Les craintes d'un effondrement de la zone euro ont précipité mercredi les investisseurs pris de panique vers les valeurs refuge, poussant ainsi le taux de rendement sur la dette américaine à son niveau le plus bas depuis 1946.
Les investisseurs ont fui les obligations espagnoles et italiennes après que la Banque centrale européenne (BCE) a clairement fait savoir qu’elle ne permettrait pas à l’Espagne d’exploiter son financement pour recapitaliser Bankia, la quatrième plus grande banque du pays qui avait sollicité la semaine dernière du gouvernement espagnol un renflouement de 19 milliards d’euro.
En réaction à la déclaration de la BCE, le gouvernement espagnol a annoncé qu’il lèverait 19 milliards d’euros supplémentaires pour le sauvetage de la banque.
Les rendements des obligations espagnoles à dix ans ont fait un bond de 0,23 points de pourcentage en passant à 6,64 pour cent, rapprochant dangereusement le pays du seuil de 7,0 pour cent qui avait contraint la Grèce et le Portugal à solliciter des renflouements de l’Union européenne.
Le coût des emprunts pour le gouvernement italien a augmenté de plus de 6,0 pour cent pour la première fois cette année, étant donné que l’Italie a manqué son objectif de vendre 6,25 milliards d’euros d’obligations. Les coûts d’emprunt de l’Italie sont actuellement de 4,65 points de pourcentage supérieurs à ceux payés par l’Allemagne.
Les rendements sur les obligations à deux ans du gouvernement allemand sont brièvement descendus sous la marque zéro pour la toute première fois au moment où les investisseurs payaient en fait le gouvernement allemand pour emprunter leur argent. Les rendements sur les obligations à deux ans ont finalement clôturé à 0,007 pour cent, en baisse de 0,04 points de pourcentage en une journée. Les rendements à dix ans ont atteint leur plus bas niveau historique à 1,261 pour cent.
Bankia a sollicité l’aide du gouvernement espagnol après que Standard & Poor’s l’a dégradé vendredi en même temps que plusieurs autres banques espagnoles. Les actions de la banque ont chuté mercredi de 8,6 pour cent, soit la sixième journée consécutive de pertes.
Les dépôts continuent de s’éroder dans les banques espagnoles. Le niveau total des dépôts auprès des banques espagnoles a régressé de 31,44 milliards d’euros, ou 2,4 pour cent, soit le niveau le plus bas depuis le début de la crise de l’euro.
La Banque d’Espagne a annoncé mercredi que son gouverneur, Miguel Angel Fernández Ordónez, quitterait son poste à la fin de la semaine prochaine, un mois plus tôt que précédemment annoncé.
Après la clôture des marchés mercredi, le pays a également été touché par une autre dégradation lorsque l’agence de notation Egan Jones Ratings Co. a dégradé la dette du pays de BB- à B en lui conférant une perspective négative.
Suite à ces développements, les indices boursiers ont chuté partout en Europe. L’Ibex espagnol a reculé de 2,5 pour cent et le Stoxx Europe 600 a dégringolé de 1,5 pour cent. Les indices boursiers américains ont subi une baisse moindre avec Standard & Poor’s 500, cédant 1,43 pour cent. Le Dow a chuté de 160 points, soit 1,28 pour cent.
Aux Etats-Unis, la vente de titres a été provoquée par des entreprises à forte exposition aux fluctuations de la demande mondiale. Alcoa, producteur d’aluminium, a dégringolé de 3,43 pour cent et Caterpillar, constructeur d’engins de chantier, a cédé 2,5 pour cent.
L’euro a baissé de 0,8 pour cent par rapport au dollar pour atteindre 1,24 dollars, son niveau le plus bas en deux ans, alors que les investisseurs se ruent pour acheter des valeurs dominées par le dollar comme valeur refuge.
Les craintes d’un effondrement économique total en Espagne comme en Grèce, dont l’économie s’est contractée de 6,2 pour cent l’année dernière, a incité la Commission européenne à déclarer mercredi qu’elle était « prête à envisager » de prolonger l’échéance de 2013 pour que l’Espagne ramène son déficit budgétaire à 3 pour cent du produit intérieur brut.
Cette Commission européenne, qui est l’organe exécutif de l’Union européenne, a aussi soulevé la possibilité de former une « union bancaire » qui lui permettrait d’aider collectivement les banques en difficulté des Etats-membres, citant comme exemple l’Espagne.
Les perturbations causées par la dette arrivent au milieu de signes croissants d’un déclin économique. L’indice des directeurs d’achat (« Purchasing Managers Index, PMI ») pour la zone euro a plongé à son rythme le plus rapide depuis près de trois ans, selon les chiffres publiés la semaine dernière par l’institut Markit qui publie l’indice, pour conclure que l’économie de la zone euro se contractera probablement d’environ 0,5 pour cent au second trimestre.
Ceci fait suite à la deuxième plus forte contraction mensuelle de la confiance des entreprises allemande depuis l’effondrement de Lehman Brothers et l’annonce de la Grande-Bretagne que son économie s’était contractée de 0,3 pour cent au premier trimestre.
Un consensus est en train d’émerger sur le fait que l’économie de la zone euro se contractera cette année et que l’année prochaine risque d’être pire.
Les crises croissantes de la dette en Espagne et en Italie laissent entrevoir la perspective que ces pays non plus, ne seront bientôt plus en mesure de lever l’argent sur les marchés obligataires. Alors que la Grèce et le Portugal sont relativement petits, et ne comptent respectivement que pour 1,7 et 1,3 pour cent de l’économie de la zone euro, l’Espagne et l’Italie représentent 8,4 et 12 pour cent du produit intérieur brut de l’Union européenne.
(Article original paru le 31 mai 2012)