Des rapports selon lesquels les services renseignement américain fournissaient une aide secrète aux milices « rebelles » en Syrie marquent la dernière étape dans l’intensification d’une campagne américaine pour obtenir un contrôle entier du pays.
Hier, alors que l’apparition de séquences vidéo montrant que les « rebelles » syriens procédaient à des exécutions de masse de soldats capturés à Alep, l’on a rapporté que le président américain Barack Obama avait signé, en début d’année, une ordonnance autorisant les services de renseignement américain à aider les forces anti-Assad. Washington a aussi aidé à distribuer des armes et de l’argent donnés par ses alliés de droite au Moyen-Orient, la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar.
Ces puissances ne mènent pas une lutte pour la démocratie dans le cadre du « Printemps arabe », cette vague de soulèvements révolutionnaires de la classe ouvrière qui a renversé l’année dernière les dictatures soutenues par les Etats-Unis en Tunisie et en Egypte et qui a affolé Washington et ses alliés au Moyen-Orient. Ces puissances font une guerre réactionnaire pour évincer le président syrien Bachar al-Assad et mettre en place à Damas un régime fantoche pro-américain.
Washington a installé un « centre névralgique » pour l’insurrection syrienne à Adana, en Turquie, la base aérienne Incirlik Air Base, une importante installation de l’armée et des services de renseignement américains, située à une soixantaine de kilomètres seulement au nord de la frontière syrienne. Cette région au Sud de la Turquie est maintenant un point de transit essentiel pour les armes et les combattants étrangers pro-américains qui vont combattre en Syrie.
Les « rebelles » syriens agissent en grande partie selon des instructions opérationnelles données par Washington. Les forces américaines communiquent régulièrement avec les forces « rebelles » à l’intérieur de la Syrie par le biais de leurs alliés et leur fournissent des rapports sur les mouvements des troupes syriennes dans le but de les guider sur le terrain.
Pour se joindre aux combats en Syrie, des combattants islamistes affluent de tout le Moyen-Orient, de l’Afghanistan et de l’Irak occupés par les Etats-Unis et des régimes fantoches américains en Libye, ainsi que de l’Algérie, de la Tchétchénie et du Pakistan. D’anciens responsables des opérations spéciales américaines ont dit à la presse que beaucoup arrivent grâce à l’aide d’Al Qaïda en Syrie,qui s’appuie sur les services de « trafiquants – certains poussés par des motifs idéologiques, d’autres motivés par l’argent ».
Dans le monde orwellien des médias américains, aucune tentative n’est faite pour concilier les affirmations américaines que les Etats-Unisoccupent l’Afghanistan dans le simple but de mener une « guerre contre le terrorisme » à l’encontre d’Al Qaïda, avec l’acte de recourir à une alliance de fait avec Al Qaïda en Syrie.
Les efforts rassurants d’Obama pour affirmer que les Etats-Unis ne fournissent qu’une « aide non meurtrière » aux forces anti-Assad constituent un mensonge cynique. Les Etats-Unis mènent une guerre civile brutale qui a déjà coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes eta déplacé des centaines de milliers d’autres.
L’objectif des Etats-Unis est d’installer à Damas un régime fantoche américain pour isoler et planifier une guerre contre l’Iran, pour écarter un ennemi potentiel d’Israël, et pour promouvoir un programme plus général de domination totale du Moyen-Orient par l’impérialisme américain. Ce programme – poursuivi au cours d’une décennie de guerres américaines en Irak et en Afghanistan et renforcé par les guerres en Libye et en Syrie après les soulèvements de masse qui ont eu lieu l’année dernière en Afrique du Nord – est profondément impopulaire tant internationalement qu’au sein de la classe ouvrière aux Etats-Unis.
Le soutien secret accordé par Washington aux « rebelles » syriens étale au grand jour le rôle joué par les groupes pseudo-gauches pro-impérialistes – comme l’International Socialist Organisation (ISO) aux Etats-Unis, le Socialist Workers Party (SWP) en Grande-Bretagne et le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) en France – qui ont encouragé à la guerre en Syrie. Leur « gauchisme » ne consiste qu’à apporter des arguments de « gauche » pour justifier les crimes commis par l’impérialisme américain et français.
L’ISO a déclaré ouvertement son soutien pour l’intervention. Dans un article écrit par Yusuf Khalil et Lee Sustar et paru dans sa publication Socialist Worker, on peut lire: « Le rôle croissant de la lutte armée soulève la question de savoir s’il faut accepter des armes et du soutien de l’Occident… Bien que beaucoup de personnes au sein du mouvement révolutionnaire syrien soient contre une intervention des Etats-Unis et de l’Occident, ils acceptent toute aide qu’on leur donne. »
De tels arguments, qui n’analysent jamais les forces dites « révolutionnaires », sont incroyablement cyniques. Depuis quand la CIA, le fondamentalisme islamique et les haut gradés de l’armée turque sont-ils devenus des forces de libération ? En écrivant ainsi, l’ISO montre clairement qu’elle parle pour la faction pro-impérialiste de la petite bourgeoisie de « gauche ».
Ses tentatives de se présenter comme une organisation de gauche sombrent dans l’absurdité. La principale préoccupation qu’elle exprime au sujet de l’intervention américaine en Syrie est que « le soutien américain visera à promouvoir leurs gens et à marginaliser les autres, même si cela signifie émietter les forces révolutionnaires ».
De quelles « forces révolutionnaires » parle Sustar ? Elles représentent un assemblage de milices comprenant les « gens » de la CIA, comme il les appelle, divers agents d’Al Qaïda, et le bric-à-brac de la société syrienne que ces forces ont attiré à elles. En cherchant à dissimuler le caractère réactionnaire de ces forces sous le manteau de la révolution, Sustar opère simplement comme l’un des agents du Département d’Etat dont le discours est plus gauchiste.
Sustar continue en faisant l’éloge de l’ISO comme étant des « anti-impérialistes intègres qui ont réussi à faire deux choses à la fois – soutenir les révolutions en Libye et en Syrie contre des régimes dictatoriaux tout en s’opposant à une intervention des Etats-Unis et de leurs alliés impérialistes ».
Ce commentaire repoussant touche directement le fond de la politique de l’ISO et de l’ensemble de la petite bourgeoisie pseudo-gauche. Pour Sustar, l’ISO est capable de « faire deux chose à la fois » parce ce qu’elle sait soutenir les guerres impérialistes tout en adopter en même temps une position de « gauche ».
L’orientation de classe d’une organisation trouve toujours son expression la plus claire dans sa politique internationale. En Syrie, l’ISO et ses condisciples internationaux ne sont rien de moins que des agents politiques de l’impérialisme.
(Article original paru le 3 août 2012)