Un livre nouvellement publié par le journaliste David Uren a divulgué que le Livre Blanc sur la Défense de 2009 du gouvernement australien contenait un « chapitre secret » qui évalue « la capacité de l’Australie à mener une bataille aérienne et navale aux côtés des Etats-Unis contre la Chine. »
Ce chapitre ne figurait pas dans la version publique parce qu’il contenait des références aux forces australiennes aidant l’armée américaine à imposer un blocus des voies maritimes de la Chine. Il risquait aussi de susciter des représailles de la Chine visant des cibles sur le sol australien. L’existence du chapitre confidentiel a fait, samedi, la Une du journal australien The Australian sous le titre « Révélation d’une ‘guerre’ secrète avec la Chine ». Le ministre australien de la Défense, Stephen Smith, a été questionné dimanche au sujet de cette révélation. Tout en tentant de rejeter comme étant « absurde » l’article disant que l’Australie avait élaboré des plans concernant une guerre avec la Chine, il a confirmé qu'il existait une version publique et une version secrète du Livre Blanc.
Uren, rédacteur économique du journal Australian, ne fournit aucune source pour ses divulgations. Son livre, The Kingdom and the Quarry: China, Australia, Fear and Greed, [« Le royaume et la carrière: la Chine, l’Australie, la crainte et la cupidité »] a bien entendu été écrit en étroite concertation avec des figures de l’establishment politique, militaire et diplomatique australien. Il s’agit avant tout d’une discussion concernant l’énorme dilemme auquel sont confrontées les élites dirigeantes en Australie étant donné que les Etats-Unis, leurs alliés stratégiques et militaires clé, affichent une attitude de plus en plus agressive envers la Chine, le plus grand partenaire commercial de l’Australie.
Uren écrit que le Livre Blanc prévoyait « un monde très différent, dans lequel les opérations maritimes australiennes aux côtés des Etats-Unis, par exemple en Mer de Chine du Sud, pourraient résulter en une attaque directe de la Chine contre l’Australie au moyen de missiles, de minage des ports et de cyber attaques. La capacité de la Chine à atteindre une cible située à 5.000 kilomètres de portée et à toucher l’Australie était un nouvel élément dans l’environnement stratégique. »
Le chapitre manquant, écrit Uren, « supposait qu’il y aurait des blocus éloignés de la Chine et censés contrôler ses voies maritimes en bloquant son flux de ressources naturelles desquels dépend sa machine industrielle… Un élément de la manière de penser en matière de défense est qu’en cas de conflit avec les Etats-Unis, la Chine tenterait de détruire la station Pine Gap, le centre de contrôle américano-australien des satellites près d’Alice Springs, et qui est crucial à la direction des opérations militaires américaines en Asie. »
Les préparatifs de guerre ont incité le Livre Blanc à recommander que plus que 100 milliards de dollars soient dépensés au cours de la prochaine décennie pour fournir à l’armée australienne de nouveaux sous-marins, des navires de combat, des avions de combat et autre matériel de pointe.
Il est significatif , fait remarquer Uren, qu’alors que le premier ministre australien de l'époque, Kevin Rudd, avait énergiquement soutenu le Livre Blanc – contre l’opposition de ses conseillers du renseignement militaire – le gouvernement Obama n’a pas appuyé ses initiatives diplomatiques dans la région asiatique. Uren cite des dépêches diplomatiques publiées par WikiLeaks qui révélaient que Washington rejetait la défense de Rudd d'une soi-disant « Communauté Asie-Pacifique » qui chercherait à apaiser les tensions entre les Etats-Unis et la Chine.
Uren ne commente toutefois pas le rôle joué par les Etats-Unis dans le coup de main politique interne au parti qui avait évincé Rudd les 23-24 juin 2010 pour mettre au pouvoir Julia Gillard comme premier ministre. Il ne fait pas référence à d’autres dépêches diplomatiques publiées par WikiLeaks dans lesquelles Gillard est mentionnée par des responsables américains comme éventuelle alternative pro-américaine à Rudd. Ces dépêches identifiaient à « des sources protégées » de l’ambassade américaine, les principaux conspirateurs travaillistes, tels le sénateur Mark Arbid.
Au cours de 2009, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton avait dit de manière provocatrice lors d’un forum de l’Association des nations d’Asie du Sud-Est (ASEAN) : « Je suis ici pour confirmer que nous [les Etats-Unis] sommes de retour et pour y [en Asie] rester. » Le discours qu’elle avait prononcé à l’ASEAN avait été un rejet catégorique des appels lancés par des figures comme Rudd, en faveur d’une adaptation des Etats-Unis aux ambitions de la Chine de pouvoir exercer davantage d’influence dans la région.
Uren remarque que l’accord signé en novembre dernier entre le gouvernement Obama et le gouvernement Gillard en faveur d’une plus grande présence militaire américaine en Australie découle des attentes d’un futur conflit avec Beijing. Il cite la mise en place fin 2010 d’un « groupe de travail » entre les Etats-Unis et des militaires australiens « pour envisager une coopération militaire plus grande. »
Alors qu’Uren n’y fait pas référence, le Naval War College américain a publié en janvier 2011 une étude détaillant les « nombreux avantages » de l’Australie en tant que base à partir de laquelle l’armée américaine pourrait contrôler les couloirs maritimes vitaux entre l’océan Indien et l’océan Pacifique en cas de conflit avec la Chine. Les auteurs de l’étude, James Holmes et Toshi Yoshihara, ont constaté que le « gouvernement australien – allié le plus fiable de Washington en Asie, aux côtés de Tokyo – serait probablement sensible à un tel accord. »
Sous le premier ministre Julia Gillard, le gouvernement travailliste a inconditionnellement aligné l’Australie sur le soi-disant pivot vers l’Asie-Pacifique du gouvernement Obama. Les ports et les aéroports australiens vont être modernisés pour servir à l’armée américaine et les îles Cocos, dans l’océan Indien, doivent servir de base aérienne aux drones de surveillance américains et éventuellement à des avions de combat.
Uren précise que la petite échelle des déploiements américains initiaux en Australie – à peine plusieurs centaines de marines s’entraînant pendant six mois près de la ville septentrionale de Darwin – était destinée à être « un moyen de lénifier la réaction régionale. » L’annonce faite au cours du week-end par le secrétaire d’Etat américain à la Défense, Leon Panetta, selon laquelle la marine militaire américaine allait déployer 60 pour cent de la flotte dans la région Asie-Pacifique souligne l’importance stratégique de l’accès aux bases navales australiennes. Les ports de Perth, Darwin et Brisbane abriteront les porte-avions et les sous-marins nucléaires américains qui compromettent l’accès de la Chine à des voies maritimes essentielles au commerce.
Quelles que soient les motivations à l’origine des divulgations d’Uren, elles confirment l’analyse détaillée et les avertissements émis au cours de ces trois dernières années par le World Socialist Web Site et le Socialist Equality Party (Parti de l’Egalité socialiste), qu’au nom de la classe capitaliste australienne, le gouvernement du Parti travailliste s’est aligné sur l’impérialisme américain, en préparation à une guerre contre la Chine. La suppression du « chapitre secret » dans le Libre Blanc de 2009 souligne le fait que Washington et Canberra poursuivent leur programme militariste derrière le dos de la population.
(Paru en anglais le 4 juin 2012)