Après un an de querelles au sujet d’un nouvel accord salarial, 83,2 pour cent des membres du syndicat indépendant allemand du personnel navigant UFO (Unabhängige Flugbegleiter-Organisation) ont voté pour la grève lors d’un vote qui a eu lieu ces trois dernières semaines. Bien que 97,5 pour cent aient voté pour faire grève, la direction syndicale cherche à éviter toute confrontation directe avec la direction de l’entreprise.
Sur son site Internet, l’UFO met en avant les raisons suivantes pour expliquer sa décision : « Si la direction de Lufthansa… était de nouveau intéressée à travailler ensemble avec le personnel – et pas contre nous – nous serions tout de suite près à rejoindre la dernière ligne droite et à négocier un accord… »
En fait, il n’y a pas la moindre indication que la direction de Lufthansa soit disposée à suivre une telle voie. Il y a une semaine est apparue sur le site intranet du groupe, une lettre à l’attention du personnel et émanant du PDG Christoph Franz et d’un membre de la direction, Carsten Spohr. Tous deux insistaient sur l’importance d’un « vaste programme d’économie. »
Comme par le passé, tous deux justifient ce programme en faisant référence à la concurrence des compagnies aériennes à bas prix, à la hausse des prix du carburant et à l’impact financier des redevances environnementales sur les émissions des avions.
La directrice financière de Lufthansa, Simone Menne, a aussi confirmé la semaine passée que la direction était déterminée à maintenir son objectif d’accroître son bénéfice d’exploitation d’au moins 1,5 milliard d’euros jusqu’en 2014 et d’économiser entre 100 et 200 millions d’euros en 2012. Les analystes de la banque Nord/LB ont conseillé à leurs clients d’acheter des actions Lufthansa parce qu’ils s’attendent à de nouvelles améliorations dans les prochains trimestres en raison « de l’actuel programme de restructuration. »
La direction de l’UFO nourrit manifestement des illusions selon lesquelles l’entreprise est prête à soumettre une offre « acceptable » d’ici le 16 août, bien qu’il soit évident que la direction de Lufthansa reste fermement attachée à son programme d’austérité. La stratégie du syndicat confère un répit supplémentaire à l’entreprise au lieu de mobiliser les membres des équipages de cabine dans une vaste offensive contre les attaques incessantes à l’encontre des salaires et du niveau de vie.
L’agence d’intérim Aviation Power, qui a été mise en place par Lufthansa il y a quatre ans, joue un rôle clé dans les attaques perpétrées contre le personnel. Depuis le 3 juin dernier, les travailleurs intérimaires à bas salaire recrutés par l’agence sont utilisés pour exercer une pression sur le personnel navigant pour qu’il accepte des conditions de travail dégradées.
L’intransigeance de la direction de Lufthansa avait déjà été évidente dans le cas de la filiale Austrian Airline de Lufthansa où les bénéfices d’exploitation durant la première moitié de 2012 ont été accrus au moyen de l’« externalisation » des pilotes et du personnel de cabine vers la filiale régionale Tyrolean. Ceci a rapporté 26 millions d’euros de bénéfices en plus à l’entreprise.
Pour les travailleurs, la conséquence en a été une réduction des salaires et des retraites, la suppression des primes et des indemnités de départ, ainsi que le recrutement de nouveaux employés à un taux de salaire minoré de 25 pour cent. 110 pilotes et 214 agents de cabine qui n’ont pas accepté cet accord ont été licenciés.
Toutes ces attaques font partie d’un « programme de restructuration » général qui est en train d’être appliqué non seulement par Lufthansa mais par toutes les grandes compagnies aériennes. Le temps est à jamais révolu où les compagnies aériennes étaient prêtes à faire des concessions. Maintenant, tous les moyens légaux sont mis en oeuvre pour réduire les coûts et augmenter les bénéfices dans le but de satisfaire les exigences des actionnaires et des investisseurs. Un coup d’oeil outre-Atlantique suffit pour voir quels sont les résultats d’un tel processus.
Aux Etats-Unis, les principales compagnies aériennes ont effectué des licenciements massifs, des réductions de salaire et une exploitation intensive de la main d’oeuvre grâce à l’introduction d’un allongement de la durée du travail et d’une réduction des temps de repos. Tout comme dans l’industrie automobile américaine, les faillites des banques ont été utilisées pour éradiquer les prétentions à la retraite, réduire drastiquement les prestations et les salaires des employés nouvellement embauchés. Dix pour cent du personnel navigant américain gagne moins de 15.000 euros par an.
Cette réduction systématique des salaires et des conditions de travail de part et d’autre de l’Atlantique n’a été possible que parce que les compagnies américaines et européennes ont pu compter sur leurs syndicats respectifs pour saper toute opposition de la part des travailleurs. Les syndicats ont étouffé la combativité et la colère des travailleurs par un discours radical visant à contenir toute opposition, à éviter le cas échéant toute grève et à isoler les protestations des travailleurs à tout prix.
C’est exactement la stratégie poursuivie par le syndicat UFO lors du conflit en cours chez Lufthansa. Le rejet de la grève, en dépit d’une écrasante majorité en sa faveur, n’en est que le premier pas. Dans les semaines à venir, l’UFO est déterminé à désamorcer la combativité du personnel navigant pour les mener dans une impasse.
Ceci signifie que pour le personnel navigant de chez Lufthansa l’enjeu dépasse de loin l’obtention d’un nouvel accord. Le but de la direction est de réduire radicalement tous les compromis sociaux mis en place dans le passé afin de s’assurer que les travailleurs payent entièrement pour la crise économique mondiale. Pour riposter le personnel navigant doit s’unir avec ses homologues en Autriche et en Suisse et rejeter tout compromis dans leur lutte actuelle.
(Article original paru le 14 août 2012)