Les projets révélés dernièrement de déployer des dizaines de milliers de drones militaires au-dessus du territoire américain révèlent une composante significative de l'infrastructure d'Etat policier en train de se développer aux Etats-Unis.
Selon les évaluations du gouvernement, 30.000 drones pourraient bourdonner au-dessus de nos têtes d’ici la prochaine décennie. Ces drones opéreront à partir d’au moins 110 bases militaires situées dans 39 Etats à travers le pays. Des décrets s’accumulent déjà, des pilotes et des équipages sont en train d’être formés et une partie de l'espace aérien est en train d’être réservé.
Ces drones vont de petits avions de surveillance pesant quelques livres à des aéronefs armés transportant des milliers de livres d’équipement et d’armement. Une nouvelle génération de micro-robots volants (« micro air vehicles, MAV ») est en cours de développement qui ne sont guère plus grands que des insectes et capables de pénétrer sans être vus dans des logements et des lieux de travail pour photographier, enregistrer et même tuer.
Des centaines de drones sont d’ores et déjà déployés au-dessus des Etats-Unis avec les agences locales de maintien de l’ordre acquérant également leurs propres drones. Et il ne s'agit là que les drones dont nous avons connaissance.
Selon un rapport d’ABC News, « Des drones peuvent transporter des caméras de reconnaissance faciale, des systèmes de reconnaissance de plaques minéralogiques, des caméras thermiques produisant des images, des renifleurs de WiFi ouvert et autres capteurs. Et, ils peuvent être armés. » Les capacités technologiques exactes de ces drones, développées par des géants de la défense tels Northrop Grumman au prix de milliards de dollars, sont un secret d’Etat hautement gardé.
Néanmoins, le potentiel de surveillance des drones d’aujourd’hui fait ressembler à un jeu d’enfant l’espionnage opéré par les dictatures du siècle dernier. Partout où l’on va, tout ce que l’on dit, tout ce que l’on fait – même chez soi – peut maintenant être secrètement observé, enregistré et compilé dans d’énormes banque de données du gouvernement qui sont secrètement mises en place par le gouvernement Obama. (Voir : « Comment lutter contre les mesures d'Etat policier d'Obama »
Le développement de ces drones est cohérent avec les efforts entrepris pour militariser, régenter et surveiller de près la vie des Américains ordinaires. La surveillance omniprésente est la nouvelle normalité. Comment une personne se promenant dans la rue n’importe quel jour de la semaine peut-elle savoir si à ce moment précis un drone, volant à plusieurs kilomètres au-dessus de sa tête, est ou n’est pas en train de suivre ses mouvements?
Outre le potentiel de surveillance orwellien, il va sans dire que les drones peuvent être utilisés pour des meurtres. Des drones ont déjà été utilisés pour assassiner des milliers de gens en Irak, en Afghanistan, au Pakistan, au Yémen et ailleurs, dont des citoyens américains, dans le cadre du programme de « meurtre ciblé » du gouvernement Obama. Les pilotes des drones, assis en sécurité devant leurs écrans vidéo, parlent de leurs victimes en termes d'« éclaboussures d'insectes » (« bug splats »).
Avec des dizaines de milliers de drones déployés au-dessus du territoire national, le potentiel existe de les utiliser pour « supprimer » (« take out ») des personnes non grata des Etats-Unis ou même des rassemblements de telles personnes. Lorsque les 110 bases de drones seront terminées, aucun endroit du pays ne sera plus hors de portée de frappe immédiate.
Les dispositions pour déployer ces dizaines de milliers de drones ont été entièrement prises derrière le dos du peuple américain. Il n’y a pas eu de débat au Congrès et, bien qu’il s’agisse d’une année électorale, aucun des deux principaux partis politiques n’a soulevé la question.
Aucun contrôle n’a été mis en place quant à ces drones. En fait, Obama a signé une loi en février levant des restrictions qui auraient pu faire obstacle à la rapide intégration des drones « dans le système d'espace aérien national. » En dehors de quelques articles épars, les médias qui sont à la botte des grandes entreprises sont restés silencieux.
La consolidation de l’infrastructure d’Etat policier a pour cible les soulèvements sociaux massifs qui se profilent à l’horizon. L’élite dirigeante anticipe que la classe ouvrière américaine ne tolérera pas indéfiniment attaque sur attaque contre son niveau de vie, des coupes dans les programmes sociaux et des guerres incessantes. L’opposition se développera inévitablement. Lorsque ce sera le cas, les drones armés suivront de près cette évolution.
Le déploiement de drones au-dessus des Etats-Unis est plus que la confirmation que les mesures d’Etat policier appliquées dans le cadre de la soi-disant « guerre contre le terrorisme » – une surveillance sans mandat, la torture, des commissions militaires, des détentions secrètes sans procès, et des « listes de personnes à tuer » – cibleront en fin de compte directement le peuple américain.
Ce n’est pas par hasard que les révélations concernant le déploiement des drones coïncident avec le récent coup monté contre des manifestants anti-guerre à Chicago accusés de « terrorisme ». Puisqu’ils sont accusés de « terrorisme », rien en principe ne pourrait empêcher le gouvernement américain de faire « disparaître » ces manifestants dans le camp de détention de la baie de Guantánamo ou, à l’avenir, de les éliminer au moyen d’un drone Predator.
Des protections juridiques démocratiques vieilles de plusieurs siècles et dont on pensait jadis qu’elles pourraient entraver de telles actions du gouvernement américain – tel le quatrième amendement, le droit d’habeas corpus [loi garantissant la liberté individuelle], et la Proclamation des droits (« Bill of Rights ») – ont toutes été substantiellement érodées ces dernières années. D’un point de vue juridique, la voie est maintenant ouverte à l’assassinat de citoyens américains sur ordre secret donné par le président. (Voir : « Des tribunaux militaires et des assassinats »)
Ce qui sous-tend l’effondrement des droits démocratiques c’est l’accroissement spectaculaire de l’inégalité sociale. Cet accroissement a été étayé par des chiffres officiels, telles les récentes statistiques de la Réserve fédérale montrant la chute vertigineuse de 38,9 pour cent entre 2007 et 2010 de la valeur nette médiane des familles américaines alors même que les profits des entreprises ont fortement augmenté. La démocratie est incompatible avec les conditions qui résultent d’une inégalité sociale sans précédent.
Il faut aussi mentionner qu’aucune opposition significative contre le déploiement de ces drones n’a été développée au sein de l’establishment libéral et pseudo-gauche. La raison en est que ces couches sont prêtes à faire campagne et à voter pour Obama lors des élections de 2012.
Sous Obama, les attaques contre les droits démocratiques lancées par le gouvernement Bush se sont intensifiées. Ceci prouve que l’effondrement des droits démocratiques aux Etats-Unis est déterminé non pas par les caractéristiques personnelles de l'individu qui occupe la Maison Blanche ou par celui des deux partis capitalistes qui remportera les élections. Au contraire, c’est l’expression des tendances fondamentales du capitalisme internationalement et la conséquence de la politique fondamentale de la classe dirigeante dans son ensemble, confrontée à la crise historique de son système.
L’opposition à la construction d’un Etat policier américain ne peut être exprimée par un vote en faveur de l’un ou l’autre des deux partis capitalistes qui se présentent aux prochaines élections aux Etats-Unis. La défense des droits démocratiques les plus fondamentaux et des conditions sociales des travailleurs, la grande majorité de la population, ne peut être assurée qu’en construisant aux Etats-Unis et internationalement un parti de masse de la classe ouvrière qui soit indépendant et qui s'oppose directement au système capitaliste. Seul, un tel mouvement pourra mettre un terme aux Etats policiers et à l’inégalité sociale, défendre et étendre les droits démocratiques et résoudre la crise fondamentale à laquelle l’humanité est confrontée. Tel est le programme du Parti de l’Egalité socialiste (Socialist Equality Party).
(Article original paru le 21 juin 2012)