Perspective

Le coup monté de Chicago : la « guerre contre le terrorisme » maintenant en territoire américain

L’interpellation et la poursuite de cinq manifestants accusés de complot « terroriste » le mois dernier au sommet de l’OTAN à Chicago, en Illinois, est un avertissement pour toute la classe ouvrière. Il s’agit d’une nouvelle étape de l’utilisation contre l’opposition aux États-Unis eux-mêmes des pouvoirs répressifs que l’État s’est donné au nom de sa « guerre contre le terrorisme ».

Cette semaine, les cinq hommes sont comparus devant le tribunal bien que les procureurs ont refusé de divulguer tout renseignement sur les accusations portées à leur encontre. Ils furent détenus pendant près d’un mois sans inculpation. Même le juge chargé de l’affaire a trouvé « bizarre » que le parquet n’ait pas présenté un acte d’accusation qui devrait maintenant être publié le 2 juillet.

L’objectif de l’audience principale semble avoir été de présenter les accusés, les mains et pieds enchaînés, comme de dangereux criminels. Les conditions dans lesquelles ils ont été détenus, y compris la caution extrêmement élevée de 1,5 million de dollars pour les trois principaux accusés, contribuent aussi à présenter l’affaire comme s’il s’agissait d’une importante question de sécurité nationale.

Le procureur général de l’État de l’Illinois a signalé que les inculpés seront accusés en vertu des lois anti-terrorisme de l’État. Ces lois furent adoptées après les attentats du 11 septembre 2011 en même temps qu’une série de lois identiques dans d’autres États et au niveau fédéral. La loi en Illinois est particulièrement radicale quant à sa définition du terme « terrorisme » — y compris par exemple, tout acte « causant une dégradation substantielle » au bétail et aux cultures. Comme l’a dit un des avocats des inculpés : « Vous pouvez être inculpé de terrorisme pour avoir détruit une ruche ».

Au moment de leur arrestation, l’avocate générale de l’État d’Illinois, Anita Alvarez, a dit que trois des cinq — Jared Chase, Brent Betterley et Brian Church — avaient tenté de fabriquer des cocktails Molotov dans le but de cibler des institutions du Parti démocrate.

Les deux autres hommes, Sebastian Senakiewicz et Mark Neiween, doivent répondre à des accusations liées au terrorisme pour deux incidents séparés. Senakiewicz se serait vanté de posséder des explosifs, mais sans en avoir, d’où l’accusation de proférer de fausses menaces d’attentat à la bombe. Neiween aurait établi une liste des ingrédients pour une bombe tuyau, d’où l’accusation de « tentative de possession » d’explosifs.

Ce que les trois affaires et les cinq inculpés ont en commun, c’est l’implication de deux informateurs de police, « Mo » et « Gloves » qui avaient infiltré plusieurs mois auparavant le mouvement Occupy Chicago. Aucune preuve matérielle n’a été présentée ou alléguée pour étayer les dossiers. De plus, toute intention de violence semble avoir totalement été suscitée par les informateurs de la police.

L’opération qui avait conduit aux interpellations avait fait partie d’une mobilisation plus générale de la police durant les protestations. La police avait effectivement bouclé le centre de Chicago pendant quatre jours, arrêté une centaine de manifestants et tabassé des manifestants au hasard.

La réaction du gouvernement Obama aux événements survenus à Chicago — dont le coup monté de terrorisme — fut de faire l’éloge de la police qui, a selon Obama, « a fait un travail excellent tout en étant sujette à des pressions énormes et au contrôle de l’opinion publique ». Ce disant, il a clairement indiqué que son gouvernement soutenait la répression.

Le recours aux méthodes de provocation policière reflète les conflits irréconciliables qui déchirent la société américaine. La colère grandit au sein de la classe ouvrière à l’encontre d’une politique à laquelle les deux partis patronaux de l’establishment politique américain sclérosé sont totalement engagés : l’attaque contre les emplois et les programmes sociaux, le renflouement des banques et des guerres interminables.

Cette même dynamique sociale a sous-tendu la profonde érosion de la démocratie américaine durant la décennie lors de laquelle la « guerre contre le terrorisme » s’est développée et qui avait commencé avec le vol des élections de 2000. Depuis les attentats du 11 septembre, la classe dirigeante, d’abord sous Bush, et maintenant Obama, a largement étendu les pouvoirs de l’État. La « guerre contre le terrorisme » est devenue la justification passe-partout pour des mesures qui créent le cadre juridique pour un État policier aux États-Unis.

Avec le soutien des deux partis, le gouvernement Bush avait supervisé l’adoption du Patriot Act qui a élargi les pouvoirs d’espionnage de l’État ; qui a mis en place le département de la Sécurité intérieure (Department of Homeland Security) ; et a créé un commandement militaire supervisant les États-Unis. Il a garanti une expansion sans précédent du pouvoir exécutif de torturer, de mener la guerre et d’espionner la population américaine. L’agence de sécurité nationale a monté un système illégal d’écoute et de décryptage des communications des citoyens américains.

La politique du gouvernement Obama a prouvé la futilité et la faillite des tentatives de combattre aux États-Unis la décision de changement vers un régime policier dans les limites du système bipartite.

La Maison-Blanche d’Obama a opposé toute tentative d’enquêter, et encore moins de poursuivre, les actions illégales de ses prédécesseurs, en décidant à la place de considérer les États-Unis comme étant un « champ de bataille » dans la guerre mondiale sans subir de contrainte dans le temps et dans l’espace. Elle a supervisé l’adoption de la Loi d’autorisation de la Défense nationale (National Defense Authorization Act) pour l’année fiscale 2012, qui autorise la détention militaire illimitée de citoyens américains sans acte d’accusation ou procès.

Tout dernièrement, Obama a affirmé que le président avait le droit d’assassiner des citoyens américains en l’absence de tout contrôle judiciaire. Le procureur général Eric Holder a affirmé que le droit constitutionnel à la procédure légale régulière, une protection fondamentale contre le pouvoir arbitraire de l’exécutif, est assuré par les délibérations internes entre le président et ses plus proches conseillers. Pour cette raison, n’importe qui peut être tué, ou autrement privé de ses droits fondamentaux, sur les simples dires du président.

Ces événements confirment les avertissements du World Socialist Web Site qui ont expliqué que la cible principale de l’appareil antidémocratique construit durant la « guerre contre le terrorisme » est la population américaine elle-même. Redoutant que l’opposition sociale grandissante ne puisse trouver une expression qu’en dehors de la politique officielle, la classe dirigeante cherche à l’éradiquer au moyen de l’intimidation et de coups montés.

(Article original paru le 15 juin 2012)

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