aggraver la pauvreté dans un pays qui est déjà aux prises avec un taux de chômage de 23 pour cent.
D’après les données les plus récentes, les recettes des régions ont baissé de 6,15 pour cent au premier trimestre de cette année. Leurs deux principales sources de revenus, l’impôt sur les transactions financières et les droits d’enregistrement et de timbre, ont chuté de 23 pour cent. L’éclatement de la bulle immobilière a signifié que les lucratifs frais de permis de construire ont également dégringolé.
Valence a été la première à solliciter l’aide du FLA. L’on estime qu’elle nécessite environ 3 milliards d’euros en fonds d’urgence. Les agences de notation ont dégradé la note de ses dettes dans la catégorie spéculative (« junk »). Après avoir nié que des responsables du gouvernement de Valence avaient voulu demander l’aide du FLA, le ministre des Finances, Cristóbal Montoro, a dit que la région sera « obligée de se soumettre à de nouvelles conditions », c’est-à-dire de nouvelles mesures d’austérité.
Dimanche, Murcie a annoncé vouloir solliciter entre 200 et 300 millions d’euros de Madrid pour consolider ses finances. Ramón Luis Valcárcel, le président de la région de Murcie, a dit que les conditions seraient « très dures… personne ne doit penser que nous recevrons l’argent pour rien ».
Le ministre des Finances de Castille-La Manche, Arturo Romaní, a également déclaré que sa région était en quête d’un renflouement, en déclarant « nous sommes très préoccupés par notre trésorerie ».
La Catalogne, l’Andalousie, les Canaries, les îles Baléares et une ou deux autres régions devraient les rejoindre. En contrepartie du prêt, Madrid exigera un contrôle plus strict des dépenses régionales sous la menace d’une intervention directe.
La demande d’aide des régions n’a fait qu’accroître la spéculation comme quoi l’Espagne aura besoin d’un sauvetage. Cela éclipserait les renflouements déjà accordés à la Grèce, à l’Irlande et au Portugal.
Jusqu’ici, Madrid a été en mesure d’éviter de solliciter officiellement un sauvetage des autorités européennes et internationales. Toutefois, les marchés financiers interprètent à présent les problèmes de liquidité des régions – qui doivent rembourser près de 16 milliards d’euros avant la fin 2012 – comme rendant inévitable le fait que Madrid demandera un renflouement.
Lundi, le taux de rendement des obligations espagnoles a atteint un record, motivé par les craintes que l’Espagne puisse avoir besoin d’un sauvetage de sa dette souveraine, valant des centaines de milliards de plus que ceux octroyés à la Grèce, à l’Irlande et au Portugal. La hausse s’est poursuivie mardi, alors que les prêteurs ont exigé du gouvernement espagnol un nouveau taux d’intérêt record pour la région euro et qui s’élève à 7,57 pour cent à dix ans et attaché à sa dette souveraine. Les couvertures de défaillance (« credit default swaps ») qui servent de garantie contre une défaillance de l’Espagne sur sa dette souveraine ont aussi atteint un nouveau record. De plus, la bourse de Madrid a chuté de deux pour cent.
Avant même l’éclatement de la crise actuelle, le Fonds monétaire international avait prédit que la production nationale de l’Espagne (PIB) se contracterait de 0,6 pour cent en 2012, alors qu’il avait antérieurement prévu un accroissement de 0,1 pour cent. Les prévisions du FMI n’ont pas non plus pris en compte l’impact récessionnaire des coupes dans les dépenses publiques à hauteur de 65 milliards d’euros et des hausses de taxes adoptées dernièrement par le gouvernement du Parti populaire.
Fernando Restoy, le gouverneur adjoint de la Banque d’Espagne, a dit aux journalistes que « les tensions actuelles sur les marchés reflètent les problèmes en Espagne et dans la zone euro…Nous avons besoin de plus d’ajustements, de nouvelles réformes pour restaurer la confiance des marchés, et davantage de mécanismes qui renforceront la zone euro. »
La nouvelle crise à laquelle l’UE est confrontée est survenue après que les ministres des Finances de la zone euro ont accepté vendredi un renflouement de 100 milliards d’euros pour éviter l’effondrement du système bancaire espagnol. En échange, le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy a introduit un plan d’austérité de 65 milliards d’euros sous forme de réductions des dépenses et d’augmentations d’impôts visant directement les travailleurs espagnols et les chômeurs.
Avec la récente augmentation des taux d’intérêt des obligations espagnoles qui seront insoutenables à long terme, les marchés veulent que Madrid intensifie sa politique d’austérité anti-classe ouvrière.
Ces mesures ont d’ores et déjà provoqué une massive opposition de la part de la classe ouvrière. Jeudi dernier, plus d’un million de personnes ont protesté dans 80 villes contre le dernier budget du gouvernement du Parti populaire (PP) et ce, après plusieurs jours de contestation spontanée des fonctionnaires, des sapeurs-pompiers et même de la police.
L’appel à plus de mesures d’austérité lancé par les gouvernements régionaux signifiera la destruction de ce qui reste de l’État-providence. Les travailleurs espagnols subissent une destruction continue de leurs niveaux de vie. Chaque semaine un nouveau rapport paraît mettant en évidence une baisse des salaires, une hausse du chômage et une aggravation de la situation.
La classe dirigeante espagnole et partout dans le monde recourt à la crise pour revenir sur les acquis sociaux obtenus par la classe ouvrière au cours d’amères luttes sociales menées ces 150 dernières années. C’est ce qui a dernièrement été exprimé par le responsable de l’Économie et du Budget de la Région de Madrid, Percival Manglano, qui a déclaré que l’éducation ne devrait pas être gratuite. Il a ajouté que l’Espagne devrait adopter un modèle d’éducation différent parce qu’« il n’est pas viable et parce qu’il n’y a pas d’argent ».
Rien n’est plus révélateur du caractère du système capitaliste que l’un de ses serviteurs grassement rémunérés qui déclare qu’il « n’y a pas d’argent » pour l’éducation, pendant que des milliards sont versés dans les coffres des banques.
(Article original paru le 25 juillet 2012)