Le rôle de La sécurité et la Quatrième Internationale dans la lutte pour la continuité du Comité international de la Quatrième Internationale

La conférence suivante a été prononcée par Eric London, un membre éminent du Socialist Equality Party des États-Unis (Parti de l’égalité socialiste), à l’école d’été internationale du SEP (États-Unis), qui s’est tenue entre le 30 juillet et le 4 août 2023.

Le rapport d’ouverture du président du comité de rédaction international du WSWS et président national du SEP, David North, «Léon Trotsky et la lutte pour le socialisme à l’époque de la guerre et de la révolution socialiste», a été publié le 7 août.

La seconde conférence, «Les fondements historiques et politiques de la Quatrième Internationale» a été publiée le 14 août.

La troisième conférence, «Les origines du révisionnisme pabliste, la scission au sein de la Quatrième Internationale et la fondation du Comité international», a été publiée le 18 août.

La quatrième conférence, «La révolution cubaine et l’opposition de la SLL à la réunification pabliste sans principes de 1963pabliste sans principes de 1963», a été publiée le 25 août.

La cinquième conférence, «’La Grande Trahison’ à Ceylon, la formation du Comité américain pour la Quatrième Internationale et la fondation de la Ligue des Travailleurs», a été publiée le 30 août.

La sixième conférence, «La poursuite de la lutte contre le pablisme, le centrisme de l’OCI et la crise naissante au sein du CIQI», a été publiée le 6 septembre.

La septième conférence, «Le CIQI démasque le «néocapitalisme» d’Ernest Mandel et analyse la crise économique mondiale: 1967 à 1971», a été publiée le 2 octobre.

La huitième conférence, «Le reniement de Wohlforth, le renouveau de la lutte contre le pablisme au sein de la Ligue des travailleurs et le tournant vers la classe ouvrière», a été publiée le 4 octobre.

Le WSWS publiera toutes les conférences dans les semaines à venir.

Le Cinquième congrès du Comité international, printemps 1974

Au printemps 1974, Tim Wohlforth, alors secrétaire national de la Workers League, se rendit en Angleterre pour le cinquième congrès mondial du Comité international de la Quatrième Internationale (CIQI), auquel assistaient des délégués de sections internationales et des groupes sympathisants. Certains des participants à la conférence vivaient sous des dictatures militaires, y compris l’Espagne de Franco, où la peine pour activité révolutionnaire pouvait être la mort.

Wohlforth avait récemment entamé une relation avec une jeune membre de la Workers League, Nancy Fields, qu’il avait décidé d’emmener avec lui pour assister au congrès malgré son manque d’expérience politique et d’intérêt pour le marxisme. Bien qu’il l’ait d’abord nié, Wohlforth allait bientôt admettre qu’il savait à cette époque que Nancy Fields entretenait des liens familiaux étroits avec des membres dirigeants de la Central Intelligence Agency. Il n’a pas informé les camarades du CI de ses liens avant le congrès de Londres, et il n’a pas cherché à obtenir une autorisation de sécurité pour qu’elle puisse y assister.

Tim Wohlforth et Nancy Fields

La réunion s’est déroulée dans des conditions de crise politique extraordinaire et de graves implications en matière de sécurité pour le parti et tous les participants. En février 1974, les mineurs de charbon avaient lancé une grève et le gouvernement conservateur d’Edward Heath avait convoqué des élections générales le même mois, sur la base d’un appel direct à écraser la classe ouvrière, sous le slogan «Qui gouverne la Grande-Bretagne ?»

Harold Wilson et le Parti travailliste ont remporté les élections, et les agences de renseignement britanniques ont rapidement commencé à préparer ce que nous savons maintenant être l’opération «Orange mécanique» pour préparer un éventuel coup d’État, craignant que Wilson ne soit capable de contenir la montée de la lutte des classes. Les troupes ont été mobilisées pour s’emparer de l’aéroport d’Heathrow et une campagne de désinformation a été lancée, affirmant que Wilson était un espion soviétique. [1]

Le Workers Revolutionary Party (WRP, Parti révolutionnaire des travailleurs) était sous étroite surveillance au moment où Fields s’est rendue avec Wohlforth au congrès à Londres. Des rapports contemporains du MI5 et de la police métropolitaine publiés dans le cadre de l’Enquête sur les Activités clandestines de la Police britannique montrent que les bureaux du parti furent mis sur écoute et que des policiers avaient été placés dans tout le parti pour rendre compte des activités du WRP.

Des documents récemment publiés montrent que le WRP était référencé dans les rapports de l’Unité nationale de renseignement pour l’ordre public en 1973, 1974 et 1975, et que plusieurs policiers fournissaient des informations détaillées sur les membres du parti, leur vie privée, leurs conflits internes et leurs projets de campagnes et d’initiatives, ainsi que d’autres questions liées au parti pendant cette période. Par d’autres sources, visiblement à des postes de direction du WRP, la police était tenue informée du contenu des réunions du comité politique. [2]

Des exemples de titres de rapports de police concernant des membres de la base du parti incluent «rapport concernant le mariage prochain du secrétaire de la branche de Little Ilford du Workers Revolutionary Party», «rapport concernant la réunion de la section de Highbury de la cellule de Hackney du Workers Revolutionary Party», «Rapport concernant les détails de la grossesse de l’organisatrice nationale de la section des jeunes socialistes du Workers Revolutionary Party», etc.

Dans ces conditions, Wohlforth et Fields se sont rendus en Grande-Bretagne et ont assisté ensemble à la conférence du Comité international (CI) sans informer personne des liens de Fields avec la CIA.

Tout au long de l’année 1974, Fields, avec le soutien de Wohlforth, joua un rôle destructeur au sein de la Workers League. Fields, dont l’attitude était profondément subjective, s’est présentée comme une experte en organisation, et a rapidement été élevée au rang de leader politique grâce à sa relation personnelle avec le secrétaire national. Elle et Wohlforth parcoururent le pays dans une voiture de sport financée par le parti, beuglant des ordres aux membres du parti et les évinçant. Une membre de la Workers League a déclaré à propos de son attitude envers les camarades qu’elle «nous traitait comme des chiens».

Le parti traversait une grave crise. Wohlforth a admis à Healy que de 1973 au milieu de 1974, 100 personnes quittèrent le mouvement, dont la moitié du Comité national et du Comité politique.

Il écrivit à Healy le 19 juillet 1974 : «Nous sommes, bien sûr, un mouvement essentiellement squelettique. Un très bon travail est réalisé par très, très peu de personnes dans de nombreux domaines. Nous n’avons presque plus rien en matière d’intellectuels – une sale désertion. Ce qui doit être fait dans ce domaine, je dois le faire avec Nancy.»

Le camp d’été de la Workers League, 31-31août 1974

La crise au sein de la Workers League devint plus urgente et éclata au grand jour lors du camp d’été de la Workers League organisé en août de la même année. Deux semaines avant l’école, Wohlforth avait été appelé à se rendre en Angleterre pour discuter de la crise au sein de la Workers League. Des informations faisant état de l’attitude extrêmement subjective et hostile de Fields étaient déjà parvenues aux dirigeants du CI.

Lors d’une réunion du comité politique du WRP le 18 août 1974, Healy confronta Wohlforth à propos de l’ascension rapide de Fields à une position d’autorité et lui demanda si Wohlforth avait des raisons de soupçonner qu’elle pouvait être liée à la Central Intelligence Agency. Healy a exprimé une inquiétude particulière quant à sa participation au cinquième congrès du CI au printemps. Compte tenu de ses activités destructrices aux États-Unis, la participation de Fields semblait politiquement inexplicable. C’était l’époque de COINTELPRO, et il était de notoriété publique que le FBI et d’autres agences de surveillance nationales remplissaient les rangs de groupes de gauche et anti-guerre d’agents dont la responsabilité était de faire des ravages dans leurs organisations cibles.

Wohlforth a répondu qu’il n’avait aucune raison de soupçonner qu’elle avait des liens avec la CIA.

Mais au bout de deux semaines, des informations devaient parvenir à l’attention de l’IC indiquant clairement qu’elle avait effectivement de tels liens. Elle avait été élevée et soutenue financièrement depuis son enfance par son oncle, Albert Morris, un agent de haut niveau de la Central Intelligence Agency, responsable de la division informatique IBM de l’agence et ami personnel proche du directeur de la CIA, Richard Helms, qui était un invité fréquent chez Morris lorsque Fields était jeune. [3]

Helms a été personnellement impliqué dans une opération de surveillance nationale massive contre plus de 10.000 socialistes, militants de gauche et anti-guerre précisément à cette époque. Selon un reportage de Seymour Hersh de décembre 1974 dans le New York Times :

Dans le cadre de ses prétendus efforts contre les dissidents américains à la fin des années 1960 et au début des années 1970, la CIA a autorisé des agents à suivre et à photographier les participants à des manifestations contre la guerre et autres. La CIA a également mis en place un réseau d’informateurs chargés d’infiltrer les groupes anti-guerres. [4]

Un camp d’été de la Workers League était prévu au Canada pour la fin août, et il devint vite évident que Wohlforth n’avait pratiquement rien fait pour le préparer. Cliff Slaughter, présent depuis le début du camp, a appelé Healy à venir sur place pour réagir à la crise. La Workers League était au bord de l’effondrement. À l’école d’été, interrogé à propos de Fields, Wohlforth a admis qu’il était au courant des liens familiaux de sa famille avec la CIA, même s’il a déclaré qu’il estimait qu’ils étaient «sans importance».

Le lien entre cette omission et la crise qui s’était développée au sein du parti devenait clair. Le 31 août 1974, le Comité central de la Workers League a voté la destitution de Wohlforth de son poste de secrétaire national et a suspendu Fields, en attendant le résultat d’une enquête menée par une commission de contrôle sur les liens familiaux de Fields. Les votes ont été unanimes, Wohlforth et Fields votant pour. La Workers League a créé une commission de contrôle composée de deux personnes pour enquêter sur les accusations, et la commission prévoyait d’interroger Wohlforth et Fields dans le cadre de l’enquête.

Tous deux ont par la suite refusé de participer de quelque manière que ce soit à la commission de contrôle, rejetant les demandes d’entretien et omettant de soumettre des explications écrites sur les liens de Fields avec la CIA. Un mois plus tard, fin septembre, Wohlforth quitta le mouvement. Dans sa lettre de démission du 29 septembre 1974, il déclara subitement :

Je suis complètement et totalement opposé aux travaux et aux décisions de la réunion du Comité central tenue le 31 août lors de notre camp en collaboration avec les camarades du Comité international et à leur demande. Je pense que cette réunion a constitué un sérieux revers dans la construction du parti révolutionnaire aux États-Unis et dans la construction du parti révolutionnaire à l’échelle mondiale.

Wohlforth a ajouté :

J’ai été démis de mes fonctions de secrétaire national dans les conditions d’une réunion complètement hystérique, sur la base d’accusations de nature complètement diffamatoire, en pleine nuit dans un camp, de sorte qu’il n’y avait eu aucune, absolument aucune discussion préalable sur ces questions dans le Comité politique, le Comité central et l’ensemble du parti. [5]

Bien entendu, Wohlforth n’a pas reconnu que la raison pour laquelle il n’y avait eu absolument aucune discussion à propos de Fields avant le camp était qu’il avait lui-même dissimulé ses liens avec la CIA pendant si longtemps. Il a qualifié les inquiétudes concernant ses relations avec la CIA de «sans fondement, ridicules et absurdes», et a déclaré que «la procédure dans cette affaire est monstrueuse. La réputation d’un camarade est en tout cas irrémédiablement endommagée par une telle accusation…» [6]

Wohlforth a déclaré que toute enquête sur Fields serait une «inquisition» et une «chasse aux sorcières», puis a ajouté : «Je dirais que le meilleur endroit pour trouver des agents dans la Workers League est parmi ceux qui sèment le scandale contre les dirigeants de la Ligue et pas parmi ceux qui sont victimes de la calomnie. Il en était ainsi à l’époque de la Quatrième Internationale sous Trotsky.» [7] Cette affirmation, comme nous le verrons, était totalement fausse.

La réponse du CI et les conclusions de la commission d’enquête

Cliff Slaughter, écrivant au nom du Comité international, répondit à Wohlforth dans une lettre datée du 6 octobre 1974. Les raisons de la démission de Wohlforth, écrivait Slaughter, étaient «totalement inacceptables dans notre mouvement et dénaturent complètement les délibérations du Comité central de la Workers League du 30 et 31 août.» [8]

Cliff Slaughter

Slaughter a expliqué : «Vous avez été démis de vos fonctions de secrétaire par décision unanime de votre propre Comité central. […] La raison de cette décision était votre propre action lors de la Conférence du CI en avril [sic] 1974. Vous avez permis à cette Conférence, avec des camarades venus de pays où ils travaillent clandestinement, d’achever ses travaux en présence de Nancy Fields, membre de votre délégation, quelqu’un dont les très proches liens familiaux avec la CIA par le passé vous étaient connus. Aucun de vous deux n’a porté cette question devant le comité afin qu’elle puisse faire l’objet d’une enquête et être vérifiée.» [9]

Slaughter exigea que Wohlforth retire son affirmation selon laquelle la commission d’enquête était une «inquisition» mise en place pour «déterrer» des preuves contre Fields. Il répliqua à la plainte de Wohlforth selon laquelle le Comité central de la Workers League avait voté la suspension de Nancy Fields «uniquement à cause de l’intervention du CI».

Il a écrit:

En tant que camarade ayant dû lutter contre l’anti-internationalisme de Cannon et Hansen, puis Robertson, vous devez sûrement être conscient de votre position contradictoire en relisant ces mots. […] Avec une telle position, vous niez vos propres luttes passées et faites appel aux pires éléments autour du mouvement, et en particulier aux groupes hostiles qui n’attendent que l’occasion pour l’attaquer et le détruire. Tout révisionniste petit-bourgeois corrompu concentre son attaque sur le prétendu autoritarisme du CI et défend son indépendance nationale. [10]

À cette heure tardive, camarade Wohlforth, nous vous demandons de reconsidérer votre position et de la modifier immédiatement. Ce n’est pas trop tard. Vous êtes invité à reprendre immédiatement vos responsabilités clés de la Workers League et du CI et à collaborer aux travaux de l’enquête. […] Ce n’est qu’ainsi que vous pourrez préparer la reprise de vos fonctions à la direction du parti. [11]

Le 9 novembre, la commission d’enquête publia ses conclusions. Le rapport expliqua que Wohlforth et Fields «ont refusé de collaborer à l’enquête, plaçant leurs considérations personnelles au-dessus des décisions du parti, une position qui est inadmissible».

La commission a conclu que Tim Wohlforth «avait effectivement dissimulé des informations vitales pour la sécurité du CI et de sa conférence de 1974». Elle a expliqué qu’elle avait recueilli les déclarations de 22 membres et ex-membres et que, par conséquent :

L’enquête a établi que depuis l’âge de 12 ans jusqu’à la fin de ses études universitaires, NF a été élevée, éduquée et soutenue financièrement par son oncle et sa tante, Albert et Gigs Morris. Albert Morris est à la tête des opérations informatiques IBM de la CIA à Washington et est également un actionnaire important d’IBM. Il était membre de l’OSS, précurseur de la CIA, et travaillait en Pologne comme agent de l’impérialisme. Au cours des années 1960, Richard Helms, ancien directeur de la CIA et aujourd’hui ambassadeur des États-Unis en Iran, était régulièrement invité chez eux dans le Maine. [12]

Nancy Fields

Concernant Nancy Fields, la commission a expliqué :

Nous avons constaté que le parcours de NF au sein du parti était celui d’une personne très instable qui n’a jamais rompu avec la méthode opportuniste du radicalisme petit-bourgeois. Elle a adopté des méthodes administratives et complètement subjectives pour résoudre les problèmes politiques. Ces méthodes se sont révélées extrêmement destructrices, surtout dans le domaine le plus décisif de la construction de la direction. Tim Wohlforth était pleinement conscient de cette instabilité et porte la responsabilité d’avoir introduit NF dans la direction du parti. Il s’est retrouvé dans une position isolée dans laquelle il a finalement caché au CI les relations antérieures de Nancy Fields avec la CIA. Il en porte clairement la responsabilité politique. [13]

La commission a ensuite déterminé :

Après avoir interrogé et étudié tous les documents disponibles, il n’existe aucune preuve suggérant que NF ou TW soient liés de quelque manière que ce soit au travail de la CIA ou de toute autre agence gouvernementale. L’enquête a pris en compte les nombreuses années de lutte de TW pour le parti et le CI, souvent dans des conditions très difficiles, et l’a exhorté à corriger ses erreurs individualistes et pragmatiques et à revenir dans le parti.

Nous recommandons que TW, une fois qu’il aura annulé sa démission de la Workers League, retourne aux comités dirigeants et à son travail sur le Bulletin, et ait le droit d’être nommé à n’importe quel poste, y compris celui de secrétaire national, lors de la prochaine Conférence nationale début 1975.

Nous recommandons la levée immédiate de la suspension de NF, à la condition qu’elle ne soit autorisée à exercer aucune fonction au sein de la Workers League pendant deux ans. [14]

La commission en a conclu :

L’enquête attire d’urgence l’attention de toutes les sections sur la nécessité d’une vigilance constante en matière de sécurité. Notre mouvement dispose de grandes opportunités de croissance dans chaque pays en raison des luttes de classes sans précédent qui doivent surgir de la crise capitaliste mondiale. Cette situation signifie également que les activités contre-révolutionnaires de la CIA et de toutes les agences impérialistes contre nous seront intensifiées. C’est un devoir révolutionnaire fondamental que d’accorder une attention constante et détaillée à ces questions de sécurité dans le cadre du tournant vers les masses pour la construction de partis révolutionnaires. [15]

Avant d’aborder la réponse des organisations révisionnistes et pablistes, il convient d’abord de faire un certain nombre de remarques sur la commission de contrôle elle-même. Malgré toutes les attaques contre la Workers League et le CI pour «hystérie», la commission de contrôle a mené son travail de manière responsable et sans aucune panique. Contrairement aux commissions de contrôle organisées par le SWP dans les années qui ont suivi l’assassinat de Trotsky, celle-ci a dit la vérité à ses membres. Elle a offert à Wohlforth et Fields l’opportunité de participer à l’enquête et de revenir dans le mouvement une fois celle-ci terminée. Cela ne l’empêchait pas non plus d’occuper des postes de direction, indiquant même que Wohlforth pourrait à nouveau se présenter au poste de secrétaire national dans un avenir immédiat. Fields s’est vue interdire d’occuper un poste de direction pendant deux ans, mais conservait également toute liberté de continuer son travail. La Workers League ne les a pas suspendus, ils ont eux-mêmes quitté le parti.

Rien de tout cela n’avait d’importance pour les groupes révisionnistes, qui ont utilisé l’attaque de Wohlforth et Fields contre le CI et la Workers League pour lancer une campagne visant à discréditer et à détruire le parti. Quelques mois plus tard, le secrétaire national de la Workers League, qui avait contribué à la fondation du Comité américain pour la Quatrième Internationale en 1964, annonçait qu’il avait rejoint le mouvement pabliste, presque du jour au lendemain.

La mesure du subjectivisme dont lui et Fields ont fait preuve dans cette lutte est une amère leçon pour le mouvement. Le subjectivisme politique, basé sur la promotion des intérêts personnels au-dessus de ceux de la classe ouvrière, est totalement incompatible avec la politique socialiste révolutionnaire. Nous ne tolérons pas une telle approche. Nous ne sommes pas un parti pour les carriéristes et les arrivistes, qui utilisent leurs relations personnelles pour cultiver des cliques, que Trotsky a qualifiées de «cercles d’amis, vous pour moi et moi pour vous». Dans La lutte pour un parti prolétarien, écrit sur la rupture de 1939-40 d’avec Shachtman, Abern et Burnham, James Cannon a écrit :

James P. Cannon

L’intellectuel petit-bourgeois, qui veut enseigner au mouvement ouvrier et le guider sans y participer, sent seulement un lien détaché avec le parti et a toujours plein de «griefs» contre lui. Dès que quelqu’un lui marche sur les pieds ou qu’il est mal accueilli, il oublie tout des intérêts du mouvement et se souvient seulement qu’il a été blessé dans ses sentiments ; la révolution peut être importante, mais la vanité blessée d’un intellectuel petit-bourgeois est plus importante. [16]

Le Socialist Workers Party réagit à l’abandon par Wohlforth de la Workers League

En février et mars 1975, Joseph Hansen félicita Wohlforth pour sa décision de quitter la Workers League, et l’hebdomadaire du SWP, Intercontinental Press, publia les dénonciations du mouvement par Wohlforth.

Le 22 mars 1975, la Workers League a répondu aux attaques de Wohlforth contre le parti en écrivant :

La CIA n’est pas une question accessoire pour notre mouvement, mais une question de tâches indispensables découlant des principes de construction des partis révolutionnaires du Comité international de la Quatrième Internationale. Seul celui qui ne prend pas au sérieux la construction du parti mondial de la révolution socialiste peut écarter la question de la sécurité contre la CIA, le centre international des plans contre-révolutionnaires des impérialistes. [17]

Joseph Hansen

Le 31 mars 1975, Joseph Hansen publia sa tristement célèbre dénonciation du CI et sa défense de Wohlforth, l’homme qui avait été son adversaire politique pendant 14 ans et qu’il avait fait expulser du SWP plus d’une décennie plus tôt. Hansen a écrit que «la sincérité de Wohlforth est indéniable et on ne peut que lui souhaiter meilleure chance dans sa prochaine entreprise». Attaquant Gerry Healy, Hansen a écrit :

Wohlforth qualifie l’attitude de Healy de «folie». Ne serait-il pas préférable, et peut-être plus précis, d’utiliser un terme moderne comme «paranoïa» ?

Si le terme convient, alors la véritable explication des obsessions de Healy à l’égard des agents de la CIA, des policiers et des complots contre sa vie, ainsi que de ses rages, de ses «réactions extrêmes» et de sa version étrange de la dialectique, ne doit pas être recherchée dans sa politique, méthodologie philosophique, ou des modèles comme Pablo ou Cannon, mais dans le fonctionnement d’un esprit mieux compris par les psychiatres. [18]

Cette déclaration, ainsi que l’attaque coordonnée contre le CI qui se déroulait alors, avaient une signification profonde, que le Comité international a immédiatement reconnue. Joseph Hansen avait été garde de Trotsky à Coyoacan . Il était présent lors de l’assassinat du 20 août 1940, perpétré à la suite de l’infiltration de l’enceinte de la résidence de Trotsky et du SWP aux États-Unis par le GPU de Staline. En 1975, il était de notoriété publique que Mark Zborowski, le bras droit de Lev Sedov à Paris, avait infiltré le mouvement et joué un rôle crucial dans l’assassinat de Trotsky et Sedov, ainsi que du transfuge du GPU Ignatz Reiss, Erwin Wolf et Rudolph Klement, secrétaire de la Quatrième Internationale. Aucun révolutionnaire ayant vécu cette période d’effondrement désastreux de la sécurité ne qualifierait les problèmes de sécurité de «paranoïa». Le CI a reconnu dans les paroles et les actions de Hansen un effort délibéré visant à désorienter le mouvement révolutionnaire et à créer un climat d’hostilité violente envers le Comité international.

Le Comité international répond à Hansen, avril 1975

Le CI répondit à Hansen dans une déclaration publiée en avril 1975.

La déclaration aborde l’essence même de ce qui constitue un parti révolutionnaire :

La sécurité n’est pas une question abstraite ou secondaire. Un parti qui n’est pas fondé sur une discipline révolutionnaire dans ses propres rangs ne peut pas obtenir le soutien de la classe ouvrière pour affronter la machine d’État capitaliste, la renverser et établir la dictature du prolétariat.

Notant que l’attaque de Hansen contre la Workers League et le CI «nous permet de rouvrir des pages vitales de l’histoire du trotskisme», la déclaration du CI a ajouté :

«Nous sommes obligés de présenter cette histoire, sans ignorer ses défauts, car notre mouvement a dans le passé payé un prix terrible en ignorant et en ridiculisant la formation en matière de sécurité dans ses rangs. Ce sont ces pages d’histoire que Hansen veut supprimer.»

Le Comité international «ne se laissera pas intimider par les cris et les hurlements des révisionnistes», indique la déclaration.

Ils peuvent nous traiter de «sectaires» et de «paranoïaques» jusqu’à l’épuisement. En utilisant ces étiquettes, ils attaquent en fait la lutte du CI pour les principes et son attention à la discipline et à la vigilance en matière de sécurité dans nos rangs. Nous ne construisons pas une agence de rencontres pour les flibustiers et les aventuriers de la classe moyenne, ce qui est la marque des groupements internationaux de Hansen. Cette voie est une invitation ouverte à la CIA et à l’infiltration policière, car c’est précisément parmi ces éléments que les agences de police opèrent avec autant de facilité. Hansen veut cacher la question de sécurité ; nous voulons l’élever dans la formation et la construction de notre mouvement. C’est pourquoi nous pensons qu’il est nécessaire de rouvrir les pages de l’histoire du trotskisme pour expliquer pourquoi des mesures ont été prises contre Wohlforth et pourquoi des mesures similaires seront prises de nouveau à l’avenir si la situation l’impose. [19]

Rouvrir les pages de l’histoire exigeait avant tout d’aborder les événements qui avaient conduit à la mort de Trotsky.

L’assassinat de Léon Trotsky

L’assassinat de Léon Trotsky a été l’assassinat politique le plus désastreux du XXe siècle. Ce fut le point culminant criminel de la conspiration du GPU qui s’étendait sur de nombreuses années et sur de nombreux continents, impliquant d’innombrables agents et des ressources presque infinies. C’était la plus haute expression du caractère contre-révolutionnaire de la réaction stalinienne.

C’était la conséquence de la Grande Terreur, la guerre civile préventive par laquelle Staline et la caste bureaucratique ont liquidé des générations de socialistes et de personnalités de premier plan de la vie intellectuelle, scientifique et culturelle. Des centaines de milliers d’opposants au régime et de sympathisants de l’Opposition de gauche et de la Quatrième Internationale ont été assassinés.

La majeure partie des dirigeants du Parti communiste de l’Union soviétique, y compris presque tous les vieux bolcheviks, furent tués. Quatre-vingt-dix pour cent des dirigeants de l’Armée rouge ont été assassinés. Les révolutionnaires ont été emprisonnés et torturés dans des cachots à travers l’Espagne, où les staliniens ont étouffé la révolution et ouvert la voie à Franco. Une section entière de la Loubianka, le quartier général du GPU, a été créée pour planifier l’assassinat de Trotsky. L’impact culturel et politique de la Grande Terreur se fait encore sentir aujourd’hui.

1975 se situe seulement 35 ans après l’assassinat de Trotsky. À cette époque, on savait peu de choses sur la façon dont le GPU avait tué Trotsky, bien que le SWP ait publié la brochure de l’avocat trotskiste Albert Goldman L’assassinat de Léon Trotsky : les preuves de la culpabilité de Staline moins de deux mois après l’assassinat.

Lors de son arrestation, l’assassin utilisait le nom de Frank Jacson. Son vrai nom, Ramon Mercader, fut finalement rendu public en 1950 grâce au travail du criminologue mexicain Alfonzo Quiroz Cuaron, qui allait ensuite être interviewé par David North dans le cadre de l’enquête que le CI s’apprêtait à lancer.

Que si peu de choses aient été faites après la publication du pamphlet de Goldman pour élucider les faits entourant l’assassinat de Trotsky est dû en grande partie au rôle joué par le Socialist Workers Party (SWP) aux États-Unis, le parti qui était chargé d’assurer la sécurité de Trotsky au Mexique. En conséquence, des personnalités comme Mark Zborowski et Sylvia Callen ont continué leur travail au sein du mouvement pendant de nombreuses années, transmettant au GPU chaque information qui tombait sur le bureau de James P. Cannon. Par la suite, Sylvia Callen puis Sylvia Ageloff se sont éloignées de la politique et ont vécu une vie longue et confortable.

Le Sixième congrès du CI vote pour lancer «La sécurité et la Quatrième Internationale», le CI propose une commission paritaire avec le Secrétariat unifié, mai 1975

Lors du sixième congrès du Comité international, tenu fin mai 1975, le CI a lancé l’enquête La sécurité et la Quatrième Internationale. Le 29 mai, immédiatement après l’ajournement du congrès, Cliff Slaughter écrivit à Hansen pour proposer au Secrétariat unifié pabliste, auquel le SWP était affilié, la création d’une commission de contrôle paritaire pour enquêter sur l’infiltration de l’État dans le mouvement ouvrier. La proposition n’a pas été faite dans l’optique de dissimuler les différends politiques entre les pablistes et le CI, et elle n’était pas non plus un pas vers la réunification. Il s’agissait plutôt d’une tentative de trouver un terrain d’entente pour enquêter sur les questions d’histoire et de sécurité du parti, questions que tout socialiste aurait reconnues comme des sujets d’enquête nécessaires, en particulier à la lumière des récentes révélations sur la surveillance par l’État.

Cette proposition fut immédiatement rejetée par Hansen dans une lettre du 5 juin 1975, qui illustrait le cynisme qui caractérisait son travail. Hansen s’est moqué de la signature que Slaughter avait apposée sur sa lettre proposant la commission paritaire, plaisantant en disant qu’elle indiquait que Slaughter était lui-même un agent.

Hansen a écrit : «Je suis sûr que votre Comité central, compte tenu de son expertise en la matière, reconnaîtra la nécessité d’être attentif à des indices apparemment insignifiants comme ceux-ci. Elles peuvent conduire à l’identification d’un agent infiltré dans l’organisation par la police ou la CIA. [...] Peut-être que cela vous aidera à repérer le policier si c’est lui qui l’a écrit.» [20]

Il est à noter que Wohlforth avait conclu sa déclaration du 29 septembre 1974 en faisant une déduction similaire.

Les premiers résultats de «La sécurité et la Quatrième Internationale», août-septembre 1975

Le CI a publié les premières conclusions de La sécurité et la Quatrième Internationale dans une série de 19 articles dans la publication du WRP, Workers Press, en août et septembre 1975.

Les résultats ont montré comment le SWP avait systématiquement dissimulé le rôle des agents du GPU en son sein. Cela comprenait également la publication de documents des Archives nationales montrant que Joseph Hansen avait noué des relations avec le département d’État américain et le FBI quelques jours après la mort de Trotsky.

Nous ne pouvons ici que résumer brièvement l’ensemble des documents publiés par La sécurité et la Quatrième Internationale sur les réunions de Hansen avec le gouvernement américain. Ces réunions furent suivies attentivement aux plus hauts niveaux de l’État, notamment par le directeur du FBI, J. Edgar Hoover. Les points de contact de Hansen comprenaient des hommes de premier plan tels que George P. Shaw, Robert McGregor et B.E. Sackett.

Lors de sa première réunion, Hansen a fourni au gouvernement des informations sur l’assassinat de Trotsky. À cette époque, Hansen communiquait au gouvernement américain qu’il avait rencontré, en 1938, des agents de la police secrète de Staline. Le rapport de McGregor, datant de la réunion du 31 août 1940, note que Hansen a déclaré «qu’il a lui-même été approché par un agent du GPU qui lui a demandé de déserter la Quatrième Internationale et de rejoindre la Troisième». Le rapport indique que Hansen a rencontré pendant trois mois un agent du GPU nommé «John», alias le Dr Gregory Rabinowitz, chef de file des espions du GPU à New York. [21]

Joseph Hansen (à gauche) avec Trotsky et sa femme à Coyoacan, au Mexique

Hansen a fourni au gouvernement américain des copies des écrits inédits de Trotsky, une copie du mémorandum «W» – une liste de noms d’agents du GPU que le SWP avait reçu de l’ancien membre du Parti communiste Whittaker Chambers – et des informations concernant l’enquête interne du SWP sur l’assassinat de Trotsky.

L’enquête «La sécurité et la Quatrième Internationale» révélerait également que le 25 septembre 1940, le consul américain au Mexique, George P. Shaw, écrivit au haut responsable du département d’État, Raymond E. Murphy, que Joseph Hansen «veut être mis en contact avec quelqu’un» afin de transmettre «des informations confidentielles [...] en toute impunité». Le directeur du FBI, J. Edgar Hoover, a répondu positivement et a encouragé ses hommes à enquêter sur Hansen, écrivant le 1er octobre : «Si Hansen passe au bureau de New York, il doit être traité avec tact et toutes les informations qu’il peut fournir ainsi que son aide dans cette enquête devraient être obtenues.» [22]

La lettre envoyée par Raymond E. Murphy, haut responsable du département d’État, au consul américain à Mexico, George Shaw, ordonnant à Shaw de dire à Joseph Hansen de «prendre contact avec M. B. E. Sackett» (à droite), qui est «l’agent responsable du district de New York du FBI». Elle est datée du 28 septembre 1940.

Aucun membre dirigeant du SWP n’était au courant de tout cela, comme La sécurité et la Quatrième Internationale l’établira plus tard. Les justifications de Hansen pour ses réunions avec le FBI et le GPU se sont également révélées fausses. L’absence de Hansen de la liste des 29 dirigeants du SWP poursuivis par l’administration Roosevelt pour sédition en 1941 s’explique uniquement par la relation qu’il avait nouée avec l’État. Le CI a depuis établi que les procureurs avaient fondé leur dossier sur la proximité du SWP avec Trotsky au Mexique et présenté tous les éléments de preuve sur lesquels ils pouvaient mettre la main démontrant l’intimité entre le SWP et Trotsky à Coyoacan.

Hansen, qui était là pendant trois ans, aurait joué un rôle essentiel pour établir ce lien. Cependant, Hoover était principalement préoccupé par la possibilité que ses agents soient démasqués au cours du procès. À un moment donné du procès, le procureur a mentionné Hansen en passant, l’appelant «Joe».

«Joseph Hansen : complice du GPU»

Le Comité international n’a pas accusé Hansen d’être un agent lorsque La sécurité et la Quatrième Internationale a été lancée. Le CI a plutôt accusé Hansen et le SWP «de négligence criminelle en ce qui concerne les questions de sécurité dans la mort de Trotsky et les tâches de sécurité révolutionnaire en relation avec la défense de la Quatrième Internationale». Hansen et George Novack «ont dissimulé les circonstances entourant l’assassinat de Trotsky», a écrit le CI. «Ils sont restés silencieux à propos des agents staliniens qui ont infiltré leurs propres rangs. Il ne s’agit pas d’un oubli. C’est une politique consciente et délibérée.» [23]

Agents staliniens impliqués dans l’assassinat de Trotsky. Première ligne de gauche à droite : Mark Zborowski, Sylvia Callen, les frères Soblevicius, Jack et Robert. Deuxième ligne de gauche à droite : Robert Sheldon Harte, Sylvia Ageloff, Thomas L.Black.

Hansen était responsable non seulement d’avoir dissimulé ses propres liens avec le GPU et le FBI, mais aussi d’autres agents du GPU travaillant au sein de la Quatrième Internationale. Ceux-ci comprenaient :

(1) Mark Zborowski, dont le procès pour parjure en 1958 n’avait pas été rapporté par le SWP dans son journal Militant.

(2) Sylvia Callen (Caldwell ou Franklin), qui avait été secrétaire de Cannon pendant neuf ans et qui fut signalée comme un agent du GPU par Louis Budenz, d’abord en 1947, puis plus explicitement en 1950. Le SWP avait reçu des preuves incontestables quant à son rôle en mars 1947 grâce à un renseignement de Max Shachtman et Albert Glotzer, mais a dissimulé son rôle lors d’une commission de contrôle bidon tenue en mai.

(3) Les frères Soblevicius, Jack Soble et Robert Soblen, qui avaient d’abord servi comme agents au sein de l’Opposition de gauche en Allemagne au début des années 1930, sous les noms de Senin et Well, et qui avaient ensuite espionné le mouvement trotskiste aux États-Unis après avoir immigré aux États-Unis. Sylvia Callen avait également été désignée comme co-conspiratrice non inculpée en 1960 lorsque Robert Soblen a été poursuivi pour espionnage du nucléaire. Une fois encore, Hansen et le SWP refusèrent de couvrir le procès de Soblen, qui confirma son rôle dans la surveillance du mouvement trotskiste et se termina par sa condamnation en 1961.

(4) Floyd Cleveland Miller, un ancien membre de premier plan du SWP, a également été répertorié comme co-conspirateur non inculpé du GPU dans l’affaire Soblen et a témoigné qu’il avait fourni des informations au GPU sur les marins marchands trotskistes à bord de navires à destination de l’Union soviétique.

(5) Thomas Black, un agent stalinien qui a témoigné devant un comité sénatorial en 1956, a révélé qu’un certain nombre d’agents du GPU opéraient dans la maison de Trotsky au Mexique. Le SWP n’a jamais mené d’enquête sur le témoignage de Black.

(6) Robert Sheldon Harte, qui était révélé ultérieurement comme un agent du GPU dans les Venona Papers, était le garde qui a permis à l’équipe d’assassinats dirigée par David Alfaro Siqueiros d’entrer dans l’enceinte de la villa de Trotsky le 24 mai 1940. Le GPU l’assassina pour l’empêcher de parler.

(7) Même si cette question n’a pas été autant évoquée en 1975, on peut désormais ajouter Sylvia Ageloff à cette liste. Le témoignage public d’Ageloff en 1950 devant le Comité de la Chambre sur les activités anti-américaines n’a également reçu aucune attention dans la presse du SWP. Dans un article du 15 février 1941 paru dans le Militant, Hansen faisait référence à Ageloff comme étant «connue depuis des années par les amis de Trotsky comme étant fiable et loyale», contribuant ainsi à établir le mythe de la «pauvre Sylvia».

Notons que, lors du procès de Robert Soblen, le maître-espion du GPU, Jack Soble, a témoigné qu’il avait sous son contrôle 10 agents opérant au sein du mouvement trotskiste. Six avaient été nommés publiquement, mais pas les quatre autres. La direction du SWP ne voulait pas découvrir qui étaient les autres agents, en grande partie parce que Hansen lui-même en faisait partie.

En août 1975, le camarade North repéra Zborowski devant son domicile à San Francisco, où il vivait dans une semi-retraite confortable après avoir été professeur au département d’anthropologie de l’Université de Berkeley.

Mark Zborowski et sa femme Regina photographiés par le Comité international, à San Francisco, 1975

North a photographié Zborowski avec sa femme Regina. Zborowski a attaqué North tandis que Regina lançait sur un ton menaçant : «Vous ne pouvez rien faire avec ces photos si vous savez ce qui est bon pour vous.» Hansen a affirmé qu’il n’y avait «rien à tirer» de l’enquête sur Zborowski. [24]

Hansen et Novack défendent les agents du GPU

Mais la réponse de Hansen à l’appel à une commission paritaire n’a fait que soulever d’autres questions sur le rôle qu’il jouait. Dans l’édition du 24 novembre 1975 d’Intercontinental Press, Hansen rejeta à nouveau l’appel à une commission paritaire sur la sécurité et les circonstances de l’assassinat de Trotsky. Il qualifia La sécurité et la Quatrième Internationale de «geyser de boue» et défendu effrontément Sylvia Callen, Robert Sheldon Harte et Sylvia Ageloff.

À propos de Franklin-Caldwell-Callen, il a écrit : «Sylvia Caldwell (c’était son nom dans le parti) a travaillé très dur dans sa mission plutôt difficile de gérer le bureau du Socialist Workers Party, qui consistait notamment à aider Cannon dans ses fonctions de secrétariat. En fait, tous les camarades qui partageaient avec elle ces tâches souvent fastidieuses la considéraient comme exemplaire. Ils étaient offusqués autant qu’elle par les calomnies ignobles propagées par Budenz.» [25]

Il a défendu Harte, disant qu'il avait été victime d’attaques malveillantes et était innocent des accusations d’avoir été un agent du GPU, bien que cela soit désormais définitivement prouvé. Notons que Hansen a également présenté Ageloff comme une victime innocente.

«L’odeur des vieilles calomnies du GPU contre Harte, comme nous le voyons, persiste encore au siège du Workers Revolutionary Party», a-t-il écrit. «Il n’y a aucune considération que Harte ait pu être victime de Jacson de la même manière que Sylvia Ageloff a été victime. Il n’y a aucune admission ici de la possibilité que Harte ait pu avoir été trompé en prenant Jacson comme ami de confiance, tout comme Ageloff, qui est tombée amoureuse de Jacson, a été trompée en croyant que son amour était réciproque». [26]

Hansen a qualifié Ageloff de «membre de confiance du mouvement trotskiste qui n’avait pas la moindre idée de sa véritable identité» [de Jacson], [27] répétant l’affirmation qu’il avait publiée pour la première fois en 1941. Ce faisant, il a contribué à consolider le mythe de «la pauvre Sylvia,» dont nous avons maintenant établi qu’il avait été concocté pour la protéger et protéger le réseau du GPU derrière elle et Mercader.

Dans l’édition du 8 décembre 1975 d’Intercontinental Press, George Novack, membre dirigeant du SWP, qui avait aidé Zborowski à entrer aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale et qui avait dissimulé ce fait pendant 30 ans, a attaqué les «allégations imprudentes et aveugles» de Healy contre «Sylvia Caldwell, secrétaire de Cannon», écrivant que «tout est permis dans ses efforts frénétiques pour jeter le soupçon sur Joseph Hansen et ses collègues». [28]

Le 23 décembre 1975, Harold Robins, ancien garde de Trotsky, publia une lettre ouverte au Comité national du SWP, l’organisation dont il avait été membre. Robins, qui accompagnerait le camarade North lors de deux voyages à Mexico pour reconstituer les attaques contre la vie de Trotsky, a exigé que le SWP renie l’article de Hansen du 24 novembre 1975. Robins a écrit au SWP :

Le rôle des espions dans le mouvement ouvrier, des coups montés contre les militants syndicaux et de la traque à mort des opposants sociaux au capitalisme par les États capitalistes et précapitalistes existent depuis les débuts de la société de classes. Toujours – sans aucune exception – la question de la «sécurité» devait nécessairement être à l’ordre du jour des rebelles et des révolutionnaires. Les vues du camarade Hansen vont dans une «ligne» diamétralement opposée. Pouvez-vous continuer à suivre cette politique ? [29]

Le SWP n’a pas répondu à cette lettre. En janvier 1976, le Comité international a publié un acte d’accusation public contre Hansen, le qualifiant de «complice du GPU». Peu de temps après, au début de 1976, le SWP publia un recueil d’essais commémorant la vie de James P. Cannon, décédé en août 1974, dans lesquels l’épouse de Joseph Hansen, Reba Hansen, décrivait Callen comme quelqu’un dont «le dévouement au mouvement et sa volonté de consacrer de longues heures de travail acharné nous a tous inspirés. Sylvia et moi sommes devenues de proches collaboratrices et de bonnes amies personnelles. C’était un être humain chaleureux.» [30]

Non seulement le SWP rejeta l’appel à une commission paritaire, mais il mobilisa le mouvement pabliste mondial contre le Comité international. En septembre 1976, ils publièrent un faux «verdict» déclarant Hansen et Novack innocents.

En décembre 1976, le SWP publia une brochure intitulée «Healy’s Big Lie» (Le gros mensonge de Healy) qui commençait par une introduction de Wohlforth qualifiant La sécurité et la Quatrième Internationale de «bizarre chasse aux sorcières lancée par Healy contre Nancy Fields, l’accusant d’être un “agent de la CIA”. Lorsque Fields a résisté aux brimades de Healy et que je l’ai soutenue, nous avons été dénoncés en termes hystériques.» [31] Il s’agissait bien sûr d’une falsification totale de la façon dont ils avaient quitté le mouvement.

Wohlforth, Hansen et la Plateforme de la honte

Dans la presse du SWP, Wohlforth a fait l’éloge de Hansen et a approfondi ses attaques contre le CI. Il a écrit : «Ayant déjà commencé à reconsidérer un certain nombre de questions politiques, Nancy Fields et moi avons été impressionnés par l’évaluation de Hansen. Cela a ouvert un processus de discussion et de collaboration qui nous a amenés à adhérer au Socialist Workers Party (SWP) au début de 1976.» Il a conclu : «La ressemblance entre les méthodes de Healy et celles de Staline lors des procès de Moscou est frappante.» Il a qualifié Hansen de «révolutionnaire altruiste». [32]

L’entrée rapide de Wohlforth et Fields dans le SWP soulève des questions sur le passé politique de Fields. Elle s’était vantée d’être proche des Black Panthers et avait déclaré au Militant que lorsqu’elle étudiait à la Western Reserve University à Cleveland, elle «avait assisté à certains cours qu’un membre de l’YSA, John McCann, donnait sur le campus». Dans cette interview, publiée le 7 mai 1976, elle a déclaré que tout au long de son adhésion à la Workers League, elle «avait toujours aimé Fred Halsted», le candidat du SWP à la présidentielle de 1968, et «pensait que la campagne de Linda Jenness était importante». [33] Jenness était la candidate du SWP à la présidence en 1972.

Nancy Wohlforth est devenue plus tard membre du conseil d’administration de l’AFL-CIO et une militante active du Parti démocrate.

Suite à la publication de «Healy’s Big Lie», le mouvement pabliste mondial organisa un événement le 14 janvier 1977 au Friends Hall de Londres, que le Comité international a qualifié de Plateforme de la honte. Les dirigeants du mouvement pabliste mondial se sont réunis pour dénoncer La sécurité et la Quatrième Internationale en termes hystériques, avec Wohlforth comme intervenant vedette. Lorsque le chef du WRP, Gerry Healy, a levé la main, à la fin de la réunion, pour répondre aux calomnies dirigées contre lui et contre le mouvement, on lui a refusé le droit de parole. Tariq Ali, l’un des principaux pablistes britanniques, a tenté de noyer la protestation Healy en encourageant la foule à scander des slogans.

Gerry Healy tentant de prendre la parole lors de la Plateforme de la honte, le 14 janvier 1977

Même la presse bourgeoise a reconnu le caractère honteux du rassemblement pabliste. Le Sunday Observer a rapporté : «M. Healy s’est rassis tranquillement, sentant peut-être qu’il avait fait valoir son point de vue avec plus d’éloquence que n’importe quel mot n’aurait pu le faire.» [34] Le Newsline du WRP a écrit : «En évitant toutes les questions principales, la réunion n’a fait qu’intensifier leur crise. Cela n’a rien réglé.» [35]

Le Comité international a écrit à propos de cette Plateforme de la honte :

Ceux qui connaissent l’histoire de la lutte contre le révisionnisme auront du mal à contenir un désir spontané de vomir devant la témérité des organisateurs qui défendent les activités criminelles du GPU et de leurs complices sous la bannière d’une fausse «démocratie ouvrière» […] les révélations des crimes de Staline et la complicité des révisionnistes dans la dissimulation de ces crimes sont au cœur de cette préparation de nouveaux cadres de révolutionnaires. Ceux qui s’opposent à cette tâche, sous quelque forme que ce soit, servent les intérêts du stalinisme contre-révolutionnaire. Nous sommes prévenus. [36]

Le CI trouve Sylvia Franklin-Caldwell-Callen-Doxsee

Le Comité international a poursuivi son enquête. En mai 1977, David North et Alex Mitchell ont localisé Sylvia Callen à Wheaton, dans l’Illinois.

Interrogée sur son passé politique, Callen a reconnu avoir travaillé comme secrétaire de Cannon, mais a cherché à balayer ses années au sein du SWP comme un épisode mineur de sa vie. Le Bulletin, le journal de la Workers League, rapportait le 31 mai 1977 qu’elle avait déclaré : «Je ne vois même pas pourquoi c’est important. Je n’ai jamais vraiment été engagée dans la politique. Je ne lisais jamais. Je n’ai jamais compris. Je n’étais qu’une enfant immature, c’est à peu près tout ce que je peux dire […] C’est comme si j’avais mis une croix là-dessus. Toute cette période de ma vie». [37]

Sylvia Franklin, photographiée par le Comité international, 1977

À propos de Cannon, Callen a déclaré : «Ce n’était pas un homme important, à mon avis. Est-ce bien le cas ? Quel rôle jouait-il dans le monde ?» Lorsque le camarade North lui a demandé pourquoi elle avait été inculpée de co-conspiratrice dans un réseau d’espionnage du GPU, Callen a répondu qu’elle ne s’en souvenait pas. [38]

Cet été-là, North a également interviewé Felix Morrow, un ancien membre du comité national du SWP qui était l’un des 18 membres du SWP emprisonnés pour sédition à la suite du procès en vertu du Smith Act de 1941. Morrow a déclaré à North qu’il n’y avait eu aucun effort officiel de la part de la direction du parti pour tendre la main au gouvernement américain après l’assassinat de Trotsky. «Aucun», a déclaré Morrow à North. «Ils n’étaient impliqués d’aucune façon.» [39] Les communications de Hansen avec le département d’État et le FBI étaient à des fins personnelles, elles se déroulaient en secret, dans le dos des dirigeants du SWP.

Plus tard, lors d’une déposition ordonnée par un juge dans l’affaire Gelfand, les dirigeants du SWP, Farrell Dobbs et Morris Lewit, ont déclaré de la même manière qu’ils n’avaient aucune connaissance des réunions de Hansen avec le FBI. Le château de cartes de Hansen s’effondrait.

Après la publication de l’interview de Callen le 31 mai 1977, Hansen répondit dans un article de l’Intercontinental Press du 20 juin 1977 intitulé «Les disciples de Healy intensifient le coup monté contre des dirigeants trotskistes» (Healyites Escalate Frame-up of Trotskyist Leaders). Dans l’article, Hansen tentait de semer le doute sur ce qu’il appelait la «prétendue» interview de Callen, affirmant que le CIQI avait «intensifié ses calomnies contre la direction du Socialist Workers Party». [40]

Hansen a attaqué La sécurité et la Quatrième Internationale en ridiculisant l’affirmation selon laquelle Callen était un agent. Dans son article du 20 juin 1977, Hansen écrivait : «Les membres de ce groupe restreint de chasseurs de sorcières [c’est-à-dire le CIQI] se livrent à une calomnie à laquelle ils n’avaient fait jusqu’ici qu’allusion ; à savoir que la commission de contrôle mise en place par le Socialist Workers Party en 1947 pour examiner les rumeurs circulant à propos de Caldwell [c’est-à-dire Callen] était “truquée”.» [41]

En effet, la commission de contrôle du SWP de mai-juin 1947 a été truquée, comme l’a définitivement établi une série d’articles [en anglais] du WSWS de 2018. Cette commission de contrôle a entendu des informations dévastatrices présentées au SWP selon lesquelles Sylvia Callen était un agent du GPU. Plutôt que d’enquêter sur les allégations, la commission a dissimulé le rôle de Callen en tant qu’agent et a tenu à ce que les personnes présentes s’engagent à garder le secret.

Hansen a également écrit : «Les disciples de Healy sont tout à fait capables de commettre des violences physiques contre d’autres secteurs du mouvement ouvrier.» Il a menacé le Comité international, avertissant que l’enquête aurait des «conséquences mortelles». [42]

L’assassinat du camarade Tom Henehan

Au petit matin du 16 octobre 1977, la menace de Hansen devint réalité. Le camarade Tom Henehan fut tué par balle à New York par deux tueurs à gages alors qu’il supervisait une fête au Ponce Social Club. Tom n’avait que 26 ans.

Tom Henehan, en juin 1977

La Workers League a immédiatement lancé une campagne exigeant l’arrestation des deux tueurs et une enquête pour déterminer qui était à l’origine de cet attentat. Les assassins ont été rapidement identifiés comme étant Edwin Sequinot et Angelo Torres, mais la police de New York a refusé de les arrêter. La presse l’a immédiatement qualifié de «meurtre gratuit». L’inspecteur de police John Mohl a déclaré au Detroit Free Press : «Nous savons qui a fait cela, et je peux vous dire qu’il n’y avait aucune motivation politique.»

Il a fallu trois ans de campagne pour mobiliser le mouvement syndical afin que les tueurs soient arrêtés. La Workers League a exigé que le procureur du district de Brooklyn, Eugene Gold, arrête les tueurs et enquête sur l’assassinat. Elle a fait campagne dans la classe ouvrière et parmi les syndicats, rassemblant des signatures et sollicitant des lettres exigeant que le procureur Gold agisse. Des lettres ont été soumises par des syndicats représentant plus d’un million de membres. Les signataires comprenaient Anthony Mazzochi, William Winpisinger , Gary Tyler, Ed Asner et des représentants de l’ACLU, de l’IRA, de l’OLP et de l’American Indian Movement. En octobre 1980, la police céda finalement à la pression et arrêta Torres et Sequinot. Ils ont été reconnus coupables en 1981 mais n’ont pas témoigné quant à l’identité de celui qui avait planifié leurs actes. Leur avocat a déclaré au parti : «Selon les rumeurs, il s’agirait d’un meurtre commandité.»

Les douze de Carleton

Malheureusement, nous n’avons pas suffisamment de temps pour revenir sur la campagne qui a suivi l’assassinat du camarade Henehan, ni pour raconter de manière suffisamment détaillée chaque coup porté par La sécurité et la Quatrième Internationale au mouvement pabliste dans les années qui suivirent. En 1979, le Comité international a révélé que presque tous les dirigeants du SWP étaient diplômés de l’université de Carleton College, un petit établissement privé situé dans la campagne de Northfield, au Minnesota.

Comme l’indique le document de l’histoire du SEP (États-Unis) :

Un autre ensemble de faits bizarres a émergé de l’enquête de sécurité. La quasi-totalité de la direction centrale du Socialist Workers Party – y compris la majorité de son comité politique – avait fréquenté le Carleton College, une petite école d’arts libérale du Midwest. Rien n’indique que le SWP ait mené un travail systématique sur le campus de Carleton entre 1960 et 1964, lorsqu’un grand nombre de ses étudiants, dont Jack Barnes, sont entrés dans le parti et ont été rapidement promus à sa direction. Leur transformation d’étudiants conservateurs du Midwest (Jack Barnes avait été républicain) en dirigeants d’une organisation apparemment révolutionnaire s’était effectuée dans le Fair Play For Cuba Committee, qui était truffé d’agents du FBI. Aucune explication crédible n’a été fournie par la direction du SWP pour expliquer le phénomène du Carleton College. [43]

L’Affaire Gelfand

Une autre étape importante de l’enquête a été l’affaire Gelfand, un procès intenté en 1979 par Alan Gelfand, alors membre du SWP, qui a été expulsé du SWP pour avoir soulevé des questions sur La sécurité et la Quatrième Internationale. Gelfand et ses avocats ont réussi à obtenir la déposition de nombreux membres dirigeants du SWP, ce qui a ajouté aux preuves d’une infiltration généralisée de l’organisation.

L’année précédente, en décembre 1978, Gelfand avait déposé un mémoire d’amicus curiae à l’appui d’un procès intenté par le SWP concernant la surveillance du mouvement par le FBI via COINTELPRO. Ce procès, qui avait été intenté par le SWP principalement dans le but de collecter des fonds, n’était pas mené dans l’intention de dénoncer les agents passés ou encore actifs au sein du parti. En fait, le gouvernement américain a finalement réglé l’affaire en versant au SWP des centaines de milliers de dollars, sans identifier un seul agent infiltré dans le parti. Au cours du procès, le FBI a admis qu’entre 1960 et 1976, 300 informateurs avaient été membres du SWP.

Le procès intenté par Gelfand affirmait que ses droits au titre du premier amendement avaient été violés lorsqu’il avait été exclu d’un parti dirigé par des agents du gouvernement. Il a réussi à obtenir la publication du témoignage de Sylvia Callen devant le grand jury, dans lequel elle a admis qu’elle avait été un agent du GPU. Le juge Pfaelzer, après un long délai, a finalement fourni à l’avocat de Gelfand, John Burton, l’information définitive que le SWP avait dissimulé un agent du GPU, et que tous ses efforts pour mentir ou déformer des demi-vérités n’étaient que cela. Le juge a révélé ce témoignage devant grand jury peu de temps après que le chef du SWP, Jack Barnes, ait déclaré au tribunal que Sylvia Callen était son «héroïne» pour tout ce qu’elle avait souffert à cause des accusations du Comité international. Pendant tout ce temps, le SWP défendait un agent du GPU.

La lettre du 9 juin 1976 de Vaughn T. O’Brien

La publication du témoignage devant grand jury de Sylvia Callen a également coïncidé avec la publication du texte intégral de la lettre du 8 juin 1976 adressée à Hansen par Vaughn T. O’Brien, l’ami d’enfance de Hansen originaire de l’Utah. Hansen avait cité une partie de la lettre dans Intercontinental Press dans sa tentative de justifier ses réunions antérieures avec le GPU, affirmant d’abord faussement qu’elles avaient été menées sous les instructions de Trotsky afin d’inciter le GPU à payer 25.000 $ pour une copie de la biographie de Staline par Trotsky.

Hansen n’avait cependant pas cité intégralement la lettre d’O’Brien et, grâce à l’affaire Gelfand, nous savons maintenant pourquoi. La lettre, dont la publication a été ordonnée par le juge Pfaelzer, contenait une révélation stupéfiante. Dans une section de la lettre non citée publiquement par Hansen, O’Brien lui avait rappelé une rencontre qu’O’Brien avait eue à la fin des années 1940 ou au début des années 1950: la période de la commission de contrôle du SWP qui avait protégé Sylvia Callen et la publication du livre de Louis Budenz l’identifiant comme un agent. La rencontre avec O’Brien a eu lieu avec Pearl Kluger, une ancienne membre de l’American Workers Party d’A.J. Muste, qui connaissait personnellement Budenz. O’Brien a écrit : «Je n’avais pas vu Pearl depuis longtemps, mais elle a immédiatement dit : “Budenz dit que votre ami Joe Hansen a travaillé avec le GPU.”» [44]

Cela a révélé que Hansen et le SWP devaient défendre Callen parce que c’était Budenz qui l’avait dénoncée à l’origine, et si ses avertissements étaient corrects, cela aurait également servi de preuve supplémentaire du rôle de Hansen en tant qu’agent du GPU. Pour protéger Hansen, lui, Barnes et le SWP ont défendu Callen en la qualifiant de «camarade exemplaire». Bien que Budenz ait rendu public des informations sur Callen, il n’a pas divulgué ce qu’il savait sur Hansen, qui était alors devenu un agent de l’impérialisme américain.

L’affaire Gelfand comprenait également une autre révélation stupéfiante de la transformation du SWP. Au cours du procès, il est apparu pour la première fois que Gelfand avait réussi à imposer la déposition de Mark Zborowski. Mais le SWP a aidé les avocats de Zborowski à déposer une requête pour annuler son assignation à comparaître et Jack Barnes a déclaré que Zborowski avait le droit démocratique de ne pas parler au tribunal. En conséquence, le SWP a empêché Zborowski d’être contraint de répondre pour la première fois de ses crimes contre le mouvement trotskiste.

La CIA voulait également empêcher Zborowski de témoigner et empêcher que la vérité sur d’autres agents ne soit divulguée au cours du procès. Un mémorandum du 11 juin 1982 de l’avocat général de la Central Intelligence Agency, Stanley Sporkin, au directeur de la CIA, William J. Casey, citait l’affaire Gelfand comme un «sujet d’intérêt majeur» pour la CIA. Un mémo de la CIA récemment découvert dit :

Dans Gelfand c. Procureur général, DCI, et al., Gelfand affirme que des agents présumés de la CIA et du FBI au sein du Socialist Workers Party (SWP) l’ont expulsé du parti. Lors de l’enquête préalable au procès, Gelfand a soumis des interrogatoires demandant au DCI [Directeur du renseignement central] si 19 membres nommés du SWP sont ou ont été des agents de la CIA et si la CIA pense que l’individu nommé est un agent du renseignement soviétique. [45]

Le rôle joué par La sécurité et la Quatrième Internationale dans la scission d’avec le Workers Revolutionary Party

Les révélations rendues publiques par l’affaire Gelfand sont restées quasiment ignorées par le Workers Revolutionary Party (WRP). Au moment de la conclusion de l’affaire au début de 1983, le WRP avait dans l’ensemble cessé de s’intéresser à La sécurité et la Quatrième Internationale. Son rôle dans le développement de l’enquête s’est arrêté. Cela a coïncidé avec l’adaptation grandissante du WRP à la politique nationaliste pabliste dans la période précédant la scission.

À partir de la fin de 1985, alors que la crise éclatait au sein du WRP, la faction de la direction du WRP dirigée par Banda et Slaughter attaqua ouvertement La sécurité et la Quatrième Internationale, l’enquête pour laquelle ils avaient eux-mêmes voté en faveur et à laquelle ils avaient participé activement au milieu des années 1970.

Le 26 novembre 1985, sans aucune discussion avec le Comité international, dont il faisait encore partie à l’époque, Cliff Slaughter se présenta à une réunion de pablistes et de staliniens et dénonça La sécurité et la Quatrième Internationale avant de serrer la main du stalinien de premier plan, Monty Johnstone. Quelques semaines auparavant, Slaughter avait défendu La sécurité et la Quatrième Internationale devant une réunion du comité politique de la Workers League.

Le 11 décembre 1985, la Workers League a écrit au Comité central du WRP :

Ce qui s’est passé au Friends Hall n’était pas une réunion ; c’était une perspective. Ce qui a été révélé lors de cette réunion est une évolution vers ce que le SWP appelait autrefois le «regroupement», c’est-à-dire l’abandon du trotskisme au profit d’alliances sans principes avec des radicaux, des révisionnistes et des staliniens de toutes sortes. [46]

Alors qu’ils s’apprêtaient à renoncer explicitement au trotskisme, Slaughter et Banda ont dénoncé le CI et le camarade North, affirmant que La sécurité et la Quatrième Internationale marquait un «éloignement de la lutte internationale contre le révisionnisme». Slaughter et Banda ont présenté La sécurité et la Quatrième Internationale comme la preuve centrale de leur soi-disant théorie de la «dégénérescence égale», qui affirmait que l’ensemble du mouvement international et toutes ses sections étaient aussi corrompus que le WRP.

En décembre 1985, le comité central du WRP appela à une enquête sur La sécurité et la Quatrième Internationale et exigea «une commission d’enquête internationale publique sur l’infiltration du mouvement trotskiste par l’État». Cette demande stupéfiante d’enquêter sur le CI et toutes ses sections était une tentative cynique de fausser la demande soulevée par le CI (et soutenue par Banda et Slaughter) en mai 1975 pour une commission d’enquête sur l’infiltration du SWP et de le retourner contre le CI.

Slaughter et Banda s’allient avec le SWP

Revenons maintenant aux racines de La sécurité et la Quatrième Internationale. Au début de 1986, Slaughter et Banda ont chacun appelé à une réévaluation de l’expérience avec Tim Wohlforth, Slaughter tentant de le contacter et Banda déclarant dans ses «27 raisons» que «la crise avec Wohlforth a été artificiellement exacerbée par Healy avec ses délires paranoïaques sur la sécurité et son échec total à résoudre les problèmes de perspective et de politique de la Workers League. La question de Nancy Fields a été exagérée et déformée de manière démesurée.» [47]

Dans la tristement célèbre Résolution 1 du Comité central du WRP, publiée le 26 janvier 1986, le WRP a dénoncé le CI et a décidé que «La sécurité et la Quatrième Internationale étaient un substitut à une véritable lutte contre le révisionnisme et aux principes trotskistes, que toutes les preuves présentées et les conclusions tirées soient réexaminées avec les documents publiés par le SWP américain ou par quiconque sur cette question». [48]

Le 2 février 1986, le camarade David a répondu par une lettre adressée aux membres du WRP intitulée «Pour la défense de La sécurité et la Quatrième Internationale». La lettre dénonçait les attaques des dirigeants du WRP contre La sécurité et la Quatrième Internationale comme «faisant partie d’une attaque plus large contre toute l’histoire du Comité international», orchestrée à des fins fractionnelles et comme «condition préalable essentielle à un rapprochement avec les révisionnistes». [49]

Le 7 février 1986, Banda publia ses «27 Raisons», dont la conclusion déclarait : «Aucun examen du CI ne serait complet ou honnêtement objectif s’il n’incluait pas la manifestation la plus sinistre et la plus réactionnaire du healyisme au sein du CI : La sécurité et la Quatrième Internationale.»

Il a traité l’enquête sur la sécurité de «coup monté monstrueux» mené par «le paranoïaque North et ses acolytes du CI». [50]

Le SWP, tout comme il l’avait fait avec Wohlforth après sa rupture avec le trotskisme, a accueilli à bras ouverts la rupture de Slaughter et Banda avec le CI et sa dénonciation de La sécurité et de la Quatrième Internationale. Dans son édition du 10 mars 1986 de l’Intercontinental Press, le SWP a republié des articles du News Line, avec le commentaire de Doug Jenness, diplômé du Collège Carleton, qu’«un coup terrible a été porté» à La sécurité et la Quatrième Internationale par l’attaque lancée par les renégats du WRP. Le SWP a écrit : «En renonçant à la campagne de harcèlement healyiste sur de faux agents, ces dirigeants du WRP ont fait le premier pas nécessaire afin que leurs opinions soient prises au sérieux en tant que partie légitime des débats politiques qui ont lieu aujourd’hui parmi les révolutionnaires.» [51]

Répondant à cette célébration de nouveaux alliés par le SWP, le camarade North a écrit une série d’articles intitulés «The Case Against the SWP—What the Facts Show» (Les preuves contre le SWP – Ce que les faits révèlent), qui ont été publiés dans le Bulletin du 11 au 18 mars 1986. North a écrit :

L’article de Banda confirme une loi politique : tous ceux qui rompent avec le trotskisme se rangent immédiatement du côté de Hansen. Pour ces renégats, la dénonciation de La sécurité et la Quatrième Internationale est un rituel obligatoire. [52]

L’enquête sur la sécurité constituait une part importante de l’activité politique quotidienne des cadres dirigeants du parti, et en particulier du camarade North. Cela impliquait une immense collecte d’informations historiques. Les articles et les journaux produits au cours de cette période ont été examinés par les membres du parti et étudiés avec soin et un immense intérêt. Il est essentiel de comprendre l’impact de la lutte des années 1974-1975 à 1983 sur l’ensemble des membres du parti, qui a permis aux cadres d’ancrer leur activité politique quotidienne dans la lutte contre le pablisme et dans la perspective de transmettre tout le contenu historique du mouvement trotskiste. Loin de remplacer la lutte contre le révisionnisme, elle l’a facilité et approfondi.

Ce n’est pas un hasard si cette période sert de pont entre deux événements marquants de l’histoire du mouvement : la rupture d’avec Wohlforth et la transition vers une nouvelle direction politique, et l’émergence de divergences en 1982 entre la Workers League et le WRP. Lorsque ces différends ont ensuite été portés à l’attention des membres de la Workers League, la réceptivité des membres aux critiques du camarade North sur l’opportunisme du WRP avait été préparée, en partie, par l’impact que La sécurité et la Quatrième Internationale avait eu sur la conscience des camarades.

Dans une lettre ouverte de 1987 répondant à la dénonciation de l’affaire Gelfand par Cliff Slaughter, le camarade North a écrit :

La direction actuelle de la Workers League s’est développée dans la lutte théorique et politique contre Wohlforth. La défense de l’héritage et du programme du parti contre sa trahison a produit une renaissance du trotskisme au sein de la Workers League. Ses cadres ne pouvaient vaincre Wohlforth au sens politique qu’en réassimilant toutes les leçons des luttes passées du Comité international pour construire le mouvement trotskiste aux États-Unis…

Précisément parce que la Workers League menait la lutte contre Wohlforth sur le plan politique et théorique le plus élevé, elle voyait les problèmes de sécurité qui surgissaient autour de Fields dans le contexte historique de la lutte internationale pour le trotskisme. La direction de la Workers League […] a été entraînée dans l’enquête de La sécurité et la Quatrième Internationale sur cette base de principe. La Workers League n’a jamais vu cette enquête comme un exercice de criminalistique. Dans la mesure où elle a été contrainte de mener des enquêtes, elle l’a fait dans le cadre de la lutte visant à clarifier les expériences historiques et à réarmer les cadres du mouvement mondial avec les amères leçons du passé. [53]

C’est grâce à de ce processus que la Workers League a pu produire, dans son document de perspectives de 1978, le résumé suivant de La sécurité et la Quatrième Internationale:

La Sécurité et la Quatrième Internationale ne représentent rien de moins que la réappropriation de toute la continuité historique du bolchevisme à travers la Quatrième Internationale et le Comité international contre l’emprise néfaste de la contre-révolution et de la falsification stalinienne. Tous les mensonges, les déformations et les crimes commis par le stalinisme contre le trotskisme, l’incarnation politique de la lutte pour l’Octobre mondial ; tous les actes monstrueux commis pour confondre et désorienter des générations de travailleurs sur la véritable histoire de la révolution d’Octobre et le rôle de Trotsky: un coup leur a été porté dont le stalinisme et toutes les agences de la contre-révolution impérialiste ne se remettront jamais. [54]

Irréfutable: La sécurité et la Quatrième Internationale aujourd’hui

Aujourd’hui, ceux qui attaquent La sécurité et la Quatrième Internationale ne font que se ridiculiser. Les preuves sont trop accablantes. Susan Weissman n’a pas pu répondre à la lettre du camarade North lorsqu’elle a défendu Hansen, dénoncé La sécurité et la Quatrième Internationale et proclamé que Zborowski «s’était moqué» des avocats de Gelfand pendant l’affaire Gelfand. On se souviendra d’elle pour son grand silence.

Une nouvelle génération de socialistes qui ont grandi à l’époque de la surveillance massive de la NSA, de la militarisation de la police et des attaques sans fin contre les droits démocratiques sera éduquée sur les questions de sécurité révolutionnaire par La sécurité et la Quatrième Internationale. Pour cette génération, les efforts visant à minimiser la sécurité du mouvement face à l’infiltration étatique semblent absurdes. Mais c’est précisément pour cette raison qu’un nouveau groupe d’opportunistes tente de répéter les affirmations du SWP selon lesquelles il est absurde de s’inquiéter de l’infiltration par l’État. C’est pourquoi Nathanial Flakin du Left Voice moréniste a écrit dans un article du 23 juin 2022 que La sécurité et la Quatrième Internationale était une «vile théorie du complot» qui «n’a jamais abouti à autre chose qu’à des preuves circonstancielles les plus ridicules». [55]

Flakin était, et restera, incapable de contester la moindre conclusion établie par La sécurité et la Quatrième Internationale. Son objectif est de présenter comme «risibles» les tentatives visant à maintenir l’indépendance physique du mouvement révolutionnaire vis-à-vis des agents de l’État, indépendamment des preuves, pour la même raison que les pablistes ont défendu Sylvia Franklin même après que le témoignage de celle-ci admettant être un agent du GPU avait été rendu public. Ils ne sont pas opposés à l’infiltration dans leurs mouvements parce que leurs mouvements ne s’opposent pas politiquement au capitalisme et à l’État capitaliste. Il est à noter que Flakin a écrit son article attaquant nos preuves «risibles» d’infiltration du GPU plus d’un an après que le World Socialist Web Site ait établi que Sylvia Ageloff était un agent du GPU et un pilier du complot du GPU visant à tuer Trotsky. Il ne pouvait pas contester ces faits. Personne ne le pouvait.

Comparez leur approche à la manière dont le CI a expliqué La sécurité et la Quatrième Internationale dans l’introduction de Comment le GPU a assassiné Trotsky :

En parlant de La sécurité et la Quatrième Internationale comme d’une «enquête», il faut comprendre que ce mot n’englobe que partiellement tout le contenu politique et historique de la lutte menée par le Comité international au cours des six dernières années. Tout comme la dénonciation par Trotsky des coups montés du procès de Moscou de 1936-38, c’est la plus haute expression consciente du mouvement objectif de la classe ouvrière contre la bourgeoisie et toutes ses agences. […] Le développement de l’enquête a établi que tout le sort de la révolution socialiste mondiale dépend de l’issue de la lutte incarnée dans La sécurité et la Quatrième Internationale

Les conclusions de La sécurité et la Quatrième Internationale constituent une base indispensable pour la formation des cadres marxistes et une arme matérielle puissante de la révolution mondiale. Les agents que cette arme a déjà démasqués et ceux qu’elle finira par détruire politiquement représentent le fer de lance de la contre-révolution. Ce fait doit être compris par tout ouvrier et jeune dotés d’une conscience de classe: tout l’instinct d’autopréservation historiquement accumulé de la bourgeoisie trouve son plus haut niveau de conscience dans l’élaboration de sa stratégie de destruction de la direction révolutionnaire de la classe ouvrière. [56]

Le Comité international est la seule organisation qui défend cet examen crucial du GPU et de l’infiltration impérialiste du mouvement révolutionnaire, car nous sommes la seule organisation qui considère la conquête du pouvoir comme son objectif. Notre existence est le produit d’une lutte systématique et hautement consciente pour la continuité politique du bolchevisme contre les agents de l’État et leurs complices politiques de la pseudo-gauche. C’était l’essence politique de la rupture d’avec Wohlforth ; elle a défini La sécurité et la Quatrième Internationale ; elle a guidé le CI dans sa rupture avec le WRP et constitue aujourd’hui l’épine dorsale de la lutte pour le socialisme.

Notes :

[1]https://en.wikipedia.org/wiki/Clockwork_Orange_(plot)#

[2] https://www.ucpi.org.uk/search-results/?fwp_search=Workers+Revolutionary+Party

[3]See David North, The Heritage We Defend, (Oak Park, MI: Mehring Books, 2018), Chapter 32.

[4]Seymour Hersh, New York Times, December 22, 1974. Available: https://timesmachine.nytimes.com/timesmachine/1974/12/22/432151792.html

[5]Tim Wohlforth’s Letter of Resignation from the Workers League, Trotskyism versus Revisionism, Volume Seven, “The Fourth International and the Renegade Wohlforth” (Detroit: Labor Publications, 1984), pp. 250–51.

[6]Ibid., p. 252.

[7]Ibid.

[8]From Cliff Slaughter to Tim Wohlforth, ibid., p. 258.

[9]Ibid.

[10]Ibid., p. 262.

[11]Ibid., p. 264.

[12]Findings of the Commission of Inquiry, ibid., pp. 269–70.

[13]Ibid., p. 271.

[14]Ibid., pp. 271-72.

[15]Ibid.

[16]James P. Cannon, The Struggle for a Proletarian Party (New York: Pathfinder Press, 1972), p. 41.

[17]“An answer to the slanders of Robertson and Wohlforth,” How the GPU Murdered Trotsky, ePub edition (Oak Park, MI: Mehring Books, 2015), p. 49.

[18]Joseph Hansen, “Healy’s Big Lie,” Socialist Workers Party Education for Socialists, December 1976, p. 5.

[19]“A reply to Joseph Hansen’s ‘The Secret of Healy‘s Dialectics,’” How the GPU Murdered Trotsky, ePub edition, pp. 60–62.

[20]Letter from Joseph Hansen to Cliff Slaughter, June 5, 1975, Security and the Fourth International (New York: Labor Publications, 1975), p. 136.

[21]The Gelfand Case Vol. 1 (Detroit: Labor Publications, 1985), p. 8.

[22]Ibid., pp. 29–30.

[23]“We charge Joseph Hansen,” How the GPU Murdered Trotsky, ePub edition, p.374.

[24]“Healy’s Big Lie,” p. 11.

[25]Ibid., p. 9.

[26]Ibid., p. 11.

[27]Ibid.

[28]Ibid., p. 19.

[29]Letter from Harold Robins to the SWP National Committee, How the GPU Murdered Trotsky, ePub edition, p. 395.

[30]James P. Cannon as We Knew Him (New York: Pathfinder Press, 1976) pp. 232–33.

[31]“Healy’s Big Lie,” p. 2.

[32]Ibid.

[33]Militant, May 7, 1976, p. 17.

[34]The Observer, Sunday, January 16, 1977, p. 1.

[35]Newsline, Monday, January 17, 1977.

[36]David North, “The case against the SWP—What the facts show,” Fourth International, Vol. 13 no. 2, p. 173.

[37]Eric London, AGENTS, The FBI and GPU Infiltration of the Trotskyist Movement (Oak Park, MI: Mehring Books, 2018), p. 91.

[38]Ibid., pp. 91–92.

[39]Interview with Felix Morrow by David North, June 2, 1977 (Reprinted in AGENTS, pp. 38–39).

[40]Joseph Hansen, “Healyites Escalate Frame-up of Trotskyist Leaders,” Intercontinental Press, June 20, 1977, Vol. 15 no. 23, p. 700.

[41]Ibid.

[42]Ibid., p. 701.

[43]Socialist Equality Party, Historical and International Foundations of the Socialist Equality Party (Oak Park, MI: Mehring Books, 2008), p. 106.

[44]The Gelfand Case Vol. 2, p. 651.

[45]June 11, 1982 memorandum from Central Intelligence Agency General Counsel Stanley Sporkin to CIA Director William J. Casey.

[46]David North, “A Comment on the Gelfand Open Letter,” Fourth International, Vol. 14 no. 2, June 1987, p. 73.

[47]David North, The Heritage We Defend, p. 439.

[48]Resolution 1 of the Central Committee of the Workers Revolutionary Party, January 26, 1986, Fourth International, Vol. 13 no. 2, Autumn 1986, p. 118.

[49]David North, “In Defense of Security and the Fourth International,” ibid, p. 139.

[50]“A Comment on the Gelfand Open Letter,” pp. 73–74.

[51]Doug Jenness, “Giant blow to agent-baiting campaign,” Intercontinental Press, Vol. 24 no. 5, March 10, 1986, p. 147; p. 150.

[52]“The case against the SWP—What the facts show,” Fourth International, Vol. 13 no. 2, p. 174.

[53]“A Comment on the Gelfand Open Letter,” Fourth International, Vol. 14 no. 2, p. 81.

[54]The World Economic-Political Crisis and the Death Agony of US Imperialism: Draft Resolution on the Perspectives and Tasks of the Workers League, 1978, p. 38.

[55]Nathaniel Flakin, “The Strange Story of Trotskyism in the Alps,” Left Voice, June 23, 2022, available: https://www.leftvoice.org/the-strange-story-of-trotskyism-in-the-alps/

[56]How the GPU Murdered Trotsky, ePub edition, pp. 13–14.

(Article paru en anglais le 21 septembre 2023)

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