Perspective

La tragédie d’Aurora, au Colorado: la dernière fusillade de masse en date aux États-Unis

Au cours du dernier épisode en date d’un cauchemar américain qui se poursuit, un jeune de 24 ans serait entré vendredi juste après minuit dans un cinéma bondé lors d’une projection de The Dark Knight Rises à Aurora, au Colorado, et a ouvert le feu, en tuant au moins 12 personnes et blessant 59 autres. On compte de jeunes enfants parmi les personnes tuées et blessés.

Du président des États-Unis au gouverneur du Colorado – tous deux démocrates – tous se sont immédiatement efforcés de limiter les dégâts. La tragédie, a-t-on annoncé au public, est « insensée » et « inexplicable » – et n’a en tout état de cause rien à voir avec l’état de la société américaine.

Treize ans après la tuerie qui s’était produite à l’école secondaire Columbine, à une trentaine de kilomètres seulement de l’atrocité qui a eu lieu vendredi (Voir : “The Columbine High School massacre: American Pastoral ... American Berserk”) et après d’innombrables autres fusillades de masse les années d’après, dont le massacre qui eut lieu à l’université Virginia Tech en 2007 et la tentative d’assassinat de la représentante du Congrès, Gabrielle Giffords en 2011, les arguments de l’establishment ne sont pas simplement banals et superficiels, ils empestent la mauvaise foi.

La police a identifié le tireur du cinéma comme étant James Eagan Holmes, originaire de San Diego, en Californie. En 2011, Holmes s’était inscrit pour des études en neurosciences à la faculté de médecine de l’Université du Colorado à Aurora, une banlieue de Denver, mais s’apprêtait à quitter la faculté.

Bouleversés et horrifiés, des témoins ont dit aux journalistes que 20 ou 30 minutes après le début du troisième volet de la trilogie Batman de Christopher Nolan, le tireur était entré pendant la représentation par une issue de secours au fond de la salle du cinéma Century 16 Movie Theaters du Aurora Town Center. Il aurait lancé des bombes fumigènes et commencé à tirer sur les spectateurs. 

Des témoins ont dit à la télévision locale, « Il semblait être tellement calme en faisant cela… Il a attendu que les deux bombes explosent avant d’agir. Puis, après l’explosion des deux bombes, il a ouvert le feu… Il n’a ciblé personne en particulier. Il tirait partout. » Le tireur n’aurait apparemment pas dit un mot durant toute l’attaque.

Des survivants ont offert des témoignages terribles sur des tirs, des cris et des corps criblés de balles dans la salle pleine de fumée. Des spectateurs blessés et couverts de sang ont fui le cinéma en panique. Dix personnes sont mortes sur les lieux. D’autres se trouvent dans un état grave à l’hôpital.

Habillé tout de noir et portant un gilet pare-balles et un masque à gaz, Holmes était armé d’un fusil d’assaut AR-15, d’un fusil de chasse et d’un pistolet de calibre 40, a dit la police. Une autre arme a été découverte dans sa voiture dans laquelle il s’était réfugié après l’attaque et où il fut détenu par la police sans opposer de résistance. 

Selon la police, le tireur présumé les a ensuite informés que son appartement était fortement piégé. La police a évacué le bâtiment, qui abritait des étudiants, du personnel de la faculté et du campus médical, tout comme quatre autres bâtiments dans les alentours. Ils ont exploré l’unité à l’aide d’une caméra fixée au bout d’une perche de 5 mètres. Les résultats étaient « effarants » vu que les policiers ont découvert des « seaux de munitions supplémentaires » et du matériel inflammable et explosif.

La famille de Holmes vit à Rancho Penasquitos, une commune au nord-est de San Diego. Il avait obtenu son diplôme en 2006 au lycée Westview High School, et avait rejoint l’université de Californie, Riverside, à 160 kilomètres au nord de San Diego. Il a été diplômé en neuroscience en 2010. Un collègue étudiant a dit sur NBC que Holmes avait terminé le programme et était un membre de la société Phi Beta Kappa et Bolden Key de l’université Riverside.

« J’ai toujours pensé qu’il était un peu étrange. Je n’ai jamais pu dire pourquoi, mais quelque chose m’a dit de ne pas trop le fréquenter… C’était pourtant un gars très intelligent. Il avait l’air d’un type un peu bizarre, mais nous étions des étudiants diplômés, et donc les gens bizarres étaient chose courante », a dit une étudiante à NBC.

Selon un ancien voisin de San Diego, Tom Mai, un ingénieur électricien à la retraite, Holmes n’avait pas pu trouver du travail après avoir reçu il y a deux ans son diplôme à l’université de Californie Riverside. Mai s’est souvenu de Holmes comme étant un « jeune homme timide et bien élevé », a écrit le Los Angeles Times « et fréquentant assidument l’église presbytérienne locale ».

Aurora est la troisième plus grande ville du Colorado avec une population avoisinant les 325.000 habitants. Le plus gros employeur est Buckley Air Force Base. Selon son site internet officiel, Buckley, « défend les États-Unis par ses opérations aériennes, ses capacités d’alerte de missiles basés dans l’espace, ses opérations de surveillance de l’espace, ses opérations de communication dans l’espace et des fonctions de soutien ».

En plus de l’hôpital universitaire du Colorado, son Campus médical d’Anschutz et l’hôpital pour Enfants, d’autres grands employeurs de la ville comprennent l’ADT Security Services et les géants du domaine de la défense Raytheon, Northrop Grumman et Lockheed Martin.

Aurora compte de nombreux résidents latino-américains qui représentent environ 29 pour cent de la population et Holmes vivait dans un voisinage majoritairement latino-américain.

Le motif immédiat pour son geste de meurtrier de masse n’est pas connu. Toutefois, le caractère antisocial de ce crime, son exceptionnelle misanthropie, saute aux yeux. Le tireur a choisi d’attaquer une projection en soirée d’un film très attendu et où il pouvait s’attendre à trouver de nombreux habitants d’Aurora et des alentours, en quête de détente et de divertissement. Beaucoup d’entre eux avaient revêtu le costume de Batman ou des vêtements à son effigie. Chose horrible, à l’apparition du tireur plusieurs spectateurs ont pensé que sa présence était reliée à la projection du film.

Aucune tentative n’a été faite ou ne peut être faite par les milieux officiels pour expliquer ou mesurer la profondeur d’une telle amertume sociale ou colère refoulée. Les conclusions seraient beaucoup trop accablantes pour les auteurs de l’étude.

Les commentaires publics du président Barack Obama concernant la fusillade à Aurora ont été aussi creux que ceux émis par Bill Clinton et George W. Bush dans des circonstances semblables, mais il réussit à dépasser ceux de ses prédécesseurs en cynisme et en autopromotion.

Obama a dit à la foule que « le gouvernement fédéral fera tout ce qui est nécessaire pour traduire en justice le responsable de ce crime atroce (applaudissements). Et nous prendrons toutes les mesures possibles pour garantir la sécurité de tous nos concitoyens. »

Ceci est manifestement faux. Par son pillage des ressources et l’agression militaire outremer ainsi que son comportement social destructeur au plan domestique, l’élite dirigeante américaine, avec Obama à sa tête, a rendu la vie infiniment moins sûre pour la population américaine.

Obama a poursuivi en philosophant, « Nous ne comprendrons peut-être jamais ce qui peut pousser quelqu’un à terroriser de cette manière ses semblables. Une telle brutalité, un tel mal sont insensés. Cela dépasse la raison. » C’est ainsi que s’exprime un homme qui contribue à dresser chaque semaine une « liste de personnes à tuer » composée de tous ceux qui seront ciblés pour assassinat au Pakistan, en Afghanistan, au Yémen ou ailleurs.

Il est trop tôt pour tenter d’expliquer le geste de Holmes. Bien plus de faits verront le jour. Une chose est sûre : depuis le massacre à Columbine, la vie sociale s’est considérablement détériorée et les tensions sociales se sont accrues aux États-Unis. Les tragédies passées, dont Columbine, Virginia Tech et l’attaque sur Gifford sont demeurées inexpliquées et, à ce jour, personne n’a été amené à rendre des comptes, et il en sera de même pour la tragédie à Aurora.

(Article original paru le 21 juillet 2012)

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